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Lifestyle - Un peu plus

Caméra de surveillance

Personne ne sait ce qu'il y a chez l'autre. Ni dans sa vie ni derrière sa porte quand elle se ferme, comme on dit populairement. Personne ne sait et pourtant tout le monde se vante de connaître leurs secrets. Parce que quelqu'un a dit à quelqu'un qui m'a dit, que... Et surtout parce que tout le monde se veut donneur de leçons, tarri2 nazariyét. Donc, ils savent. Ils savent que ça va mal dans leur couple, qu'il la trompe avec sa secrétaire (classique, mais c'est le cas), qu'elle voit son amant les lundis, mercredis et vendredis, entre 14h et 16h, dans une garçonnière à Jdeidé. Et ils savent surtout qu'elle a dit à son mari qu'elle avait PT. Sport intense. En chambre, certes, mais intense. D'ailleurs, ils savent qui est l'amant. Comment? Ah ça. Petit épanchement de la tête, recul de la nuque, sourire en coin, semblant de clin d'œil: walaw. Ils le savent. Comme ils savent que c'est une pute, un salaud, leur fille, une naze de divorcée, leur fils, un junkie, qu'ils sont millionnaires. Enfin, c'est ce qu'ils croient.
Parce qu'en fait, ils ne savent rien. Rien de ce qui se passe chez eux. Les millions? Ils n'en ont pas. Ça fait longtemps qu'ils n'ont plus rien. Ça fait longtemps qu'ils ont subi un revers de fortune. Et ça fait longtemps qu'ils n'ont plus rien acheté. Leur fille? Traumatisée par un mari qui la battait, elle a dû rentrer chez ses parents. Leur junkie de fils? Le gamin ne prend rien. Et s'il dort à pas d'heure, c'est juste parce qu'il travaille dans un journal et que rien ne s'y termine avant 2h du mat'. Quant à elle, ses rendez-vous de l'après-midi, c'est pour faire sa dialyse. Ah. C'est pas ce qu'ils pensaient. Et maintenant qu'ils savent, c'est pire. Parce qu'ils s'apitoient, qu'ils supposent, expliquent, trouvent des raisons et sautent aux conclusions.

On ne sait pas ce qu'il y a chez les autres. On ne sait pas ce qui se cache derrière le masque, le poker face de l'une et le sourire de l'autre. On ne sait pas si les gens sont véritablement heureux ou s'ils sont en représentation. S'ils souffrent ou s'ils en font des tonnes. Les exhibitionnistes mentent. Les voyeurs mentent aussi. Et même quand personne ne raconte un bobard, on met du sel, du poivre, du piment, du sumac. On édulcore, rarement c'est vrai, mais parfois on édulcore. Pour arrondir les angles, rendre les choses plus jolies. Les pipelettes et autres cancaniers édulcorent quand ils admirent ou cherchent à faire les doux yeux à ceux qu'ils aimeraient fréquenter. Disent qu'ils sont plus beaux, les plus beaux, intelligents alors qu'ils ont le QI d'une crevette, qu'ils sont partis de rien, eux les héritiers ou les blanchisseurs. Là, on met du sucre, de la guimauve, du hot fudge, du Nutella, des gummy bears, la totale quoi.

Quand on regarde les autres, il faut essayer de voir un peu plus loin que le bout de leur nez. Leur nez à eux. Voir dans leurs yeux (même si ça fait cliché). Voir s'il y a une lueur, une étincelle ou la fin d'un feu de joie. Se dire que comme chez nous, il y a des phases de vide, des moments de solitude, de peur, de peine. Que même si elle est belle, qu'elle a réussi, qu'elle est aimable, elle doit avoir mal parfois. Que même s'il est jeune, riche, célibataire et qu'il a du charme, il peut avoir des zones d'ombre. Non, ce n'est pas foutu pour elle. Et non, s'il est (toujours) célibataire à 43 ans, c'est qu'il a un problème. C'est parfois juste parce qu'ils n'ont rencontré personne. Que s'ils sont au chômage, c'est parce qu'il y a eu une restructuration de la boîte et que non, ce ne sont pas des glandeurs. Ils sont tout simplement en vacances forcées. Et si il ou elle sont partis, c'est juste parce que c'était l'enfer chez eux. Et ce ne sont pas forcément eux les salauds.

Il faut s'arrêter parfois dans la rue et regarder autour. Regarder les gens, essayer de deviner leur vie, de l'imaginer seulement, pas de la fantasmer. Les regarder et comprendre à demi-mot leur silence, les regarder et déchiffrer leur débit de paroles. Il suffit juste de savoir lire entre les lignes, et ne pas les écrire soi-même.

Personne ne sait ce qu'il y a chez l'autre. Ni dans sa vie ni derrière sa porte quand elle se ferme, comme on dit populairement. Personne ne sait et pourtant tout le monde se vante de connaître leurs secrets. Parce que quelqu'un a dit à quelqu'un qui m'a dit, que... Et surtout parce que tout le monde se veut donneur de leçons, tarri2 nazariyét. Donc, ils savent. Ils savent que ça va mal...

commentaires (4)

' "savoir lire entre les lignes et ne pas les ecrire " c'est la sagesse meme...Ce que nous sommes loin de cette discretion....

Soeur Yvette

17 h 10, le 06 février 2016

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • ' "savoir lire entre les lignes et ne pas les ecrire " c'est la sagesse meme...Ce que nous sommes loin de cette discretion....

    Soeur Yvette

    17 h 10, le 06 février 2016

  • Les rapports entre les uns et les autres ne sont que des portes qui s'ouvrent ou qui se ferment. Au gré des évolutions de ces rapports , on décide de les ouvrir ou alors de les fermer . Toc toc toc Medea ! !!!

    FRIK-A-FRAK

    10 h 29, le 06 février 2016

  • "Et pourquoi faudrait-il s'arrêter parfois dans la rue et regarder autour. Regarder les gens, essayer de deviner leur vie, de l'imaginer ou de la fantasmer ? Ou les regarder ou comprendre leur silence ? Ou déchiffrer leurs logorrhées ? Ou de savoir lire entre les lignes ? Ou de les écrire soi-même ?". Mais on en a RIEN à faire ! On s'en fout, yîhhh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 57, le 06 février 2016

  • Merci pour et article.

    Massabki Alice

    06 h 50, le 06 février 2016

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