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Nos Lecteurs ont la Parole - Sylvain THOMAS

La vision du passé et de l’avenir

Les poètes ont souvent, et à juste titre, comparé l'existence à une eau courante. Comme un fleuve, comme une rivière, notre vie s'écoule, ne connaît pas d'arrêt, et ce que nous appelons le présent n'est qu'un moment insaisissable entre ce qui a été et ce qui va être. Bien que nous ayons l'impression de ne vivre qu'en fonction de ce qui nous arrive dans le présent, nous savons fort bien que nous devons rechercher notre vérité dans le passé, dans ce que nous avons été... De là, notre propension à nous raconter, à retracer notre enfance, notre jeunesse, nos luttes, nos victoires, nos échecs, nos amours, nos amertumes. La mémoire nous permet d'unifier notre personnalité, de nouer un fil entre tous les moments de ce que nous sommes et de ce que nous fûmes.
D'autre part, le réflexe joue son rôle de s'expliquer aux autres afin de rendre cohérent ce qui leur apparaît comme une histoire décousue.
Le genre des mémoires est certes depuis quelques décennies l'un des plus prisés du public. Nous ne parlons pas seulement de ces hommes d'État, de ces artistes qui sur le tard de leur vie enregistrent leurs souvenirs par souci de se faire édifier eux-mêmes une statue qu'ils craindraient de voir moins complaisamment sculptée par des mains étrangères...
Nous pensons aussi à ces nombreux écrivains et romanciers qui transforment leurs expériences en une large adhésion des lecteurs. Ceux-ci aiment à se retrouver à travers un témoin qui leur ressemble, aiment à se comparer, aiment à se rassurer...
Il ne faut jamais oublier que l'homme moderne, éloigné aux recours traditionnels des croyances de la foi, cherche à retrouver des modes de participation à la collectivité qui se substituent à ceux ci. Se trouver, se connaître un tel objectif ne peut être atteint par le seul jeu de la mémoire, ni par un effort de comparaison avec autrui. Pour apprécier ce que l'on est, il faut savoir ce que l'on désire, ce dont on rêve. D'ailleurs, depuis de temps reculés, les Anciens ont interrogé les songes, certains d'y déceler des indices de vérité sur leur origine ou sur leur avenir.
Les fondateurs de peuples alléguaient souvent la visite prémonitoire d'un prophète qui leur aurait parlé pendant le sommeil. Dans combien de films l'intrigue se révèle-t-elle n'être rien d'autre que la réalisation d'un réveil. Cette tradition parcourt toutes les civilisations et a laissé des traces dans toutes les littératures.
Le rêve parle en termes mystérieux de nos désirs, de nos craintes, de nos peurs. Ses symboles expriment nos angoisses, nos complexes, nos fantasmes. Nous nous étonnons des vérités qu'il découvre, sans que nous sachions les déchiffrer. Il est à la fois proche et éloigné de nous.
Par exemple, cette nuit nous rêverons d'escaliers et de couloirs sans fin, de ponts qui se rompent, de routes infinies. Nous ne comprendrons pas clairement le message de ces images et cependant nous essayerons de donner une signification à ces représentations.
Cette puissance du rêve, l'art l'a investie à son profit autant qu'il a pu. La peinture et la sculpture en sont l'un des meilleurs exemples. La mémoire, le rêve, l'imagination : trois avenues royales pour comprendre l'univers où l'homme bâtit son royaume. Sans mémoire, nous ne sommes plus qu'une épave qui ne sait plus où aller. Sans rêve, nous vivons dans la grisaille du désespoir. Sans imagination, nous nous engluons dans la passivité des choses.
Pourtant quel bonheur quand cet effort de mémoire nous ramène le plus infime souvenir ! Et pourquoi ce bonheur ? Il est si vrai, si vécu qu'on ne songe pas souvent à se poser la question. Parce que notre jeunesse est une image de nous que nous pouvons aimer. On s'y retrouve jusque dans la manière d'être tristes. On s'attendrit en reconnaissant, en ses débuts, notre façon de nous comporter devant les agressions du monde ou parce que le temps est notre ennemi et qu'il signe notre approche de la fin et l'arrêt de notre mort.

Sylvain THOMAS

Les poètes ont souvent, et à juste titre, comparé l'existence à une eau courante. Comme un fleuve, comme une rivière, notre vie s'écoule, ne connaît pas d'arrêt, et ce que nous appelons le présent n'est qu'un moment insaisissable entre ce qui a été et ce qui va être. Bien que nous ayons l'impression de ne vivre qu'en fonction de ce qui nous arrive dans le présent, nous savons fort...

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