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Liban - Tribune - La tension interactive entre théologie et mystique !

À propos du livre « La théologie byzantine et sa tradition, volume I »

La tradition orientale, écrivait Vladimir Lossky dans son livre référence La théologie mystique de l'Église d'Orient, n'a jamais distingué nettement entre l'expression personnelle des mystères divins et le dogme affirmé par l'Église... Au lieu d'assimiler le mystère divin à notre mode d'entendement, il faudra, au contraire, que nous veillions à un changement profond, à une transformation intérieure de notre esprit, pour nous rendre aptes à l'expérience mystique. Loin de s'opposer, la théologie et la mystique se soutiennent et se complètent mutuellement.
Cette tension interactive entre pensée théologique et expérience mystique est donc propre à la démarche de la théologie byzantine qui inscrit la « contemplation » du mystère comme une « dominante » préalable à toute formulation « apophatique » de la pensée théologique. C'est une puissante lame de fond qui structure toute la démarche théologique byzantine qui est éminemment spirituelle et mystique.
Le volumineux ouvrage collectif qui vient d'être publié sous le titre La théologie byzantine et sa tradition constitue, de par ses choix éditoriaux et le chemin de fer méthodologique qu'il nous propose pour découvrir la vie, l'itinéraire et les œuvres des théologiens qu'il met en exergue, constitue une parfaite illustration de cette tension interactive entre « pensée » (théologique) et « expérience » (spirituelle).
Il s'agit là d'un ouvrage exceptionnel publié aux éditions Brepols Publishers, une des plus prestigieuses maisons d'édition belges dont la fondation remonte à 1796 et qui est connue pour l'édition de travaux ayant une grande valeur et une grande réputation académiques dans le domaine des racines culturelles de l'Europe et de ses sphères d'influence.
Ce volume n° 1, qui porte sur les théologiens byzantins des VIe et VIIe siècles proches de la période patristique, est l'aîné d'un volume n° 2 qui est né avant lui puisque ce dernier a été publié en 2002 avec comme champ d'études les théologiens de la période byzantine et postbyzantine. Un troisième volume, attendu prochainement, viendrait compléter cette trilogie unique en son genre, fruit d'un grand projet international effectué dans le cadre des travaux du Laboratoire d'études sur les monothéismes à Paris, sous la direction de M. Carmelo Giuseppe Conticello, chercheur au CNRS, et spécialiste de la théologie byzantine et de la théologie latine médiévale.
L'ouvrage, excessivement bien documenté, associe plusieurs travaux scientifiques et académiques effectués par des chercheurs internationaux en différentes langues. Il revisite une grande quantité de sources orientales et occidentales sur la biographie, les itinéraires, les œuvres et les écrits d'un bouquet emblématique d'auteurs et de théologiens byzantins des VIe et VIIe siècles, proches de la période patristique et dont le rayonnement a marqué la conscience théologique de l'Église, son vécu et son expression, et continue de le faire.
La sélection ainsi effectuée par la direction éditoriale de l'ouvrage revient en premier sur la figure emblématique de l'empereur Justinien, figure du politique byzantin et du théologien, et aussi, celui-là même qui convoqua et présida le Ve concile œcuménique en 553. Justinien, c'est aussi l'empereur « juriste », doté d'un esprit ordonnateur et d'une intelligence d'organisation, qui a donné son nom, les avocats et juristes le reconnaîtront, au célèbre code Justinien. Il est à la base de la célèbre théorie byzantine de la « symphonie » entre les deux glaives, les deux sacerdoces, les deux pouvoirs, temporels et spirituels, qui, loin de « s'opposer » ou se « dominer » réciproquement, doivent « coopérer » ensemble en toute « harmonie » pour le bien de l'empire. Ce fut là, avant l'heure, une autre forme moderne de laïcité, une forme de séparation positive entre le politique et le religieux, séparation sans confusion ni distanciation, qui devrait nous être inspirante pour nos problématiques laïcistes d'aujourd'hui !
Puis il est question, dans le livre, de Romanos le Mélode, le célèbre hymnographe byzantin, auteur du premier Kondakion de l'Église, celui de la Nativité du Seigneur que nous chantons en cette période de la Nativité et qui lui a été inspiré en rêve par la Theotokos, la Mère de Dieu. En troisième position, le livre consacre une large part aux travaux et écrits de saint Jean Climaque, le célèbre Ioannis Klimakos, l'auteur de l'emblématique livre L'Échelle sainte, l'échelle du paradis, l'échelle de la voie mystique qui conduit vers Dieu. Un ouvrage qui reste jusqu'à aujourd'hui une source intarissable de conseils dans la démarche spirituelle non seulement pour les moines, mais aussi pour tous les chrétiens et bien au-delà. Viennent par la suite des pages entières riches et denses sur saint Isaac le Syrien, un des plus éminents poètes spirituels de l'Orient chrétien. La partie centrale est réservée à saint Maxime le Confesseur qui confessa avec courage l'orthodoxie au péril de sa vie et au prix de beaucoup de souffrance. Saint Maxime dont les écrits sur la protection de la création sont au fondement de la théologie orthodoxe de l'écologie. Le livre se termine sur les œuvres de deux personnalités spirituelles de cette époque charnière : Anastasios le Sinaïte, un des emblématiques higoumènes du monastère Sainte-Catherine du Sinaï, et, in fine, le célèbre saint Macaire d'Égypte, un des emblématiques pères du désert et auteur d'une grande littérature dite « macarienne ».
En un mot, le volume I de la théologie byzantine et sa tradition est un livre éclairé et éclairant. Certainement à lire et à garder au chaud dans votre bibliothèque byzantine !

Maître Carol SABA
Avocat à la Cour au barreau de Paris

La tradition orientale, écrivait Vladimir Lossky dans son livre référence La théologie mystique de l'Église d'Orient, n'a jamais distingué nettement entre l'expression personnelle des mystères divins et le dogme affirmé par l'Église... Au lieu d'assimiler le mystère divin à notre mode d'entendement, il faudra, au contraire, que nous veillions à un changement profond, à une...

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