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Liban - Rencontre

Joseph Torbey : Sécurité et secteur bancaire, les deux piliers du Liban...

Président de l'Association des banques (ABL) pour la troisième fois, Joseph Torbey n'est pas inquiet pour l'avenir du secteur bancaire. Recevant le Conseil de l'ordre des rédacteurs, après le durcissement des sanctions américaines contre le Hezbollah, il a dressé un tableau réaliste, mais à dominante optimiste qui ouvre des fenêtres d'espoir pour l'année 2016.

Le monde des banques et de la finance a beau être dur, transformant toutes les données en chiffres, en pertes et profits, chez Joseph Torbey, PDG du Crédit libanais et président de l'ABL, l'humain reste prioritaire, ainsi que le sentiment de la responsabilité nationale qui le pousse toujours à prendre en compte les intérêts du pays. Si l'association qu'il dirige a donc fait pression sur les groupes parlementaires pour que le Parlement adopte les lois sur la finance mondiale qui, si elles n'avaient pas été adoptées, auraient placé le Liban au ban des nations et auraient soumis à la fouille la plus stricte tout Libanais passant par les aéroports internationaux pour éviter qu'il ne transporte du cash, c'était donc par souci des Libanais et du système bancaire. Ces lois consacrées à la lutte contre le terrorisme en asséchant ses sources de financement et contre le blanchiment d'argent auraient, si elles n'avaient pas été votées par le Parlement, entraîné une fuite des capitaux, le Liban devenant hors de la législation internationale. Le dépôt des fonds n'y aurait plus été protégé. Ce drame a donc été épargné. C'est d'autant plus important, que selon Joseph Torbey, qui s'est exprimé devant le Conseil de l'ordre des rédacteurs dirigé par Élias Aoun, « la sécurité et le secteur bancaire sont les deux piliers du Liban. Tant qu'ils vont plutôt bien, le Liban reste debout. Mais s'ils devaient s'effondrer, il ne resterait presque plus rien ». Aujourd'hui donc, explique Joseph Torbey, les risques politiques au Liban sont grands, avec la vacance à la tête de la République et la paralysie presque totale des institutions, ainsi que la mauvaise gestion de l'administration. Le Liban est donc en train de vivre des stress test et il est considéré comme un pays à haut risque. Ce qui fait que les taux d'intérêt y sont élevés. Mais en même temps, il est désormais à jour sur le plan de la législation internationale. Il a aussi échappé à une rétrogradation de son classement par les agences (il est toujours à B-). Il est donc toujours dans la catégorie des pays qui constituent un environnement négatif pour les investissements, sans être pour autant devenu un pays où il ne faut absolument pas investir.

Espoir d'un déblocage

Le président de l'ABL explique ainsi que le secteur bancaire est actuellement en croissance, même si celle-ci ne se traduit pas sur le plan économique, en raison de la crise politique. Toutefois, la dernière initiative concernant la présidentielle a donné un nouvel espoir, car elle a montré d'abord que sur ce dossier, les choses ont bougé. Elle a aussi montré que les deux camps rivaux, le 14 et le 8 Mars, pouvaient se rapprocher et s'entendre sur des points importants. Il s'agit donc en quelque sorte d'une redistribution des cartes internes, doublée d'une réactivation du dossier présidentiel sur le plan international. « Même si cela n'a pas abouti rapidement, comme on pouvait le croire, a précisé Joseph Torbey, ce remous a donné l'espoir d'une perspective de déblocage, sous cette forme ou sous une autre, dans un avenir visible. »

L'autre élément positif, selon lui, c'est que l'option Frangié ne s'est pas accompagnée de mouvements sur le terrain. Les mécontents des deux camps n'ont pas songé à exprimer leur désapprobation dans la rue. Le processus est donc relancé et on peut espérer qu'il aboutisse en 2016. Ce serait important pour le Liban car si on veut traduire ce point en termes bancaires, l'élection présidentielle équivaudrait à doubler les réserves en or de la Banque centrale...

(Pour mémoire : « Le Liban risque d'être réinscrit sur la liste noire du Gafi », menace Torbey)

Enfin, la redynamisation du dossier présidentiel a été aussi un indice de la volonté de maintenir en place le système libanais qui, en dépit de ses failles, reste un modèle pour la région.

Sur le plan sécuritaire, les succès enregistrés en matière de lutte contre les cellules terroristes sont un facteur de confiance pour les Libanais et pour les étrangers. Si la communauté internationale n'avait pas confiance dans les services libanais, elle ne coopérerait pas avec eux. Ces services sont donc considérés comme un fer de lance dans la lutte contre le terrorisme et leur coordination entre eux ajoute à leur crédibilité. Celle-ci est bien perçue sur le plan interne et externe. Autrement dit, les services de sécurité et le secteur bancaire libanais sont à la pointe dans la lutte contre le terrorisme, puisque chaque organisation a derrière elle un financement. Désormais, au Liban, le dispositif de la lutte antiterroriste est complet : les lois, les banques, la Banque centrale et la confiance internationale. Après l'affaire de la Banque libano-canadienne, aucun incident n'a été enregistré et s'il y a des failles, elles sont traitées discrètement.

Même le Hezbollah...

Pour Joseph Torbey, les nouvelles sanctions américaines contre le Hezbollah ne sont qu'un durcissement de mesures déjà existantes. Elles n'affectent pas le système bancaire et ne mettent pas en cause le secret bancaire. Celui-ci est destiné à protéger les dépôts d'argent propre et le processus mis en place pour autoriser la levée de ce secret sur un compte précis est lourde et complexe. La Banque centrale a, à ce sujet, un large pouvoir d'appréciation.

À la question de savoir si le fait pour le Liban de faire partie du système financier international ne constitue pas une atteinte à sa souveraineté et à son autonomie financière, le président de l'ABL a répondu que le Liban étant un pays importateur et étant doté d'une économie dollarisée, il fait donc forcément partie du système financier mondial. Il n'a pas d'autre choix, n'ayant pas une économie autosuffisante. Mais, selon lui, les banques jouent un rôle positif dans l'économie. D'abord, elles n'ont aucun problème avec les instances internationales et ensuite, le système bancaire est sain et dynamique. De plus, elles sont le principal créancier de l'État, car elles estiment qu'il est de leur devoir de l'aider à respecter ses échéances pour le bon fonctionnement du pays. De même, avec leur système de microcrédits, elles favorisent la reconstitution de la classe moyenne si importante pour la croissance et la stabilité d'un pays. Au Liban, les banques donnent ainsi des prêts au logement pour une durée de 30 ans. C'est un signe de confiance dans l'avenir. Enfin, en ouvrant des branches sur l'ensemble du territoire, elles favorisent le développement des régions... Selon lui, toutes les parties politiques sont convaincues de l'importance de préserver le secteur bancaire qui est vital pour l'économie libanaise et pour la survie du pays.

Même le Hezbollah, qui a pourtant un circuit économique marginal, en raison de l'interdiction américaine faite aux banques de traiter avec lui, fait de son mieux pour ne pas entraver l'action du secteur bancaire et maintenir en place le système actuel. L'horizon n'est donc pas sombre, surtout avec les perspectives de reconstruction en Syrie, dans lesquelles le Liban pourrait avoir un rôle non négligeable...

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