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Économie - Finance

Sanctions contre le Hezbollah : les banquiers semblent sereins

Si le secteur se montre peu loquace sur les effets de la loi américaine votée le mois dernier, les quelques réactions recueillies ne laissent pas présager de bouleversements majeurs.

Le Hezbollah est désormais désigné comme une organisation de narcotrafic et organisation criminelle transnationale par les États-Unis. Joseph Eid/AFP

Le 7 janvier courant, le Trésor américain a décidé de prendre des sanctions contre un homme d'affaires, Ali Youssef Charara, PDG de la compagnie de télécommunications libanaise Spectrum Investment Group Holding (SAL). M. Charara a été accusé par le Trésor américain de soutenir financièrement le Hezbollah, considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis depuis 1995. Conséquences : gel des avoirs de M. Charara aux États-Unis et interdiction à toute société ou ressortissant américain de commercer avec lui ou sa société.

Resserrer l'étau
Ces sanctions ont été les premières à tomber dans le cadre de la loi adoptée à l'unanimité le 16 décembre 2015 par le Congrès des États-Unis, le Hezbollah International Financing Prevention Act of 2015 – le parti de Dieu avait été classé comme groupe terroriste en 1995 par les États-Unis. Cette loi vise premièrement à resserrer l'étau autour du réseau financier du parti via une traque plus active des banques ayant des liens avec le Hezbollah ; deuxièmement, à lister des câbles satellitaires qui abritent la chaîne al-Manar en vue de leur pénalisation, et enfin à désigner respectivement le Hezbollah comme une organisation de narcotrafic ainsi qu'une organisation criminelle transnationale. Une nouveauté qui expose dorénavant ses membres à des accusations de crimes tels que le trafic de drogue ou le blanchiment d'argent. De plus, les banques qui ne relèvent pas de la juridiction américaine peuvent dorénavant être mises sur liste noire ou sujette à des sanctions directes.

 

(Repère : Les principales sanctions prises contre le Hezbollah dans le monde)


Pour l'ensemble des acteurs du secteur bancaire interrogés par L'Orient-Le Jour, le Liban n'a pas d'autre choix que de se conformer à ces nouvelles directives : « Notre engagement premier est de s'assurer que nous sommes en conformité avec les normes internationales, notre économie étant dollarisée », explique un responsable de la Bank Audi. Car les banques, soucieuses de conserver leur réputation, gardent en tête les événements récents qui avaient fait des remous sur la scène locale, notamment, lorsqu'en 2011, les autorités américaines avaient accusé la Lebanese Canadian Bank d'être impliquée dans une opération de blanchiment d'argent avec des personnes proches du Hezbollah, avant d'être liquidée et fermée. Plus récemment, en juin 2015, la Middle East & Africa Bank (MEAB) avait été accusée par le gouvernement américain de traiter avec le parti, avant que la Banque du Liban ait dû intervenir et changer l'administration de la banque.

Pourtant, selon les banquiers interrogés, l'impact de ces nouvelles sanctions sur le secteur restera minime : « Les banques libanaises possèdent l'infrastructure nécessaire pour appliquer ces lois : elles ont élargi leurs départements de mise en conformité, mis en place le système de Know Your Customer (KYC), ont voté des lois importantes dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et se sont déjà conformées aux sanctions émises par le Conseil de sécurité des Nations unies – les résolutions 1267 et 1988 (contre le financement des talibans) et celle de 1989 (contre el-Qaëda) – elles sont donc habituées à réagir à ce type de sanctions », explique un banquier sous le couvert de l'anonymat. En effet, depuis 2001, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent, une banque doit vérifier, via le formulaire KYC, l'identité de son client et ses sources de financement avant l'ouverture d'un compte bancaire.

Mais dans son intervention du 21 décembre, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait rappelé que le parti « ne possédait pas de dépôts dans les banques libanaises, et encore moins des investissements ou partenariats avec des sociétés locales. » Il semble d'ailleurs logique que ses membres s'abstiennent d'ouvrir des comptes en banque au nom du Hezbollah ou au nom des personnes présentes sur sa liste noire de l'Office of Foreign Assets (OFAC) : « Selon moi, le Hezbollah n'a jamais traité avec les banques libanaises, et les États-Unis le savent bien », explique la source bancaire précitée. « Il est dans l'intérêt des banques de garder de bonnes relations avec nos banques correspondantes. Le secteur bancaire n'a donc pas intérêt à traiter avec un parti désigné de la sorte », confirme le responsable de la Bank Audi. Si les individus dont les noms figurent déjà sur la liste noire des cadres du Hezbollah et ceux dont les comptes sont ouverts au nom du parti sont aisément identifiables par les banques, ce sont les entités qui traitent avec la chaîne al-Manar qui seront dorénavant sanctionnées.


(Lire aussi : Les propos de Nasrallah mettent à mal le secteur bancaire, l’éclairage de Philippe Abi-Akl)

 

Paiement des fonctionnaires
Une question reste alors en suspens, le paiement ou le maintien des comptes bancaires des fonctionnaires affiliés au Hezbollah. « La question des membres du Parlement n'est pas abordée dans le cadre de cette loi », affirme le responsable de la Bank Audi. Pourtant, selon plusieurs sources, une banque non citée aurait essayé de fermer le compte d'un député du parti, avant de revenir sur sa décision.

La question semble donc poser débat : « Des discussions se font dans l'ombre pour trancher sur ce point, en attendant nous avons été tenus à ne pas divulguer d'informations relatives à ce sujet », explique un député du Hezbollah à L'Orient-Le Jour. Selon le ministère des Finances, « les députés affiliés au parti seront toujours payés, et ce même si les banques décident de fermer leurs comptes, mais c'est à la Banque centrale de trancher sur ce point. » Une délégation de l'Union des banques arabes se rend à Washington d'ici à quelques semaines pour discuter de cette loi et éclaircir les points encore obscurs quant à ses conséquences pour le secteur.

 

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Joseph Torbey : Sécurité et secteur bancaire, les deux piliers du Liban...

Le 7 janvier courant, le Trésor américain a décidé de prendre des sanctions contre un homme d'affaires, Ali Youssef Charara, PDG de la compagnie de télécommunications libanaise Spectrum Investment Group Holding (SAL). M. Charara a été accusé par le Trésor américain de soutenir financièrement le Hezbollah, considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis depuis 1995....

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MAIS LA TENAILLE SE REFERME QUAND MEME...

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 42, le 17 janvier 2016

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Commentaires (2)

  • MAIS LA TENAILLE SE REFERME QUAND MEME...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 42, le 17 janvier 2016

  • L,EXAGERATION EST NUISIBLE MEME A CEUX QUI VOTENT DES LOIS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 06, le 16 janvier 2016

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