Alea Jacta Est. La séance électorale du 8 février aura vraisemblablement le même sort que les précédentes. Les députés du Courant patriotique libre (CPL) et du Hezbollah ne rompront pas leur politique du boycott, en dépit de l'appui des Forces libanaises (FL) à la candidature de Michel Aoun. Une délégation du parti chiite aurait informé le général Aoun qu'elle lui maintient son soutien et que l'idée d'une confrontation entre deux candidats du 8 Mars est rejetée, selon des sources proches du 14 Mars. Sauf si des développements extérieurs modifient les rapports de forces et incitent le Hezbollah à élire un président.
Le boycott du tandem CPL-Hezbollah empêche le quorum d'être réuni. Michel Aoun pose comme condition, pour sa participation, le retrait de son rival, Sleiman Frangié. Le Hezbollah est solidaire de son allié. Quant au leader des Marada, il persiste à maintenir sa candidature, refusant toute démarche visant à le pousser à se retirer de la course. Cette situation embarrasserait le parti chiite, qui s'est caché derrière la position du général Aoun pour ne pas être pointé du doigt comme celui qui bloque la présidentielle.
Plusieurs questions se posent, dès lors : Samir Geagea pourra-t-il convaincre son candidat, Michel Aoun, de rompre son boycott, la position FL étant de participer aux séances électorales ? Ou bien l'inverse est-il vrai et M. Aoun parviendra à persuader M. Geagea du bien-fondé de son attitude, partant du principe qu'assurer le quorum risquerait de propulser Sleiman Frangié à Baabda? Le pointage effectué par le 8 Mars donne en effet le leader des Marada vainqueur d'une joute éventuelle avec le chef du bloc du Changement. M. Frangié dispose en effet de voix sunnites (grâce au soutien de Saad Hariri), chiites (grâce à celles de Nabih Berry), druzes (par le biais de Walid Joumblatt) et chrétiennes (à travers les Marada, des indépendants, et peut-être le parti Kataëb). Or cette configuration n'est pas sans inquiéter Rabieh (et, dit-on, la banlieue sud aussi), notamment après les dernières prises de position de M. Berry concernant la présidentielle.
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Le chef des Marada, lui, poursuit sa campagne, sans ciller. Une délégation s'est rendue au Vatican pour y exposer ses positions et sa ligne politique. Elle devrait ensuite se rendre dans plusieurs capitales arabes et occidentales, dont Paris, pour promouvoir cette candidature. S'agissant du Vatican, un diplomate du Saint-Siège indique que ses cercles ont été réconfortés par la réconciliation interchrétienne Aoun-Geagea, qui tourne la page douloureuse d'un long conflit. Selon ce diplomate, des responsables du Vatican pourraient se rendre dans les capitales de décision pour inciter au déblocage de l'échéance présidentielle, compte tenu de l'enjeu pour les chrétiens du Liban et de la région.
Un responsable français qui requiert l'anonymat aurait ainsi affirmé, lors d'un meeting médiatique de préparation à la visite du président iranien, Hassan Rohani, à Paris, que « la France est soucieuse de l'échéance présidentielle du fait de son intérêt pour le Liban et ses craintes pour le sort de ce pays et des chrétiens, à l'ombre des défis, surtout de la floraison d'organisations terroristes qui prennent le Liban pour cible ». Ce responsable ajoute que le président François Hollande évoquera demain, jeudi, la question présidentielle libanaise avec son homologue iranien lors de leur rencontre à l'Élysée. Paris ne fonde cependant pas trop d'espoirs sur ce plan, étant donné que la position de Téhéran est bien connue. L'émissaire Jean-François Girault ne le sait que trop bien, lui qui a visité l'Iran à cinq reprises pour tenter un déblocage. Téhéran a toujours affirmé mordicus que l'échéance présidentielle est une affaire strictement libanaise, qu'il ne s'ingère pas dans les affaires intérieures des autres pays et que ce sont ses alliés à Beyrouth qu'il faut consulter.
Interrogé sur les raisons qui ont conduit François Hollande à contacter le candidat Sleiman Frangié et pas le candidat Michel Aoun, ce responsable français précise que le contexte des deux candidatures est différent. M. Frangié bénéficie d'une couverture des composantes essentielles du pays et représente une passerelle. Qu'à cela ne tienne, la France ne soutient aucun candidat en soi et n'a de veto contre personne.
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Selon des sources du 8 Mars, la déclaration de Meerab ne change rien, in fine, dans les positions des uns et des autres. Le dossier présidentiel est de retour à la case départ, précisent des milieux du Hezbollah. Le parti chiite continue en effet d'appuyer Michel Aoun, quelle que soit la position FL, et souhaite convaincre M. Frangié de retirer sa candidature. Des sources nordistes démentent d'ailleurs qu'une délégation du parti chiite se soit rendue à Bnechii depuis l'initiative de compromis. Selon ces sources, M. Frangié a plus de chances d'être élu que M. Aoun, qui est déjà candidat depuis plus de 20 mois, sans grands résultats. Il faut donc passer au plan B. En d'autres termes, le fondateur du CPL doit céder sa place.
De retour de Rome, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, estime qu'après la rencontre de Meerab, il est temps pour les députés de gagner l'hémicycle du Parlement pour voter en faveur de l'un des deux candidats rivaux. Des sources proches de Bkerké estiment que la condition du retrait d'un des deux candidats est non démocratique et constitue un torpillage du régime démocratique dans son ensemble. Il faut choisir : soit adopter un régime de cooptation au nom du consensualisme, soit respecter le régime démocratique. Chacun des deux a sa logique. La sélectivité, elle, n'est pas permise.
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LA LIBRE EXPRESSION
22 h 25, le 28 janvier 2016