Rechercher
Rechercher

Liban - Coopération

Des ingénieurs libanais partent pour l’Allemagne afin d’y faire carrière

La perspective d'entreprendre une carrière en Allemagne génère des inconnues qui n'enlèvent rien à la détermination des jeunes diplômés à embarquer pour leur avenir.

Photo souvenir autour de l’ambassadeur d’Allemagne, Martin Huth, et de son épouse, lors de la réception d’adieux.

Quinze jeunes ingénieurs libanais, sélectionnés pour aller faire carrière en Allemagne dans le cadre du programme de coopération « Ingénieurs pour l'Allemagne », établi par l'ambassade d'Allemagne au Liban, en collaboration avec le German Academic Development Center (Centre allemand pour le développement académique-GADC) et l'université d'Aachen (Aix-la-Chapelle), et soutenu par l'ordre des ingénieurs de Beyrouth, ont pris l'avion dimanche pour Düsseldorf. L'ambassadeur d'Allemagne, Martin Huth, avait organisé vendredi, à sa résidence, une réception d'adieux en leur honneur, pour leur souhaiter bonne chance et plein succès dans leur prochain parcours.
M. Huth a salué à cette occasion « le haut niveau d'enseignement universitaire au Liban, qui suscite un attrait mondial pour les jeunes diplômés libanais, leur donnant l'opportunité de mener une activité variée et intense à l'étranger et de contribuer ainsi à la préservation de l'économie libanaise ». Levant un toast aux jeunes lauréats, l'ambassadeur s'est par ailleurs dit confiant qu'à moyen terme, « une nouvelle étape va s'amorcer pour l'établissement d'une colonie libanaise en Allemagne ».

Le défi de la langue
Mais d'ici là, les jeunes diplômés, et ce sont eux qui le disent, devront avoir gagné le triple pari qu'impose ce grand saut en avant. D'abord, une formation de un à cinq mois à l'université d'Aix-la-Chapelle, comportant, outre des cours supérieurs de management couronnés par l'octroi d'un certificat, l'apprentissage de la langue allemande. Un premier défi que Jean-Pierre Saadé, diplômé de l'Université libanaise (UL), appréhende sérieusement. « Bien qu'à l'institut Goethe nous ayons suivi des cours intensifs d'allemand, mes camarades et moi trouvons encore beaucoup de difficultés à maîtriser la langue », confie-t-il, espérant toutefois que « l'enseignement et la pratique sur place » auront raison de leur embarras.


(Pour mémoire : Un centre académique pour encourager les ingénieurs libanais à travailler en Allemagne)

 

Le pari de l'embauche
Encore que cette phase académique de transition inquiète moins ces jeunes ingénieurs que l'incertitude d'être ensuite embauchés par les entreprises germaniques. Élie Nahas, ancien de l'Université américaine de Beyrouth (AUB), ayant une expérience de 5 ans dans une compagnie libanaise, indique que « les sociétés allemandes refusent de recruter en ligne un étranger, exigeant de le rencontrer dans le cadre d'un entretien en face à face », vraisemblablement plus apte à évaluer les compétences.

Pourtant, la crainte de ne pas être embauchés, et aussi de susciter un mauvais feedback de l'employeur une fois embauchés ne paraissent pas justifiés. C'est du moins ce que pense Jean-Pierre Haufmann, conseiller aux affaires culturelles à l'ambassade d'Allemagne, au vu des qualifications de ces jeunes postulants spécialisés (mécanique, chimie, informatique, industrie, hydraulique, construction...), triés sur le volet parmi 150 candidats, sur base de deux tests en ligne et de deux entretiens avec un panel de cadres libanais et allemands. M. Haufmann indique dans ce cadre que « le risque de ne pas être recruté est présent, mais, à examiner les données, il est constaté d'une part que le secteur a besoin de plus de 80 000 ingénieurs, et de l'autre que ces jeunes diplômés répondent bien aux exigences des entreprises germaniques ». Le diplomate assure en outre que ceux-ci « seront encadrés et accompagnés jusqu'à ce qu'ils décrochent un emploi et s'établissent de manière stable ». Stable, parce qu'au bout de 21 mois de travail, chaque travailleur peut bénéficier d'un permis de séjour et déposer, 8 ans après le début de son activité, une demande de nationalité.

Ayman Chéhadé, directeur général du GADC, veut aussi rassurer ces solliciteurs d'emploi, relevant que le centre académique est en contact avec nombre d'entreprises allemandes, qui, « dans leurs démarches de recrutement, sont à la recherche d'éléments actifs possédant exactement les mêmes profils qu'eux ». Quant à leur évaluation durant la période d'essai, M. Chéhadé estime qu'« elle sera tributaire de leurs seules performances, indépendamment de leur statut d'étrangers ».

(Lire aussi  : Huth : Le processus de prise de décision au Liban ne devrait pas être l’otage des développements en Syrie)

 

La capacité d'intégration
Enfin, la troisième, et non des moindres difficultés, serait la capacité d'intégration au sein de la société allemande.
À 22 ans, Rayan Charafeddine (AUB) est très attaché à son milieu familial et amical. « Je devrai combattre ma nostalgie du pays à coups de sacrifices », se désole-t-il, tout en écartant néanmoins la possibilité d'y retourner un jour. « Mon expérience d'activiste à l'AUB m'a convaincu que les indépendants n'ont pas de place dans un pays dominé par l'appartenance aux axes », confie Rayan, déçu, rapportant que « lors des élections estudiantines de l'an dernier, les Forces du 14 et du 8 Mars se sont alliées pour empêcher la victoire de l'AUB secular club », mouvement indépendant dont il faisait partie.

Jean-Pierre Saadé est également quelque peu écœuré de la conjoncture politique et sociale du pays ; lui, qui était parti travailler à Kinshasa (Congo), n'est d'ailleurs rentré au Liban que pour préparer son départ et bénéficier du projet de coopération libano-allemand. Quant à Chadi Bejjani, de l'Université de Balamand, il compte au contraire « tôt ou tard, et fort de quelques années d'expérience, revenir vivre au pays ». Rayan n'est décidément pas convaincu. « Je n'ai pas l'esprit avide, mais comment pouvoir vivre dans un contexte où les rapports de l'État avec le citoyen sont tels que ce dernier ne se sent pas comme un être humain ? » déplore-t-il, manifestant clairement le désir de vivre dans un pays « où les droits sont respectés ».

Ulf-Olivier Hosch, troisième secrétaire et responsable des affaires culturelles et de la presse à l'ambassade d'Allemagne, assure que, réciproquement, « l'Allemagne désire intégrer des ingénieurs libanais qualifiés », relevant que, jusque-là, l'immigration s'était plutôt faite au niveau d'une population ouvrière. Grâce à cette récente politique d'ouverture, les portes sont désormais grandes ouvertes pour cette catégorie de demandeurs d'emploi.
Quarante nouveaux participants ont récemment été sélectionnés, et, en attendant de tenter l'aventure, ils suivent eux aussi des cours intensifs de langue allemande, bagage incontournable à emporter pour plonger à l'aise dans le bain allemand.

 

Lire aussi

Une association se lance un nouveau défi : faciliter le retour au pays des ingénieurs libanais

Les ingénieurs hydrauliques libanais du passé étaient des pionniers

Quinze jeunes ingénieurs libanais, sélectionnés pour aller faire carrière en Allemagne dans le cadre du programme de coopération « Ingénieurs pour l'Allemagne », établi par l'ambassade d'Allemagne au Liban, en collaboration avec le German Academic Development Center (Centre allemand pour le développement académique-GADC) et l'université d'Aachen (Aix-la-Chapelle), et soutenu par...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut