Hier, 18h30, des jeunes des Forces libanaises (FL) commencent à s'attrouper place Sassine, face à l'appartement de Michel Samaha et à deux pas du lieu où le général Wissam el-Hassan a été assassiné en 2012. Ils sont les premiers arrivés à Achrafieh, répondant à un appel des comités étudiants du 14 Mars en réaction à la relaxe, jeudi, de M. Samaha. Quelques minutes plus tard, ils sont rejoints par des partisans des Kataëb, du courant du Futur, du Parti national libéral et du Parti socialiste progressiste (PSP). La place Sassine se remplit rapidement et les propos traitant Michel Samaha de « terroriste » ne tardent pas à se faire entendre. Plusieurs jeunes s'enflamment et lancent des slogans antisyriens et pro-Saad Hariri et Samir Geagea. Les chefs des sections estudiantines tentent de les calmer. Le ton monte à nouveau et les manifestants expriment leur colère contre M. Samaha. Mais ce dernier ne serait pas chez lui pour entendre la colère de la rue. Il aurait quitté son domicile beyrouthin vendredi matin, bien avant la manifestation...
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« Un outil de la tutelle syrienne »
Pour les étudiants du 14 Mars, l'heure est avant tout à l'indignation face à la remise en liberté de l'ex-ministre, accusé en 2012 d'avoir transporté des explosifs dans sa voiture pour le compte du chef des services de sécurité syriens, le général Ali Mamlouk. « Nous sommes ici pour exprimer notre refus de l'élargissement de Michel Samaha. C'est un criminel qui voulait tuer et commettre des attentats », affirme Rami Saba, chef de la section du Kesrouan-Jbeil au sein des FL. « Honte à l'État face à cette décision. Nous demandons soit la dissolution du tribunal militaire, soit la mise en place de juges non biaisés. Ce tribunal est malheureusement devenu un des symboles et outils de la tutelle syrienne », dit-il. Même discours chez le chef des affaires estudiantines des Kataëb, Ralph Sahyoun. « Nous sommes venus demander la dissolution du tribunal militaire. Nous sommes maintenant sûrs qu'il ne sert à rien, après la décision qu'il a prise concernant M. Samaha », explique-t-il.
Le PSP est de son côté un peu plus nuancé concernant ce tribunal. Salam Abdel Samad, secrétaire général de la Jeunesse progressiste, appelle, durant la manifestation, au lancement d'« une campagne nationale pour la délimitation des prérogatives du tribunal militaire et sa limitation aux affaires impliquant des militaires ». Le président de la Gauche démocratique, Élias Atallah, dont les apparitions publiques se font rares ces temps-ci, estime pour sa part que « le peuple libanais fera tomber le tribunal militaire traître qui a poignardé Wissam el-Hassan dans le dos ». Le père du général Hassan, également présent sur place, l'air défait, déclare quant à lui que Dieu vengera son fils.
« La révolution du Cèdre continue en chacun de nous »
Prenant la parole devant les jeunes, Nadim Gemayel, député Kataëb de Beyrouth, assure que l'alliance du 14 Mars est toujours d'actualité. « Nous sommes ici pour exprimer notre indignation face à certains événements qui se produisent dans le pays. Nous dénonçons toutes les décisions prises par le tribunal militaire en faveur du Hezbollah et des prosyriens », indique-t-il. « Achrafieh ne se mettra pas à genoux devant le Hezbollah. Elle résiste et dit non aux candidatures de Sleiman Frangié et Michel Aoun à la présidence », souligne M. Gemayel, avant d'ajouter : « Celui qui appuie ces candidatures ne peut pas dénoncer aujourd'hui la remise en liberté de Michel Samaha. » Le jeune député appelle également « à rayer le nom de Michel Samaha de tous les registres Kataëb » et demande aux forces du 14 Mars de se « réunifier face au Hezbollah. La révolution du Cèdre continue en chacun de nous », souligne-t-il.
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Pour Khodr Ghadban, membre du commandement du PSP et ancien meneur du camp de la place des Martyrs en 2005, « cette manifestation reflète le point de vue de la plupart des gens. Nous dénonçons la relaxe d'un criminel qui a avoué ses projets, et donc la décision du tribunal militaire, afin de préserver le système judiciaire au Liban. Nous demandons que Michel Samaha retourne là où il devrait être, parmi les criminels, en prison », indique-t-il.
L'arrivée de May Chidiac parmi les manifestants, vers 19h30, suscite les acclamations de la foule. Cette dernière fustige Michel Samaha et critique la décision du tribunal militaire. « M. Samaha est considéré comme un traître à Achrafieh. Quatre ans et demi de prison ne suffisent pas pour quelqu'un qui voulait semer la discorde dans le pays », estime-t-elle. « Je salue l'âme de Wissam el-Hassan qui avait démasqué les desseins de M. Samaha. Ce dernier transportait 24 bombes identiques à celles qui ont été utilisées lors de l'assassinat de Georges Haoui et de la tentative d'assassinat qui m'a touchée. Ces bombes proviennent de chez Bachar el-Assad », dit-elle.
Les étudiants du 14 Mars, de retour dans la rue après plusieurs années de léthargie, se sont efforcés de donner une image plurielle de leur rassemblement, comme pour parer à la décision de justice qui représente, selon eux, un appel à la discorde sectaire au Liban. Ils ne veulent pas quitter la rue de sitôt et précisent qu'ils manifesteront devant les maisons des juges militaires responsables de ce verdict, ainsi que devant le domicile du juge civil, Tani Lattouf. Une manifestation est également prévue lundi à 18h à Tripoli. Mais réussiront-ils à préserver leur dynamique de rue de la dislocation qui ne cesse de ronger le 14 Mars politique et partisan ? Réponse dans les prochains jours.
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commentaires (9)
CORRECTION ! MERCI : ".... et l'on croit voir déjà même des séniles tavelés ou des grands enfants gâtés...."
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
10 h 04, le 17 janvier 2016