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Culture - Rencontre

De la spiritualité Mantra à celle des moteurs avec Zad Moultaka

Il va et revient au pays d'origine comme la vague de la mer. Cette mer où, dans une crique de Dbayé, est amarrée sa barque de pêcheur. Retrouvailles avec un artiste à multiples facettes qui n'arrête pas de fouiller avec gourmandise dans les entrailles de la vie...

Zad Moultaka : « Il y a encore en cette terre du cèdre des gens qui se battent dans l’ombre… pour ce qui est bien… » Photo Jean-Baptiste Millot

Adieu à l'année écoulée et salut aux jours qui s'annoncent. Zad Moultaka est toujours entre deux valises, deux pays, deux concerts, deux expositions, deux projets, deux regards, deux rencontres. Pétillant de vie, il demeure insatiable dans sa curiosité et sa quête. Quête de sonorités et d'images. Cavalcade fébrile et empressée d'un homme aux semelles de vent qui explore la vie en en démontant la mécanique. Dans ses détails, surprenante autant pour lui que pour ses fidèles amis. Pour les temps qui viennent, il est résident pour deux années à l'Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/musique) au centre Pompidou, lieu créé par Pierre Boulez dans les années 60. Pierre Boulez qu'on vient de perdre à 90 ans (le jour même où l'interview a été accordée) et à qui la musique contemporaine doit un tribut inestimable.

D'abord les derniers maillons du chapelet d'activités du compositeur de l'opéra arabe Zajal, œuvre retenue déjà dans le patrimoine culturel mondial de l'Unesco.
Octobre dernier, le festival de l'Isle de France a résonné de la poésie d'Adonis grâce au cycle de poèmes de Kitab II que le musicien a conçu avec la déclamation de l'auteur même. Mise en scène de la parole poétique, d'une brûlante actualité, où sont dénoncés les Arabes dans leur violence. Violence qui sévit depuis le XIe siècle comme « un Daech qui se serait projeté déjà dans le monde actuel... » Et pour cadrer les mots d'Adonis, quatre musiciens : un violoniste, un oudiste, un percussionniste et la soprane Amal Ibrahim Djalloul.
Dans la ville des Doges, au Palazzio Albrizzi où s'épanouit la Fondation Maramotti (créée par Max Mara) ont fleuri les partitions de Zad Moultaka grâce à la basse allemande Andreas Fischer et le percussionniste Simone Beneventi.
Du côté des rives du Rhin, l'opéra pour enfant Konig Hamed und Prinzess Sherifa (Le roi Hamed et la princesse Sherifa) a été donné plus d'une trentaine de fois à Mayence et Gulzen Kircher. Si franc succès que notre compositeur national a décroché à Stuttgart un prix pour créer un second opéra pour jeune public.

 

(Lire aussi : Est-ce le texte qui porte la musique ou la musique qui porte le texte ?)

 

De Venise au « Hommos » en passant par Qumran...
Mais place à l'horizon de l'avenir. En ce 22 janvier, la filature de Mulhouse retentira des notes du nouvel opus de Moultaka, intitulé (sans jeu de mots !) Pas un bruit.
Œuvre inspirée d'un texte de E. M. Remarque qui évoque une gondole sur les flots de Venise transportant un catafalque... Pour ce dire musical à la fois grave et rêveur, tout en teintes méditatives, l'Orchestre symphonique de Mulhouse avec le maestro hollandais Anthony Hermus.
En veilleuse de réalisation aussi, une pièce avec chœur, contrebasse et percussion sur des textes ougaritiques. Ces textes, manuscrits trouvés à Qumran, dans des jarres à côté de la mer Morte.
Mais le projet, en longue gestation, reste ce UM dont le titre, « souverain moteur de toute chose », explique le musicien, un lien entre un mot tibétain du Mantra et le sigle United Motors. Une intuition de ce que la vibration du son et de sa résonnance chez les Tibétains est pour leur civilisation et le vrombissement des moteurs pour la nôtre. En toute opposition, c'est la lenteur et l'intériorité pour les uns, et l'extériorité et la rapidité pour les autres.

Le musicien, dans le sillage de sa recherche sur le langage musical intégrant les données fondamentales de l'écriture contemporaine occidentale aux notions de la musique arabe, a regardé dans le ventre d'un moteur. Et en le ralentissant et l'étirant, s'est interrogé s'il n'y avait pas là une sorte de spiritualité. Sonorités à relents humains confortées par la musique. Avec à l'appui douze musiciens (cuivre, percussion, bois et corde) d'Ars Nova, six chanteurs des New Vocal Solisten ainsi qu'un dispositif électro-acoustique.
Œuvre qui sera créée au Théâtre Jean Vilar à Vitry-Sur-Seine. Et à partir d'octobre prochain fera l'objet d'une tournée en France et en Allemagne.

Beyrouth sera une étape importante dans le périple au carnet de voyage toujours surchargé de Zad Moultaka. Au festival Irtijal le 13 mars 2016, les mélomanes libanais avisés applaudiront Hummus (jeu de mots sur « hommos » (pois chiches) et « humus » (terre fertilisée) en allemand. Texte écrit en langue de Goethe par le compositeur et qui sera projeté avec sous-titre sur écran. Pour le dire, en une sorte de règlement de comptes avec la guerre, vingt-cinq minutes avec sept chanteurs a capella.
On ne saurait passer sous silence l'autre versant des activités du compositeur de « Hildegarde von Bingen » et bien sûr on parle peinture. Toujours en préoccupation avec la notion de la spiritualité de la matière, comme une liaison souterraine et tacite avec les sonorités d'UM, entre papier déchiré et acrylique, continue l'aventure extraordinaire des images captées et restituées dans une vision vaguement « pollockienne » de la distribution des tâches de couleurs.

Ce sera l'exposition, très attendue, en septembre prochain à la Fondation L'Ermitage à Garches près de Paris.
Mis à part l'aspect professionnel d'un parcours, ce séjour à Beyrouth en période des fêtes, quel goût, quelle impression laisse-t-il ?
« Il y a sans doute un malaise mondial, dit le musicien. Il y a l'anxiété de quoi est fait l'avenir. Après les attentats à Paris, le monde va mal. Fatigue profonde certes, mais ici le poids est encore plus lourd. Les gens ont l'impression d'être lâchés. Même les poubelles posent un problème : fait inacceptable pour un pays civilisé. Le Liban, vu de l'étranger, c'est un pays miraculeux... Surtout avec la contradiction de l'incroyable énergie des gens. Mais il y a de quoi être rassuré : il y a encore en cette terre du cèdre des gens qui se battent dans l'ombre... pour ce qui est bien... »

 

Pour mémoire
De Mayence à Venise, le chapelet de projets de Zad Moultaka

La musique de Zad Moultaka sous empreinte digitale

Adieu à l'année écoulée et salut aux jours qui s'annoncent. Zad Moultaka est toujours entre deux valises, deux pays, deux concerts, deux expositions, deux projets, deux regards, deux rencontres. Pétillant de vie, il demeure insatiable dans sa curiosité et sa quête. Quête de sonorités et d'images. Cavalcade fébrile et empressée d'un homme aux semelles de vent qui explore la vie en en...

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