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Moyen Orient et Monde - Interview expresse

La Belgique « toujours impuissante » face aux départs de jihadistes

La Belgique est considérée comme une base arrière du terrorisme depuis que l'on sait qu'au moins quatre des assaillants des attaques du 13 novembre à Paris sont belges ou ont résidé dans le petit royaume. Pour Alexis Deswaef, président de la Ligue des droits de l'homme et avocat de l'association Les Parents Concernés, qui regroupe des parents de jihadistes belges, la lutte contre le radicalisme passe avant tout par la prévention, notamment grâce à l'éducation et la culture.

Alexis Deswaef, président de la Ligue des droits de l’homme et avocat de l’association Les Parents Concernés.

Vous distinguez au moins deux groupes de jihadistes belges selon l'année de leur départ, pourquoi ?
Entre 2012 et 2013, les seuls crimes contre l'humanité dont on avait connaissance était ceux commis par le régime de Bachar el-Assad. C'est pour ça que les départs à cette époque-là ne peuvent pas être comparés avec ceux datant de 2014 et 2015. Ces jihadistes-là savaient forcément qu'ils allaient rejoindre des groupes terroristes. Didier Reynders (le ministre belge des Affaires étrangères) avait lui-même déclaré en 2013 que si le retour de jihadistes représente un « vrai risque terroriste », l'on « construira peut-être un monument comme héros d'une révolution » à ces « jeunes qui, peut-être par idéalisme, vont travailler dans l'humanitaire ou se battre aux côtés de l'armée syrienne de libération ».

Comment se fait-il que la plupart des familles de candidats au jihad disent n'avoir rien vu venir ?
Une maman m'expliquait un jour que cette radicalisation n'est pas nécessairement inquiétante dans un premier temps. L'enfant commence à prier. Soit. Puis il va distribuer des repas avec Jean-Louis Denis (NDLR : un prédicateur belge qui recrutait des jeunes pour le jihad en Syrie sous le couvert d'aider les plus démunis). Quelle maman est contre le fait que son enfant distribue des repas ? Donc, le temps qu'on s'inquiète, il est déjà prêt à partir. Mais il ne faut pas être naïf, cette radicalisation se poursuit évidemment là-bas au sein de groupes comme le Front al-Nosra (branche syrienne d'el-Qaëda) ou l'État islamique. C'est là que la vraie radicalisation se poursuit de manière exponentielle.

Le Premier ministre français Manuel Valls déclarait récemment qu'« expliquer (les motivations des terroristes), c'est déjà vouloir un peu excuser ». En votre qualité d'avocat de l'association Les Parents Concernés, comment faites-vous pour faire la part entre compréhension et justification ?
Expliquer, c'est essayer de comprendre. Analyser, c'est trouver les clefs pour éviter que cela se reproduise. Cela signifie aussi ne pas rejeter 100 % de la faute sur la personne qui est partie en Syrie. En tant que société, l'on porte une part de responsabilité et il faut pouvoir le dire. Il ne faut pas non plus tomber dans la victimisation – certains ont eu leur chance et ne l'ont pas saisie –, mais nous devons pouvoir faire notre autocritique. C'est trop facile de dire qu'un jeune de 18 ou 20 ans est le seul responsable. C'est éminemment plus nuancé et complexe que cela.

Au lendemain des attentats du 13 novembre, le Premier ministre belge Charles Michel a annoncé 18 mesures pour lutter contre le terrorisme, dont des perquisitions 24 h sur 24 et des gardes à vue de 72 h. Selon vous, le gouvernement fait-il une erreur en privilégiant la répression plutôt que la prévention ?
Que fait l'État pour empêcher les jeunes de partir? Très peu. On a été beaucoup trop lents à réagir et je ne suis même pas sûr que, même aujourd'hui, l'on soit au point pour empêcher ces départs. Les 18 mesures de lutte contre le terrorisme présentées par le gouvernement sont aussi éloquentes dans ce qu'elles ne disent pas : il n'y a rien au niveau de la prévention, ils ne parlent que de répression. Je ne veux pas tomber dans le simplisme, mais ils s'attaquent aux conséquences du terrorisme et oublient les causes. Pour éviter que ces jeunes soient tentés par la radicalisation, il faut investir massivement dans l'éducation, la formation professionnelle et les infrastructures sportives. Le défi pour notre société est immense.

Vous distinguez au moins deux groupes de jihadistes belges selon l'année de leur départ, pourquoi ?Entre 2012 et 2013, les seuls crimes contre l'humanité dont on avait connaissance était ceux commis par le régime de Bachar el-Assad. C'est pour ça que les départs à cette époque-là ne peuvent pas être comparés avec ceux datant de 2014 et 2015. Ces jihadistes-là savaient forcément...

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