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Culture - Dans l’atelier de...

Maya Husseini, la seule Libanaise qui murmure à l’oreille des vitraux

À peine les vitraux de la façade du musée Sursock installés*, la voici plongée dans un nouveau gros projet. Celui de la cathédrale Saint-Louis des capucins. L'occasion de voir ce maître-verrier en jupons à l'œuvre.

L’insertion des vitraux dans les rails de plomb...

Pénombre et silence de... cathédrale nimbent son vaste atelier, situé au sous-sol d'un immeuble de Mar Takla. Dans ce temple de la création, Maya Husseini (titulaire du prix de l'Unesco de l'artisanat pour les États arabes), boucles rousses et tablier-salopette en jeans, travaille seule.
Penchée sur un puzzle de plaques de verre de différentes couleurs recouvrant le croquis, grandeur nature, d'un Saint Jean, elle peaufine au pinceau les traits du personnage biblique qu'elle a elle-même dessiné, « à main levée ». Puis, en attendant que la peinture sèche et qu'elle la rentre au four, elle passe à un second dessin, étalé sur une autre planche de travail et divisé en plusieurs fragments tous numérotés. « Chaque partie du croquis porte le numéro correspondant à la couleur qui lui sera impartie dans le vitrail », explique l'artiste en tirant d'un long casier à cloisons verticales, ceinturant tout un pan de mur, une grande plaque de verre soufflé de couleur bleue.

Du muscle et de la minutie
Munie d'un biseau et d'une paire de tenailles, elle incise et découpe cette « feuille de verre » en suivant le tracé de la partie du dessin qui lui est dévolu. Elle répétera son découpage dans les différentes couleurs jusqu'à l'obtention d'un nouveau puzzle de verre coloré. Petite pause dans cette tâche à la répétition éprouvante et qui nécessite autant de muscle que de minutie, avant d'alterner, ensuite, sur une autre gestuelle. Sur une troisième table, l'attendent des plaques de verre sorties du four qu'elle doit assembler entre elles au moyen de rails de plomb. Une heure plus tard, le panneau, presque terminé, n'attend plus que son passage au four. À partir de là, tout est dans le dosage des temps d'enfournement et de refroidissement. La moindre erreur peut ramener le travail à la case départ. Et « le verre, qui est une matière vivante », réserve dans ce cas de mauvaises surprises.
Si ce materiau n'a plus de secret pour Maya Husseini – cela fait 30 ans qu'elle expérimente ses différentes techniques et possibilités –, elle n'en met pas moins toujours autant de cœur à l'ouvrage. Certes, au bout de tout ce temps, le geste est plus rapide, la main plus ferme, l'œil plus affuté. Et la manipulation de ce matériau, aussi fragile que tranchant, se fait avec une parfaite dextérité. Pourtant, chaque grand projet reste pour l'unique femme maître-verrier au Liban un challenge, une conquête dans cet univers traditionnellement « bastion masculin ».

Le temps des cathédrales...
« Il a fallu que je fasse mes preuves », confie l'artiste peintre, diplômée en arts plastiques de l'Alba et spécialisée dans le travail du vitrail à Chartres. Une formation solide qu'elle étoffera de recherches personnelles autour du thermoformage et du fusing, qui la conduiront à concevoir toutes sortes d'éléments décoratifs et mobiliers sous le label Cèdre-Verre. Des créations contemporaines qu'elle s'amuse à réaliser en parallèle à ses chantiers de restauration ou de création de vitraux d'église. « J'en ai fait une trentaine au Liban, dont Notre-Dame du Mont (Adma), Santa (Gemmayzé), Saint-Antoine-de-Padoue (Sin el-Fil) ou Saint-Élie (Jamhour) », énumère cette pétulante créatrice qui n'est pas vraiment une grenouille de bénitier. Même si elle se dit ravie de s'attaquer à sa « première cathédrale ». Celle de Saint-Louis des capucins au centre-ville. Largement endommagée durant la guerre, elle avait été restaurée il y a quelques années, mais manquaient encore les vitraux. La Ligue latine qui s'en occupe a décidé d'y remédier en confiant l'œuvre à Maya Husseini. « Mises à part les indispensables concertations avec le conseil religieux des capucins sur le choix des saints et des scènes de l'Évangile à représenter, les membres de la ligue m'ont donné carte blanche pour la réalisation des 38 vitraux (de hauteur variant entre 1,60m et 2,70m) et des 4 rosaces que compte la cathédrale », indique-t-elle.
De la création du dessin à l'exécution des vitraux et jusqu'à leur montage, elle fera tout toute seule de A à Z. « J'ai juste rapporté de Saint-Just, en France, les feuilles de verre soufflé, dans leur 64 nuances, utilisées dans la technique du vitrail traditionnel », signale-t-elle. « Tout le reste, je le fais moi-même, avec l'aide ponctuelle d'un apprenti », indique cette maîtresse femme.
Entamé il y a quelques mois, le projet, dont l'achèvement est normalement prévu pour le mois de décembre 2016, risque de se terminer plus tôt.
Au rythme de 6 à 7 heures d'atelier quotidien, la dynamique Maya Husseini prévoit de terminer le restant du projet au cours de l'été. Entre-temps, les vitraux de la galerie haute ont déjà été installés, et leurs scènes et personnages aux lignes et couleurs d'un classicisme épuré nimbent déjà la cathédrale d'une sereine luminosité.

*Elle a signé leur réalisation à l'identique, tels qu'ils étaient avant la guerre.

Pénombre et silence de... cathédrale nimbent son vaste atelier, situé au sous-sol d'un immeuble de Mar Takla. Dans ce temple de la création, Maya Husseini (titulaire du prix de l'Unesco de l'artisanat pour les États arabes), boucles rousses et tablier-salopette en jeans, travaille seule.Penchée sur un puzzle de plaques de verre de différentes couleurs recouvrant le croquis, grandeur...

commentaires (1)

Dieu! que c'est bon de voir autre chose que ces bandes de politichiens mafieux se déchirer sous nos yeux à longueur d'années. Merci Maya.

Christine KHALIL

12 h 34, le 08 février 2016

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Commentaires (1)

  • Dieu! que c'est bon de voir autre chose que ces bandes de politichiens mafieux se déchirer sous nos yeux à longueur d'années. Merci Maya.

    Christine KHALIL

    12 h 34, le 08 février 2016

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