Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Décryptage

Iran : quand le fantasme libéral voile les fractures idéologiques

Si la configuration actuelle, inédite, semble favoriser une dynamique de recomposition de la scène politique, elle ne constitue cependant pas un bouleversement dramatique des rapports de force traditionnels : les « indépendants » sauront garder l'équilibre...

« Le progrès du pays est l’objectif principal » et le « prochain Parlement aura de lourdes charges », a estimé hier soir le guide suprême Ali Khamenei. HO/AFP

Vendredi 26 février, les Iraniens se sont rendus aux urnes pour l'élection du dixième Parlement et de la cinquième Assemblée des experts depuis la révolution populaire islamique de 1979. Ce scrutin a enregistré un taux national de participation élevé (60%) et les premiers résultats traduisent l'impact déterminant du ralliement des candidatures indépendantes au camp des réformateurs modérés, et l'adhésion significative des électeurs à la politique conduite par le président Hassan Rohani.

Si en 2013, au moment des élections présidentielles, Hassan Rohani n'incarnait pas les aspirations des réformateurs, deux ans de mandat et les résultats tangibles de sa politique d'ouverture ont permis d'opérer un véritable rapprochement entre réformateurs et modérés. La concrétisation des principales promesses électorales du président à travers le pragmatisme du discours et la culture du compromis ont largement favorisé l'émergence d'un consensus national autour de ses orientations économiques et politiques.

La fin du contentieux historique sur le dossier nucléaire, le désir d'ouverture et le pari sur une approche modérée, mais résolument libérale, du président permettent donc pour un temps de transcender les clivages idéologiques traditionnels et de rallier des candidats indépendants de sensibilité conservatrice à la coalition modérés-réformateurs. Comme le rappelle Milad Jokar, analyste politique spécialiste de l'Iran, associé à l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), les perspectives économiques de l'Iran se sont considérablement éclaircies depuis l'accession au pouvoir de Hassan Rohani. « Lorsque Mahmoud Ahmadinejad a quitté la présidence, l'Iran connaissait un taux de croissance négatif de -6,8 %. Sous le président Rohani, la croissance est revenue à -2,4 %, avant même la levée des sanctions. On peut établir le même constat pour l'inflation : à la fin du mandat d'Ahmadinejad, il était de l'ordre de 45 %, il s'est stabilisé aujourd'hui aux alentours de 12 %. Indéniablement, c'est une meilleure gestion de l'économie qui a permis d'atteindre ces résultats. »

(Portrait : Hassan Rohani, un « cheikh diplomate » ambigu)



Selon l'analyste, l'Iran a amorcé une transition, la libération du poids des sanctions entraînant une sortie de l'économie de résistance et ouvrant la voie à la réintégration progressive du pays dans les circuits de l'économie mondialisée. Il rappelle qu'aujourd'hui, le programme de Rohani est « d'évoluer vers davantage de libéralisation et de mettre en œuvre une stratégie de développement du secteur privé, et d'ouverture du pays aux investissements directs étrangers. Ces nouvelles orientations économiques offriraient de nouvelles potentialités pour redynamiser l'économie ». Mais passée l'effervescence de la levée des sanctions, les premières traductions du programme de libéralisation pourraient rapidement faire volet en éclat ce consensus national qui exprime le « transfert des résultats de Rohani au niveau de la représentation nationale parlementaire », selon l'expression de Milad Jokar. Si les lignes de force semblent se déplacer, le contexte dans lequel interviennent ces élections et la pluralité des acteurs qui dominent la scène politique appellent deux nuances importantes.

Les 30-45 ans

La première renvoie au jeu d'alliances, aux combinaisons politiques de circonstance et au rôle des acteurs politiques traditionnellement conservateurs, mais qui se sont déclarés « indépendants ». Ces acteurs peuvent à la fois converger vers les modérés ou les conservateurs en fonction des dossiers et des options avancées. Il s'agit de positionnements ponctuels qui se redessinent au gré des évolutions politiques. La grande pluralité qui caractérise donc la scène politique iranienne permet d'ores et déjà d'entrevoir des constructions d'alliances autrement plus complexes que la simple dichotomie conservateurs/modérés. Le rapport de force est tel que ces clivages ne sont aussi affirmés qu'en apparence.

Deuxièmement, s'il semble aujourd'hui certain que la voie modérée incarnée par Hassan Rohani a séduit un électorat assez large, il n'est pas sûr que ses options libérales une fois éprouvées suscitent une adhésion aussi massive et sans réserves. Toute analyse prudente se doit de rappeler que l'option libérale présentée comme la seule voie possible de redynamisation de l'économie iranienne après 35 ans d'isolement a des conséquences socio-économiques qui ne sont que trop bien connues. Or, si le rapport démographique a bien évolué, et que la catégorie des 30-45 ans est aujourd'hui la plus nombreuse, c'est aussi celle qui semble nourrir le plus d'aspirations pour l'amélioration de sa condition socio-économique. Pour cette catégorie qui forme l'essentiel du paysage démographique des banlieues, la facilité d'accès au logement, tout comme l'égalité des chances économiques deviennent des enjeux primordiaux. L'attirance pour un modèle générateur d'inégalités structurelles pourrait rapidement trouver ses limites et la question socio-économique deviendrait alors le principal clivage structurant de la scène politique.

Si l'urgence de sortir du marasme économique et le succès de la recette Rohani ont façonné de nouvelles alliances, il n'est pas encore dit qu'elles ouvrent la voie à une recomposition durable du paysage politique en Iran.


Lire aussi
Les enjeux des élections iraniennes en cinq points

Hassan Khomeyni évincé : les conservateurs ont préféré ne prendre « aucun risque »

Commentaire
À travers Gholam Ali Haddad Adel, la haine médiatique face aux néo-principalistes iraniens

 

Reportages
« Au Parlement ou à l'Assemblée des experts, notre objectif est de lutter contre la discrimination »

« J'ai l'impression de faire le jeu d'un système politique avec lequel je ne suis pas d'accord »

Vendredi 26 février, les Iraniens se sont rendus aux urnes pour l'élection du dixième Parlement et de la cinquième Assemblée des experts depuis la révolution populaire islamique de 1979. Ce scrutin a enregistré un taux national de participation élevé (60%) et les premiers résultats traduisent l'impact déterminant du ralliement des candidatures indépendantes au camp des réformateurs...

commentaires (3)

ROHANI... TOUT COMME RAFSANDJANI... ET KHATEMI QUI FUT FRAPPE D,INTERDIT... DES HOMMES DE BONNE FOI ET CAPABLES... MAIS QUE PEUVENT-ILS FAIRE S,ILS SONT COIFFES PAR LE FAKIH QUI SEUL DECIDE DE L,ORIENTATION DES CHOSES ?

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 59, le 29 février 2016

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • ROHANI... TOUT COMME RAFSANDJANI... ET KHATEMI QUI FUT FRAPPE D,INTERDIT... DES HOMMES DE BONNE FOI ET CAPABLES... MAIS QUE PEUVENT-ILS FAIRE S,ILS SONT COIFFES PAR LE FAKIH QUI SEUL DECIDE DE L,ORIENTATION DES CHOSES ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 59, le 29 février 2016

  • Si le programme des modérés fait goûter aux Iraniens, les deux premieres années, le gout du miel de la prospérité, rien ne fera retourner les Iraniens aux regime Nazi des Mollahs. Déjà que les Iraniens ne les supportent plus et voudraient les voir disparaître de la scene politique, pour ne pas dire disparaître totalement et en bonne et due forme. Espérons quand meme pour ce peuple, un peu plus de liberté et de prospérité car c'est un peuple intelligent qui ne mérite pas d’être traîne dans la gadoue comme l'ont fait les mollahs et les adeptes de regimes théocratiques nazis sans foi ni lois que celles qui humilissent et avilissent les peuples.

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 42, le 29 février 2016

  • tres jolie article qui permet de mieux visualiser l'iran toutefois il etait clair comme je l'avais mentionner depuis fort longtemps que les future GM, APPLE et CIE seront au programme !! cependant " Il rappelle qu'aujourd'hui, le programme de Rohani est « d'évoluer vers davantage de libéralisation et de mettre en œuvre une stratégie de développement du secteur privé, et d'ouverture du pays aux investissements directs étrangers." ces investissements seront ils viables par sur un court terme mais un long terme?

    Bery tus

    02 h 28, le 29 février 2016

Retour en haut