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Les sondages, ça Trumpe ...

Mettez cela sur le compte de la superstition, ou bien alors de la loi des séries : en matière électorale, État fétiche, peut-on dire, est l'Iowa, dans le Middle West américain. La première raison en est qu'il donne traditionnellement le coup d'envoi du long processus par lequel les deux partis désignent leurs candidats à la présidence. Mais surtout, et comme dotés du don de prescience, les électeurs de l'Iowa ont la particularité de viser juste quasiment une fois sur deux, côté démocrate comme côté républicain.


L'oracle de l'Iowa, qui a parlé lundi, donne à voir, chez les premiers, une Hillary Clinton battant d'extrême justesse son challenger, Bernie Sanders. C'est dire le poids des deux boulets que traîne celle qui fut First Lady et secrétaire d'État : ses liens avec le monde de la haute finance et ces documents secrets qui ont malencontreusement transité par son ordinateur personnel. Attention, Hillary, l'impétueux septuagénaire Bernie Sanders pourrait s'avérer bien plus redoutable qu'il n'y paraissait il y a peu...


Plus remarquables encore sont les scores enregistrés chez les républicains, et qui viennent démontrer une fois de plus à quel point le verdict des urnes peut démentir les prévisions des sondages d'opinion. Un franc-parler qui n'était en réalité qu'ordurières logorrhées, un nationalisme se réduisant à une xénophobie primaire et un anti-islamisme effréné : au grand effroi de ses adversaires plus politiquement corrects (ce qui n'était pas trop difficile), toutes ces outrances, médiatisées jusqu'à plus soif, paraissaient créditer le magnat de l'immobilier Donald Trump d'un torrent d'intentions de vote. Surprise de taille, il a été nettement distancié par le jeune Ted Cruz, premier sénateur du Texas d'origine hispanique, ultraconservateur lui aussi. Camouflet supplémentaire, Trump s'est retrouvé talonné de très près par l'homme qui pourrait bien s'affirmer comme un très sérieux outsider : le télégénique Marco Rubio, sénateur de Floride d'origine cubaine, qui se fait fort de fédérer le parti. Ainsi pris en tenailles entre les deux fringants Hispanicos, Trump, selon de nombreux analystes, aura été victime d'une droite religieuse assez influente dans l'Iowa et qu'ont indisposée, davantage encore que ses excès verbaux, ses trois mariages et deux divorces.


Dans les rangs des républicains, la ferveur évangélique aurait-elle donc pris le relais des néoconservateurs de l'ère George W. Bush ? Ce ne serait pas trop étonnant, dans un monde où soufflent les fanatismes ; où les guerres de religion ont ressurgi de l'histoire, servies par les effroyables instruments de mort qu'offre la modernité ; où la mondialisation censée, c'est bien vrai, faire de la planète un grand village a eu pour renversant effet de jeter sur les routes et les mers des millions de migrants : des réfugiés qui, avec une imparable logique, revendiquent non plus seulement la grâce mais le droit de chercher – et trouver – asile en lieu sûr.


Qu'on ne s'y trompe pas : aux États-Unis, l'ancestrale tentation isolationniste n'est pas seule aujourd'hui à hanter les esprits. Bien que l'électeur moyen y soit loin d'être porté sur les questions de politique étrangère, la nostalgie d'une Amérique forte porte invariablement les candidats républicains à se réclamer, à qui mieux mieux, d'un néoreaganisme qui ferait oublier la frilosité, sinon les dérobades et reculades, de l'administration Obama, pour réels que soient pourtant ses succès au plan économique.
Tenaces, inguérissables sont les rêves de grandeur qui habitent ces puissances dites, précisément, grandes ; mais quelle vraie grandeur sans vocation de justice ?

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Mettez cela sur le compte de la superstition, ou bien alors de la loi des séries : en matière électorale, État fétiche, peut-on dire, est l'Iowa, dans le Middle West américain. La première raison en est qu'il donne traditionnellement le coup d'envoi du long processus par lequel les deux partis désignent leurs candidats à la présidence. Mais surtout, et comme dotés du don de...