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Liban - Analyse

Les « erreurs » en série qui ont préludé à la mise en liberté de Michel Samaha

« Soldats contre qui ? Justice contre qui ? » clame cette banderole, en référence au célèbre article de Samir Kassir, devenu le symbole de la lutte contre l’appareil sécuritaire libano-syrien sous la tutelle syrienne dans les années 2000. Photo Facebook/Maya Sukkar

La décision provisoire de mise en liberté sous caution de l'ancien ministre Michel Samaha, qui préluderait, pas de droit mais de fait, à sa mise en liberté définitive, est l'aboutissement de plusieurs étapes antérieures.
« Cette décision était prévisible à cause d'un certain nombre d'erreurs commises dans la gestion du dossier et qui auraient dû être évitées », relève pour L'Orient-Le Jour l'ancien ministre de la Justice et professeur de droit Ibrahim Najjar, qui retient deux « erreurs fondamentales » : celle d'avoir confié le dossier au tribunal militaire, et celle d'avoir dissocié les deux dossiers respectifs de Michel Samaha et du chef des services de renseignements syriens, Ali Mamlouk. « L'erreur la plus grave est que cette affaire n'a pas été transmise à la Cour de justice (ou cour de Sûreté de l'État), contrairement à d'autres affaires beaucoup moins importantes », poursuit-il. « Certes, la Cour de justice est elle aussi une instance exceptionnelle comme l'est le tribunal militaire, mais elle reste un moindre mal, étant donné que les juges, tous non militaires et formés à la magistrature, sont plus autonomes, plus aguerris et rompus aux affaires judiciaires », explique l'ancien ministre de la Justice.

Notons que le tribunal militaire a compétence en matière de terrorisme, mais il est du ressort du Conseil des ministres de décider de transférer un dossier à la Cour de justice, notamment lorsque ce dossier concerne la sûreté de l'État. Suite à l'arrestation de Michel Samaha, en juillet 2012, en flagrant délit de transports d'explosifs et planification d'attentats terroristes au Liban-Nord, le gouvernement de Nagib Mikati n'avait pas examiné la possibilité de transférer le dossier devant la Cour de justice. « Cette question n'a même pas été débattue », confie à L'OLJ le ministre de la Justice de l'époque, Chakib Cortbaoui. « Comme il s'agissait seulement d'une tentative d'attentat, et non d'un attentat, l'affaire n'était pas suffisamment grave pour être transférée à la Cour de justice », ajoute l'ancien bâtonnier, en réponse à une question.

Cette abstraction faite du dessaisissement du tribunal militaire avait été « exigée par le Hezbollah », relève pour sa part une source de sécurité du 14 Mars proche du dossier. Elle confirme à L'OLJ l'interdiction imposée aux enquêteurs des Forces de sécurité intérieure de prendre en photo les charges explosives que l'ancien ministre avait transportées dans le coffre de sa voiture de Damas jusqu'en territoire libanais. C'est ce qui aurait incité alors l'ancien chef des renseignements des FSI, le général Wissam el-Hassan, assassiné quelques semaines plus tard, à ébruiter l'enquête dans les médias, poursuit la même source. Notons que les charges explosives ayant été saisies sont toujours aux mains de la police judiciaire, selon la source.

Le bras de fer (sanglant) entre ceux qui voulaient préserver l'intégralité des preuves et ceux qui tentaient d'effacer tout élément susceptible d'incriminer le régime syrien (indépendamment de Michel Samaha) s'est achevé en faveur des seconds, en deux étapes : d'abord, la dissociation hâtive des deux dossiers Samaha et Mamlouk, sous prétexte de l'impossibilité d'interpeller le second. « C'est une erreur gravissime : l'on ne peut statuer sur l'affaire Michel Samaha sans entendre Ali Mamlouk », souligne Ibrahim Najjar, en insistant néanmoins sur le caractère strictement juridique de son approche. Il rappelle que « les dossiers des islamistes ont dû attendre plus de cinq années avant d'être disjoints ».

(Lire aussi : Le 14 Mars demande la dissolution du tribunal militaire)

 

Le rôle du commandant de l'armée
La seconde étape a été le jugement rendu par le tribunal militaire, le 13 mai 2015, condamnant Michel Samaha seulement à quatre ans et demi de prison pour « livraison d'explosifs ». Les circonstances du jugement étaient questionnées : l'on rapportait qu'un officier a fait son entrée en pleine réunion de délibération du jugement avec, à la main, un téléphone mobile qu'il a transmis à tour de rôle aux quatre militaires membres de la cour, priés d'écouter les prescriptions émanant de l'autre bout du fil sur la teneur du jugement attendu.

Même si le commandant en chef de l'armée avait lui-même assumé la responsabilité directe de cet appel téléphonique, les milieux du Futur avaient, jusque-là, tendance à ne pas croire que c'est lui-même qui l'avait effectué et se montraient sceptiques quant à son implication présumée dans le déroulement du procès Samaha.
Il est néanmoins un fait récent qui renforce, dans ces milieux, la conviction d'une interférence directe du commandement de l'armée dans le procès : le remplacement récent de deux des quatre officiers délégués comme membres de la Cour de cassation militaire. L'officier Ahmad el-Hosni a ainsi été remplacé par Oussama Atchane, et Tony Chehwane par Gabriel Khalifé, en vertu d'un arrêté signé le 15 septembre dernier par le ministre de la Défense, sur décision du commandant de l'armée. Il faut savoir qu'un arrêté de cette nature doit être pris annuellement, un officier ne pouvant être délégué au tribunal militaire que pour une durée limitée d'un an renouvelable. L'on apprend en outre que l'officier Ahmad el-Hosni a dû être remplacé pour avoir atteint l'âge de la retraite. Néanmoins, des sources concordantes insistent sur la visée politique de l'arrêté du 15 septembre, en apparence routinier : les deux membres remplacés avaient l'intention de s'opposer à la mise en liberté de Michel Samaha (et peut-être de plaider ensuite en faveur d'une aggravation de sa sentence pénale). Bien que la décision temporaire de mise en liberté n'exige pas l'unanimité, il a fallu empêcher que l'éventualité de cette décision ne soit affaiblie par deux opinions dissidentes.
Le fait que le commandant en chef de l'armée décide des noms des officiers qu'il délègue au tribunal militaire conduit le courant du Futur, à travers le député Ahmad Fatfat, à « ne pas avoir l'ombre d'un doute sur l'implication du général Jean Kahwagi dans le procès Samaha ».


(Lire aussi : Les détenus de Roumieh réclament une égalité de traitement avec Samaha)


Le doute plane aussi, mais dans une moindre mesure, sur le ministre de la Défense ayant signé l'arrêté en question. Dans les milieux politiques du 14 Mars et dans les milieux proches de Yarzé, l'on évoque une signature « par pur réflexe bureaucratique », donc « sans intentions politiques ».
La mise en liberté sous caution de Michel Samaha n'est qu'un résultat de la sentence atténuée du 13 mai 2015. La décision de mise en liberté temporaire, sous caution, d'un accusé est prise par le juge après un examen discrétionnaire de la gravité du crime et de l'éventualité de l'inculpation de l'accusé, deux éléments atténués par les motifs de la sentence du tribunal.
Rien n'incite à croire à un durcissement de cette sentence par le jugement que doit prendre la Cour de cassation militaire, saisie par le procureur général militaire. Il serait fort probable d'ailleurs que le jugement soit repoussé indéfiniment.

Rifi à « L'OLJ » : Plus déterminé que jamais
C'est afin de contrer cette éventualité que le ministre de la Justice, Achraf Rifi, a décidé d'entamer une démarche qu'il aurait peut-être dû entreprendre plus tôt : soumettre au Conseil des ministres la demande de dessaisir le tribunal militaire du dossier Samaha et de le transférer devant la Cour de justice.
Déterminé, le ministre de la Justice affirme à L'OLJ : « Je ne reculerai devant rien jusqu'à ce que cette affaire soit confiée à la Cour de justice. Cette affaire n'est pas seulement la mienne, mais elle concerne aussi la dignité du Liban et la justice dans ce pays : nous nous portons garants du sang de ses martyrs. »
« Nous irons jusqu'au bout de cette entreprise, quitte à provoquer une crise politique au sein de l'exécutif », conclut Ahmad Fatfat. Même si les milieux du 14 Mars s'attendent à ce que le Hezbollah bloque l'entreprise. Il reste que cela devrait permettre de confirmer, selon eux, ce que personne n'ignore, du reste : l'emprise du parti chiite sur le tribunal militaire.

 

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La décision provisoire de mise en liberté sous caution de l'ancien ministre Michel Samaha, qui préluderait, pas de droit mais de fait, à sa mise en liberté définitive, est l'aboutissement de plusieurs étapes antérieures.« Cette décision était prévisible à cause d'un certain nombre d'erreurs commises dans la gestion du dossier et qui auraient dû être évitées », relève pour...

commentaires (12)

wallaw le dossier est clair, il a avouer et en plus sans contrainte ni pression .. seulement voila cela doit vous dire une chose que le regime syrien ne couvre que les assassins .. il est temps que vous comprenniez que ni vous ni nous ou encore ni le liban ne sera en paix tant que ce regime restera en place et se sera tjrs les OPPRIMEES (comme samir geagea) qui paieront le prix fort a la place des vrais coupable !! nous avons ete telespectateur des montages des dossiers contre geagea et la plus flagrante celle de l'eglise !! quand est ce que vous allez comprendre que personne n'est a personne sauf une patrie une nation un peuple !!

Bery tus

00 h 36, le 18 janvier 2016

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Commentaires (12)

  • wallaw le dossier est clair, il a avouer et en plus sans contrainte ni pression .. seulement voila cela doit vous dire une chose que le regime syrien ne couvre que les assassins .. il est temps que vous comprenniez que ni vous ni nous ou encore ni le liban ne sera en paix tant que ce regime restera en place et se sera tjrs les OPPRIMEES (comme samir geagea) qui paieront le prix fort a la place des vrais coupable !! nous avons ete telespectateur des montages des dossiers contre geagea et la plus flagrante celle de l'eglise !! quand est ce que vous allez comprendre que personne n'est a personne sauf une patrie une nation un peuple !!

    Bery tus

    00 h 36, le 18 janvier 2016

  • Je pense que personne ne connaît le dossier ni moi ni personne qui n'est pas dans les secrets des dieux. Mais une chose est certaine, les justices sont ce qu'elles sont dans tous les pays du monde cad celles des plus forts. C'est une évidence telle que j'invite tout notre petit monde à aller visiter les tribunaux ailleurs . Aussi bien en France le cas de geaorges Ibrahim Abdullah ou aux us avec la relaxe des flics tueurs de blacks ou en Israël n'en parlons même pas . Tout ce qui nous reste à nous c'est soit d'apprécier sa relaxe soit d'enrager . Et la caravane va passer comme le condor de la chanson.

    FRIK-A-FRAK

    15 h 17, le 17 janvier 2016

  • ACHRAF RIFI, " ACHRAF INSAAN " QUE DIEU NOUS GARDE CET HOMME QUI ESSAYE PLUS ET MOINS DE PROTÉGER CE QU'IL PEUT ET DE QU'IL RESTE AU MOINS DU LIBAN.

    Gebran Eid

    13 h 18, le 16 janvier 2016

  • Dame Thémis, incarnation de l’équité dans ce monde indigène inique, n’est qu’1 matrone aux yeux bandés vêtue de probité candide ; et force est de constater que cette dame en lin blanc n’est point à la hauteur de sa redoutable mission. Sont-ce ses yeux-z-ébaubis qui font que sa balance est en déséquilibre ? Ou son glaive par trop émoussé ? Faut toujours garder à l’esprit que les décisions juridiques Malsaines sont fugaces. Elles s’effilochent aux vents tourbillonnants d’1 enquête elle-même erratique, et surtout que la manière de rendre la justice n’est pas la même si elle est en civil ou à képi. Ce qui permet de suggérer : "Vérité au civil ! Mensonge au militaire !". Une des dissemblances majeures est évidemment l’obligation pour des "juges" en treillis de se faire rabrouer lourdement, et sans rougir, i.e. de se soumettre aux humeurs et aux réactions émotionnelles d’1 certaine politique Malsaine en 8. Il semble que cette procédure ne soit pas du meilleur aloi en matière de justice, puisqu’elle incite ces "juges" à képis à s’en remettre aux "ordres" implicites mais assez explicites de leurs "mentors" politiques d’à côté ou d’ici. Rarement pour le meilleur et souvent surely pour le pire. On déplore suffisamment la démagogie ou plutôt l’anxiété de ces "men tors très intègres, puritains et à cheval sur les principes", mahééék paraît-il, pour accepter que des "juges" en treillis, soumis à de tels asservissements vils, soient considérés comme de "vrais hommes" de justice.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 16, le 16 janvier 2016

  • KHAHWAGI " ISMON ALA MOUSAMMA " JE N'AI JAMAIS OUBLIÉ SES ALLÉES/ RETOURS EN SYRIE POUR RECEVOIR LES ORDRES DIRECTEMENT DE LA BOUCHE DE ASSAD. IL PASSAIT DEVANT LE NEZ DU NAÏF MICHEL SLEIMAN. CE DERNIER PASSAIT SON TEMPS À ATTENDRE LA LIVRAISON DES ARMES POUR LA TROUPE PROMISE PAR HOLLAND ET SON MINISTRE FABIUS. ! IL ATTEND ENCORE, IL A CRU FORT. ON PEUT TOUJOURS ATTENDRE L'IGNORANCE N'A JAMAIS TUÉ PERSONNE...ATTENDONS DONC.

    Gebran Eid

    13 h 12, le 16 janvier 2016

  • Les gardiens alertent, mais la caravane sale passe malgré tout !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 21, le 16 janvier 2016

  • Degoûtant, simplement ! F. Malak

    Rotary Beyrouth

    10 h 04, le 16 janvier 2016

  • On a beau tourner et se retourner, prendre 36 chemins, on s'percoit que le Bon Dieu et lui seul, par par entremise de son irreprochable et pieu parti, dirige implacablement ce pays. Jusqu'a nouvel ordre.

    Remy Martin

    09 h 58, le 16 janvier 2016

  • QU,ACHRAF RIFI FASSE LE NECESSAIRE... LE VERDICT DU TRANSPORTEUR DONT L,ACTE VISAIT UN PATRIARCHE ET UN MUFTI ET DES CENTAINES D,INNOCENTS EN PLUS DU PAYS LUI-MEME EST UNE MASCARADE !

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    09 h 23, le 16 janvier 2016

  • Titre de cet article : LES MACHINATIONS EN SERIE QUI ONT MENE A LA SCANDALEUSE MISE EN LIBERTE DE MICHEL SAMAHA

    Halim Abou Chacra

    06 h 55, le 16 janvier 2016

  • "Sacré" Ähwajéhhh, va ! Je le savais ! Son "goût" pour le Havane n'était ni innocent ni banal.... Äâââl "armée nationale", äâââl !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 37, le 16 janvier 2016

  • si vraiment si vraiment le general kahwaji c'est permis d'intervenir sur le jugement alors c'est grave tres grave !!

    Bery tus

    03 h 02, le 16 janvier 2016

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