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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Attentat de l’EI à Istanbul : causes et conséquences

L'État islamique (EI) n'a pas « d'amis ». L'attentat perpétré mardi matin à Istanbul, dans lequel 10 touristes allemands ont péri, en est une nouvelle preuve. S'il n'a toujours pas été revendiqué, son mode opératoire ainsi que la nationalité saoudienne du kamikaze font de l'EI le principal suspect. Les autres groupes susceptibles de commettre de telles attaques, comme les Kurdes, ciblent traditionnellement des symboles de l'État et n'ont aucun intérêt à tuer des touristes.

L'EI n'a pour l'instant revendiqué aucun attentat en Turquie, sans doute pour semer le doute et la zizanie au sein de la société turque, mais sa responsabilité avait déjà été pointée du doigt dans les attentats de Suruç et d'Ankara, et dans l'assassinat du journaliste syrien, Naji Jerf, membre du collectif « Raqqa est massacrée en silence ». Les deux premiers attentats avaient pour but d'attiser les tensions ethniques entre Turcs et Kurdes dans un contexte marqué par la reprise des hostilités entre Ankara et le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). L'attentat-suicide montre une évolution de stratégie de la part de l'EI dans la mesure où il ne cible plus spécifiquement les groupes kurdes. Difficile de savoir pour autant s'il visait spécifiquement des Allemands.


(Lire aussi : Cinq suspects arrêtés après l'attentat qui a tué 10 touristes allemands à Istanbul)


En touchant le cœur touristique de la capitale turque, les jihadistes avaient probablement un double objectif : faire un maximum de victimes et semer la peur en montrant qu'aucun quartier n'est à l'abri. Si l'attentat de mardi n'est pas le plus meurtrier, il est probablement celui qui fragilise le plus l'État turc dont l'économie repose en partie sur le tourisme. À cet égard, il est comparable à celui qui a touché la capitale française le 13 novembre dernier.

Une partie de la presse turque attribue au président Recep Tayyip Erdogan la responsabilité de cet attentat. « Nous sommes comme assis sur une bombe à retardement et la seule raison de cette situation est cette tolérance obsessionnelle accordée aux groupes jihadistes », a commenté dans Hürriyet l'éditorialiste Mehmet Yilmaz.

Pour affaiblir le régime du président syrien Bachar el-Assad et pour contrer le projet kurde d'établir un État indépendant en Syrie, la Turquie a dans un premier temps entretenu des relations complaisantes avec l'EI avant de durcir sa politique suite aux pressions internationales. Entre-temps, les jihadistes ont bénéficié d'un laissez-passer pendant des mois à la frontière turco-syrienne, ce qui a contribué à grossir les rangs de l'organisation. Si les deux acteurs ont conclu une sorte de pacte de non-agression pendant une période, il n'en reste pas moins qu'ils n'ont jamais formé une alliance.

 

(Lire aussi : La politique turque en Syrie : du bon voisinage aux alliances contradictoires et dévastatrices)

 

Seul contre tous
L'EI a une logique guerrière qui pourrait se résumer par le slogan « Seul contre tous ». Tous les États en dehors des « terres du califat » sont potentiellement des cibles pour l'organisation jihadiste. La Turquie fait partie des cibles prioritaires du fait de son histoire, de sa position géographique, au carrefour de l'Europe et du monde arabe, et de ce qu'elle est : un pays musulman nationaliste, modéré et occidentalisé. « Pour les jihadistes, la conquête d'Istanbul prime sur celle de Rome », rappelle Wassim Nasr, journaliste sur France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes, sur son compte Twitter.

« L'hostilité entre Ankara et l'EI est maintenant beaucoup plus vive », juge pour sa part Aymenn Tamimi, expert au Middle East Forum. « On dit souvent que la Turquie considère les Kurdes comme la plus grande menace pesant sur elle, mais il est faux de dire qu'elle n'a pris aucune mesure contre l'EI », ajoute-t-il.
La fermeture de la frontière turco-syrienne ainsi que la traque aux cellules dormantes au sein du territoire turc peuvent expliquer le timing de l'attentat, mais ne suffisent pas à comprendre ses motivations idéologiques et politiques.


(Repère : La Turquie et l'EI, de la bienveillance à l'affrontement)


L'attentat de mardi s'ajoute à une série de troubles qui fragilisent sérieusement la Turquie. En conflit ouvert avec le PKK dans le Sud-Est anatolien, en froid avec la Russie, en position délicate en Syrie, la Turquie a été rattrapée par le contexte régional. À court terme, le président Erdogan pourrait pourtant profiter de cette situation. « Je ne crois pas que le problème sécuritaire va affaiblir Erdogan, bien au contraire », estime Michel Naufal, spécialiste des questions turques et auteur du livre Le Retour de la Turquie en Orient. Mais la stratégie d'Erdogan pourrait finir par se retourner contre lui. « Il y a deux grandes failles dans la stratégie d'Erdogan. Tout d'abord, le problème kurde qu'il faut régler de manière urgente : Erdogan doit arrêter la guerre tout azimuts dans le Sud-Est anatolien contre le PKK. Il y a une atmosphère d'intifada dans cette région, il faut revenir au dialogue. Ensuite, il faut améliorer les relations avec la Russie, trouver un modus vivendi », analyse M. Naufal.

La politique turque en Syrie devrait être une nouvelle fois questionnée puisque son coût commence à devenir exorbitant pour Ankara. Les autorités turques annonçaient hier que le kamikaze, âgé de 28 ans, était entré quelques jours plus tôt sur le territoire turc en provenance de Syrie comme un « simple migrant ». Pour Michel Naufal, « il manque à Ankara une stratégie de sortie en Syrie ». Une stratégie sans laquelle la Turquie aura du mal à résister à l'ouragan régional.

 

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L'État islamique (EI) n'a pas « d'amis ». L'attentat perpétré mardi matin à Istanbul, dans lequel 10 touristes allemands ont péri, en est une nouvelle preuve. S'il n'a toujours pas été revendiqué, son mode opératoire ainsi que la nationalité saoudienne du kamikaze font de l'EI le principal suspect. Les autres groupes susceptibles de commettre de telles attaques, comme les Kurdes,...

commentaires (2)

Carabistouille ! Qu'est-ce qui confirme que c'est bien l'EI ? Tojlîîîte ! C'est tout.

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

08 h 56, le 14 janvier 2016

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Commentaires (2)

  • Carabistouille ! Qu'est-ce qui confirme que c'est bien l'EI ? Tojlîîîte ! C'est tout.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 56, le 14 janvier 2016

  • CAUSE : LA BRISURE DES RELATIONS AMICALES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 33, le 14 janvier 2016

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