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À La Une - Pakistan

Dans un bidonville chrétien d'Islamabad, on espère un miracle de Noël

"Il semble que nous ne soyons même pas considérés à l'égal des chiens".

Des chrétiennes pakistanaises se prenant en photo devant une église à Lahore. Photo Reuters

A la périphérie d'Islamabad, les habitants du plus grand bidonville chrétien de la capitale pakistanaise ont un rêve pour Noël : ne plus avoir à transporter à dos d'âne, d'homme ou à vélo l'eau dont ils ont besoin pour vivre.

Rimsha Colony, 10.000 habitants, est au coeur d'une controverse sur les droits des chrétiens au Pakistan, république islamique de 200 millions d'habitants, dont environ 1,6% de chrétiens. La municipalité, qui s'est lancée dans une campagne d'éradication des quartiers qu'elle considère comme illégaux, a en effet critiqué les bidonvilles, qui menacent selon elle "la beauté de l'islam".
Elle a récemment fermé les trois puits qui alimentaient Rimsha Colony, ce que les habitants considèrent comme une tentative de les chasser. La Cour suprême a certes suspendu les évictions, mais cela n'empêche pas les habitants de ce bidonville de se sentir menacés, et nombre d'entre eux disent ne souhaiter qu'une seule chose pour Noël : la légalisation de leur quartier - et le retour de l'eau au robinet.

"Nous sommes inquiets, très stressés, mais que pouvons-nous y faire ? Nous sommes impuissants", soupire Nargis Masih, une mère au foyer de 33 ans, qui habite le quartier depuis sa construction il y a deux ans. Elle aimerait pouvoir célébrer Noël sans avoir à aller chercher de l'eau au robinet le plus proche, qui se trouve près d'un arrêt de bus à trois kilomètres de là.

Minorité vulnérable
Les Pakistanais chrétiens sont au quotidien l'objet de discriminations, et régulièrement la cible d'accusations de blasphème, un crime passible de la peine de mort en vertu de lois critiquées par les défenseurs des droits de l'Homme d'après lesquels elles sont souvent douteuses et utilisées dans le cadre de règlements de comptes personnels.

D'ailleurs, Rimsha Colony tire son nom de celui d'une adolescente chrétienne arrêtée en 2012 après avoir été accusée d'avoir profané des pages du Coran. Bien que ces accusations se soient avérées infondées, Rimsha et sa famille, menacées, se sont réfugiées au Canada. Et les habitants de son quartier de Mehrabadi, à la périphérie d'Islamabad, ont également dû s'enfuir et refaire leur vie sur un nouveau terrain.

En dépit des promesses des dirigeants de l'époque, Rimsha Colony n'est raccordé ni au réseau électrique, ni aux égouts. Ce bidonville était alimenté en eau par les trois puits qui ont été scellés il y a quelques semaines.
En 2014, l'Autorité de développement d'Islamabad (CDA), une sorte de municipalité non-élue, s'était engagée à détruire 32 bidonvilles considérés comme illégaux, estimant qu'ils représentaient un fardeau excessif pour les ressources disponibles, et entachaient l'image de la capitale aux grandes rues bordées d'une végétation luxuriante.

(Lire aussi : Asia Bibi, la chrétienne condamnée à mort pour blasphème au Pakistan, "perd espoir")

 

Islam menacé ?
Cela s'est concrétisé par la destruction en août dernier d'un quartier informel, ou "katchi abadi", principalement habité par des Pachtounes ayant fui les combats dans le nord-ouest du Pakistan.
La Cour suprême a dans la foulée décrété un moratoire sur les expulsions, considérant que le droit au logement était inscrit dans la Constitution, et demandant à la CDA un argumentaire écrit avant toute nouvelle expulsion.
Dans sa réponse, l'Autorité souligne que "la plupart de ces quartiers informels sont occupés par la communauté chrétienne".

"Il semble que ce rythme d'occupation des terrains par la communauté chrétienne pourrait augmenter", s'inquiète la municipalité. "La destruction des katchis abadis est très urgente pour fournir un meilleur environnement aux citoyens d'Islamabad, et pour protéger la beauté de l'islam".
Alors que le sort de Rimsha Colony est toujours entre les mains de la justice, la municipalité a recours à la manière forte, accuse Ammar Rashid, un militant de gauche. "L'eau est un droit fondamental, mais l'administration de la ville la distribue en fonction de critères socio-économiques", déplore-t-il. "C'est une violation des décisions de justice et une tentative de forcer les gens à quitter le bidonville".

Un autre de ses habitants, Arif Jan, fait allusion à une parabole musulmane selon laquelle Mahomet aurait fait part du pardon divin à une prostituée car elle avait donné à boire un chien assoiffé. "Mais dans ce pays", dit ce travailleur chrétien de 32 ans, "il semble que nous ne soyons même pas considérés à l'égal des chiens".


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