Le coup d’État rampant se poursuit

C'est une semaine riche en échéances qui se profile à l'horizon, à deux jours du 35e rendez-vous présidentiel à la Chambre, ainsi que d'un certain nombre d'autres échéances, comme celle de la tenue de deux séances du Conseil des ministres. La semaine sera également couronnée par le meeting annuel commémorant l'assassinat, en 2005, de Rafic Hariri, en passant par la seconde messe de la Saint-Maron en l'absence d'un chef de l'État.

Pourtant, même si, selon toute vraisemblance, le quorum fera défaut une fois de plus lundi, ce rendez-vous ne ressemblera pas aux précédents. Cette fois, en effet, compte tenu de l'appui apporté par Samir Geagea à la candidature de Michel Aoun et par Saad Hariri à Sleiman Frangié, il est tout à fait possible qu'un nouveau président de la République soit élu, au second tour et à la majorité simple, si le quorum n'est pas torpillé.
Comme l'a affirmé hier le président Michel Sleiman et comme l'a dit avant lui Walid Joumblatt, le blocage cette fois reflétera clairement le coup d'État rampant que, d'un commun accord, Michel Aoun et le Hezbollah sont en train d'opérer. Il est désormais clair pour tout le monde que ce blocage irrégulier et contraire à la Constitution ôte à la Chambre tout pouvoir de décision et la transforme en une instance de pure forme, une instance chargée de confirmer des décisions prises ailleurs, et imposées par la force ou au moyen du chantage.

D'ailleurs, le 14 Mars ne s'y trompe pas. Fouad Siniora a affirmé hier qu'il résistera à toute nouvelle tutelle qui chercherait à s'imposer. Il pense bien sûr à l'Iran. Le meeting dimanche 14 au Biel permettra de jauger du tonus de ce rassemblement politique que la divergence entre Saad Hariri et Samir Geagea sur la présidence a ébranlé, et de sa capacité de résistance au rouleau compresseur iranien.
Sur le même plan, il sera intéressant d'observer, dans les prochains jours, l'état des rapports qui finiront par s'établir entre Michel Aoun et Sleiman Frangié, et de vérifier notamment si ce dernier, objectivement, a pris ses distances à l'égard de ses anciens alliés, comme semblent le croire certains observateurs.

(Lire aussi : Salam, retour de Londres : Pas d'implantation des réfugiés syriens au Liban)

Polémique malvenue
La nouvelle échéance présidentielle se tiendra sur fond d'une polémique malvenue sur la présence des chrétiens au sein de l'administration, que certains médias s'emploient à enflammer de façon suspecte, ébranlant la confiance que les Libanais doivent avoir les uns dans les autres. Certes, tout le monde sait que certaines administrations sont devenues, au fil des ans, des chasses gardées communautaires. Mais cette polémique, loin de corriger le tir, accentue le malaise au sein des communautés chrétiennes, en provoquant un processus de repli identitaire et de ghettoïsation que l'Église maronite a, en d'autres temps, toujours dénoncé. Ne serait-il par préférable d'en parler à huis clos ?

(Lire aussi : Passionnel discours, le billet d'Anne-Marie el-Hage)


Le rendez-vous de lundi sera suivi d'une journée de chômage pour la Saint-Maron, occasion traditionnelle d'une messe à Gemmayzé qui, pour la seconde année consécutive, sera célébrée en l'absence d'un président de la République. Il sera toujours intéressant, sur ce plan, de relever le ton du message que l'archevêque maronite de Beyrouth délivre en pareille occasion, surtout qu'elle coïncide avec le début du Grand Carême.
Mardi et mercredi se tiendront deux Conseils des ministres axés sur une question d'ordre social, la titularisation des volontaires de la Défense civile, et une autre de dimension judiciaire, avec la volonté du 14 Mars de traduire Michel Samaha en Cour de justice. Dans l'un et l'autre cas, il s'agira de parvenir à un consensus entre les diverses composantes du gouvernement, ce qui ne va pas de soi, surtout dans l'affaire Samaha, qui risque d'enflammer l'opinion. L'affaire des volontaires de la Défense civile donnera la mesure de la sensibilité sociale d'un gouvernement et d'une Chambre qui, contrairement au commun des mortels, ne semble avoir aucun souci financier.

(Lire aussi : Abbas Ibrahim : La présidentielle, une affaire nationale)


Quant à la commémoration du 14 Mars, elle comprend semble-t-il un certain nombre d'inconnues. Samir Geagea y sera-t-il présent en personne ? Sleiman Frangié s'y fera-t-il représenter ? Saad Hariri y annoncera-t-il formellement son appui à la candidature de ce dernier? Autant de questions qui tiennent en haleine l'opinion et auxquelles les prochains jours apporteront des réponses.

Pour achever cette situation, citons les prouesses louables et moins louables des services de sécurité qui, hier, sont parvenues à libérer un Koweïtien, victime d'un rapt crapuleux, dans la Békaa – ce qui a valu au ministre de l'Intérieur un appel de remerciement de son homologue arabe.
En revanche, la ville de Nabatiyé a pavoisé hier pour le retour au Liban de Ali Fayad, incarcéré à Prague depuis 2014 pour une affaire de trafic d'armes présumé et qui n'a dû sa liberté qu'à une prise en otage de citoyens tchèques au Liban. Certaines banderoles tendues à travers les rues, à Nabatiyé, ont fait l'éloge d'un héros appelé Abbas Ibrahim, le directeur général de la Sûreté générale. Troublant, pour le moins...

Lire aussi
Le salaire de la fatalité, l’éditorial de Issa Goraieb

Présidentielle : la balle est dans le camp du Futur..., le décryptage de Scarlett Haddad

Aoun plus que jamais confiant que les développements régionaux jouent en sa faveur, l’éclairage de Philippe Abi-Akl

Les Iraniens auraient catégoriquement refusé d'avaliser la candidature de Frangié