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Liban - Décryptage

Le dossier présidentiel relégué au second plan

En quelques jours, les priorités ont été totalement bouleversées. Alors que les Libanais misaient sur la tenue de la séance parlementaire du 2 mars pour l'élection présidentielle, brusquement le paysage politique s'est complètement modifié, les positions locales se sont radicalisées sur fond de menaces des pays du Golfe, à la fois de suspendre le don de « trois milliards de dollars plus un » à l'armée et d'expulser les 400 000 Libanais installés dans ces pays (dont 250 000 sont en Arabie saoudite).

Comment expliquer ce soudain retournement de situation, alors qu'en toute logique, le royaume d'Arabie était censé donner un push à son allié, le chef du courant du Futur, de retour au Liban pour faire élire son candidat Sleiman Frangié à la présidence ? Pourquoi ressortir aujourd'hui une position du ministre des Affaires étrangères à la réunion des ministres arabes au Caire, il y a près d'un mois et demi, et susciter autour d'elle une polémique qui ne paraît pas vraiment justifiée ? Ces questions méritent d'être posées, surtout que la prise de position du ministre des Affaires étrangères, même si elle peut paraître critiquable, n'a ni de près ni de loin remis en question l'appartenance arabe du Liban, ni son engagement en faveur des causes arabes communes.

Indépendamment des questions techniques et juridiques entourant la position du ministre des Affaires étrangères, la flambée politique provoquée par la décision du royaume wahhabite de suspendre le don promis à l'armée libanaise reste étrange. D'autant que ce don faisait l'objet d'une controverse depuis quelques mois déjà. En fait, il avait été décidé par le défunt roi Abdallah et annoncé par l'ancien président de la République Michel Sleiman le 22 novembre 2013. Certaines informations publiées à l'époque dans les médias libanais avaient évoqué la possibilité que l'octroi de ce don serait lié à une prorogation de quelques mois du mandat de Michel Sleiman (arrivé à expiration le 25 mai 2014). Cela n'a jamais été confirmé. Par contre, après la mort du roi Abdallah et l'arrivée au pouvoir en Arabie d'une équipe différente et l'émergence d'un nouvel homme fort, l'émir Mohammad ben Salmane, jeune et fougueux, le royaume a suspendu de nombreux contrats conclus sous le règne précédent. Le don accordé au Liban fait partie de ces opérations financières que la nouvelle équipe a voulu étudier et au besoin renégocier. Tout au long de l'année écoulée, des informations contradictoires ont circulé au sujet de ce don et même le commandant en chef de l'armée a déclaré en novembre dernier, dans un entretien à l'agence Reuters, que jusqu'à présent, « c'est de l'encre sur le papier ».

Si l'on tient compte de ces données, le fait de lier la suspension du don à la position du ministre des Affaires étrangères n'est pas vraiment justifié, sachant que d'une part, le don est lui-même remis en question pour des considérations intérieures saoudiennes qui n'ont rien à voir avec le Liban et que la position du ministre des Affaires étrangères remonte à plusieurs semaines. Dans ce cas, que cache cette soudaine annonce officielle qui a pratiquement mis le feu aux poudres politiques, avec même un scénario sécuritaire qui s'est traduit par des affrontements « entre deux familles » (comme par hasard, l'une est proche du courant du Futur, l'autre des Brigades de la résistance, une formation sunnite proche du Hezbollah) à Saadiyate ?

Pour les milieux proches du Hezbollah, l'explication est simple : étant en train de perdre du terrain au Yémen (où après bientôt un an de bombardements et de combats intensifs, les alliés de l'Arabie n'ont pas enregistré une seule victoire importante, alors que le groupe Ansarullah a fait d'importantes percées en territoire saoudien) et en Syrie (où la cessation des hostilités décrétée par les États-Unis et la Russie exclut les formations qualifiées de terroristes selon la volonté russe), les autorités saoudiennes auraient décidé d'augmenter la pression sur le Hezbollah pour l'isoler sur la scène interne libanaise et le mettre en difficulté. En même temps, en ciblant le ministre des Affaires étrangères, les Saoudiens envoient un message indirect au général Michel Aoun pour lui expliquer que sa candidature à la présidence est inacceptable à leurs yeux...

De fait, la campagne médiatique menée par le courant du Futur et ses alliés contre le Hezbollah et contre le ministre Gebran Bassil, qu'elle soit justifiée ou non, va dans ce sens. Il s'agirait en fait d'inquiéter le Hezbollah et de déstabiliser ses relations intérieures pour le pousser à faire des concessions politiques. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le parti chiite et Michel Aoun se sont bien gardés de répondre directement à cette campagne. Mais en même temps, le rapport des forces étant ce qu'il est au Liban, le gouvernement n'a pas pu adopter le communiqué préparé à l'avance sous l'inspiration du courant du Futur au cours de sa réunion de lundi, consacrée à l'examen de la politique étrangère. Non seulement le Hezbollah a réussi à imposer quelques modifications linguistiques, mais de plus, la réunion de dialogue entre les représentants du courant du Futur et du parti de Hassan Nasrallah a été maintenue. En d'autres termes, cela signifie qu'en dépit de la tension politique maximale, les parties internes ne veulent ni faire sauter le gouvernement ni remettre en cause la stabilité sur le plan sécuritaire. Toutefois, la première victime de cette tempête politico-médiatique reste le dossier présidentiel qui a aujourd'hui moins que jamais des chances d'être réglé.

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En quelques jours, les priorités ont été totalement bouleversées. Alors que les Libanais misaient sur la tenue de la séance parlementaire du 2 mars pour l'élection présidentielle, brusquement le paysage politique s'est complètement modifié, les positions locales se sont radicalisées sur fond de menaces des pays du Golfe, à la fois de suspendre le don de « trois milliards de dollars...

commentaires (9)

Chere Scarlett Vos articles ne me laissent pas indifferents mais cessez s'il vous plait de tourner autour du pot. Demandez donc a ceux que vous ne cessez de representer ou de defendre dans ces pages,de se rendre au parlement. A cheval, a dos d'ane , a bicyclette voire meme a pied si tout leur stock de voitures "fumees" venait a etre insuffisant.... Vous verrez par une simple etincelle de baguette magique comment tous les deputes se retrouveront dans l'hemicycle et choisiront alors le prochain president.... En relisant votre derniere phrase, je crois que de releguer a la derniere des priorites, le dossier repassera en tete des priorites...et la, parole de prophete, un miracle pourra se produire. J'imagine le bon peuple que nous sommes prets a aller alors pour feliciter le nouveau President elu a Rabie,Bnach3i ou 3aley et ce,a defaut de pouvoir feliciter une Presidente..Cela n'etant pas encore d'actualite meme dans notre chere Liban. Allez encore un petit effort s'il vous plait car la prochaine seance c'est le 2 Mars et j'ai encore envie de croire au Pere Noel.

Pierre Moise

09 h 35, le 26 février 2016

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Commentaires (9)

  • Chere Scarlett Vos articles ne me laissent pas indifferents mais cessez s'il vous plait de tourner autour du pot. Demandez donc a ceux que vous ne cessez de representer ou de defendre dans ces pages,de se rendre au parlement. A cheval, a dos d'ane , a bicyclette voire meme a pied si tout leur stock de voitures "fumees" venait a etre insuffisant.... Vous verrez par une simple etincelle de baguette magique comment tous les deputes se retrouveront dans l'hemicycle et choisiront alors le prochain president.... En relisant votre derniere phrase, je crois que de releguer a la derniere des priorites, le dossier repassera en tete des priorites...et la, parole de prophete, un miracle pourra se produire. J'imagine le bon peuple que nous sommes prets a aller alors pour feliciter le nouveau President elu a Rabie,Bnach3i ou 3aley et ce,a defaut de pouvoir feliciter une Presidente..Cela n'etant pas encore d'actualite meme dans notre chere Liban. Allez encore un petit effort s'il vous plait car la prochaine seance c'est le 2 Mars et j'ai encore envie de croire au Pere Noel.

    Pierre Moise

    09 h 35, le 26 février 2016

  • DES NON SENS CONTINUENT MALHEUREUSEMENT A ETRE EXPRIMES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 54, le 25 février 2016

  • Chere Scarlett , il faudra poser la question a saad hariri qui depuis son " malheureux avenement " a mis le pays dans un branle- bas general en semant discorde et confusion dans le 8 et le 14 . Toute la scene de l incident diplomatique etait prealablement inventee , planifiee et bien mijotee... C est en quelque sorte un casus belli "light " de la part des saoudiens . . Pretexte pour faillir aux promesses faites aux mendiants de notre republique .

    Hitti arlette

    16 h 38, le 25 février 2016

  • Le Liban était autonome de 1860 à 1920, indépendant dans l'interdépendance de 1920 à 1943, indépendant depuis 1943. Il est membre fondateur de la Ligue arabe et membre de l'Organisation des Nations unies. Le Liban n'a jamais été une colonie de qui que ce soit et ne le sera jamais. A bons entendeurs, Salut !

    Un Libanais

    12 h 25, le 25 février 2016

  • La partie la plus juste et la plus sensée de cet article c'est uniquement la dernière phrase. Le reste est un patchwork mal monté, peu convaincant,et totalement incompatible avec notre constitution et notre souveraineté nationale...! Ce qui est déconcertant c'est votre défense inconditionnelle d'un parti "hors-la-loi" et dont vous justifies en permanence les comportements comme si ils étaient légaux et légitimes. Je suis outré en tant que citoyen libre et indépendant d'avoir à subir dans ma dignité, ce camouflet que le RAS me fait subir, du fait que mon partenaire national a proclamé son allégeance à un pays étranger et veut continuer à pratiquer ses exactions pour m'obliger à légaliser sa situation et ses décisions...!

    Salim Dahdah

    10 h 23, le 25 février 2016

  • Il est certain que les ben saoudite ne connaissent pas de victoires non pas depuis un an ou 5 ans mais depuis 1492. La raison est simple Scarlett ces gens là n'ont pas de jugeote et n'agissent que sur ordre. ils sont dépendants de tout et quand il s'agit de prendre des initiatives indépendantes ils se plantent. C'est des gens finis, le monde ne pourra plus supporter de tels fardeaux, ils sont inutiles et incompétents, du coup ça laisse pas mal de place aux gens saint d'esprit.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 05, le 25 février 2016

  • Pour régler ce dossier il faut des candidats crédibles ....ceux là ils sont bien cachés!

    CBG

    09 h 23, le 25 février 2016

  • J,AI LU CET ARTICLE ET MA FOI J,AI BIEN RI... TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD... MERCI ENCORE POUR CE MATIN... LE RIRE ME FAIT DU BIEN. BONNE JOURNEE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 09, le 25 février 2016

  • Cette fois, tout au long de ce DECRYPTAGE, "les milieux proches du Hezbollah" nous font sauter du coq à l'âne. C'est pour nous divertir un peu. Ils sont charitables et fins, "les milieux proches du Hezbollah". Ils savent bien -et pour cause- qu'on est dans une tension à crever (à cause des péripéties régionales et locales de notre super sacré Hezbollah). Dans le même ordre de charité, "les milieux proches du Hezbollah" s'étonnent de cette tempête qui balaie le Liban avec tout le monde se sifflant : Arabie saoudite, Arabie saoudite, ambassadeur Assiri, ambassadeur Assiri, et un tas de sifflements semblables. C'est qu'ils veulent nous apaiser. Dans ce but, ils font même semblant de n'avoir jamais entendu parler du festival d'insultes à l'Arabie saoudite qui se déroule depuis des mois, par la bouche de sayyed Hassan Nasrallah et de ses ténors. Merci, les milieux proches du Hezbollah pour votre préoccupation avec la santé des Libanais.

    Halim Abou Chacra

    07 h 07, le 25 février 2016

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