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Liban - Humanitaire

Le périple des réfugiés irakiens chaldéens, de Mossoul à Beyrouth... en attendant un nouveau départ

Les réfugiés demandant conseil au père Denha.

Un jeudi matin comme les autres au Centre Notre-Dame de la Divine Miséricorde à Sedd el-Bauchrié. Une centaine de familles irakiennes viennent récupérer des cartons d'aide alimentaire offerts par le centre grâce à la générosité de plusieurs donateurs et associations humanitaires. Créé par l'évêché chaldéen de Beyrouth il y a quelques mois, ce centre sociohumanitaire distribue des aliments et des vêtements aux réfugiés irakiens – en majorité chaldéens – et leur fournit même des médicaments par le biais du ministère de la Santé ou de certaines ONG.


Batoul, 53 ans, attend patiemment de recevoir son carton. Elle est l'une des rares personnes à accepter de donner son nom et de témoigner. Cette veuve originaire de Mossoul est arrivée au Liban il y a un an. Mais elle a connu plusieurs déplacements, au sein même de l'Irak, avant d'échouer à Sedd el-Bauchrié. Fuyant Tal Keif (ou Tel Keppe, au nord-est de Mossoul) à l'arrivée de l'État islamique, elle s'est rendue à pied avec ses trois enfants dans la ville chrétienne d'al-Koch. « Nous sommes partis de notre village avec d'autres familles, au milieu de la nuit et sous les bombardements de Daech qui essayait d'entrer dans la région. Nous avons marché pendant 4 ou 5 heures, de village en village, car les voitures n'étaient pas autorisées à circuler en raison du couvre-feu. Nous sommes arrivés à al-Koch le matin et les habitants de la région nous ont conduits en voiture au Kurdistan, explique-t-elle. Nous avons été accueillis par les Kurdes qui nous ont donné des habits, de la nourriture et de l'argent. Nous sommes restés bloqués là-bas pendant trois mois à cause des bombardements. Je suis allée ensuite chez ma sœur à Karrada (quartier de la classe moyenne à Bagdad où vit une minorité chrétienne) afin d'obtenir des passeports pour la famille avant de venir au Liban », indique Batoul.

 

(Pour mémoire : Les chrétiens d’Irak toujours plus nombreux au Liban)

 

« Je n'irai pas à l'hôpital parce que c'est cher »
Dans la salle d'attente, plusieurs personnes se pressent autour de l'aumônier du centre, le père Denha Touma Youssef, afin de demander conseil ou de solliciter une aide médicale. Parmi ces réfugiés, une dame de 40 ans, cheveux blonds et yeux clairs, accepte de se confier, non sans un tremblement dans la voix. Mariée et mère de quatre filles, elle a connu trois déplacements avant d'arriver à Dekouané. Elle a d'abord été chassée de sa maison à Mossoul par une milice irakienne qui a même réussi à mettre la main sur le compte bancaire de son mari. « Nous sommes partis de Mossoul vers Tellskuf (Tesqopa, au nord de Mossoul) à cause des miliciens, explique-t-elle. Puis Daech est arrivé à Tellskuf et nous avons dû repartir à nouveau. L'EI nous a dit d'oublier notre maison car elle leur appartenait désormais. »
La famille s'enfuit alors au Kurdistan où elle loge, pendant un an, dans les salles de l'évêché Saint-Georges à Zakho avant de débarquer au Liban il y a cinq mois grâce à des emprunts auprès de proches et d'amis. Ployant sous le loyer (500 dollars par mois pour un appartement à Dekouané) et les factures d'eau, d'électricité et du générateur, cette dame peine à joindre les deux bouts et évite les hôpitaux libanais autant que possible. « Je n'irai pas à l'hôpital, même si j'ai mal, parce qu'on va me demander de faire des examens avant de me soigner, et c'est très cher », déplore-t-elle. Une de ses filles a besoin d'un traitement de longue durée, et elle essaie d'obtenir le médicament gratuitement auprès du père Denha. Batoul, elle, a réussi à se faire opérer au Liban grâce à l'évêché chaldéen qui a financé 90 % de son opération. Elle arrive également à obtenir un de ses médicaments gratuitement grâce à une ONG à Badaro.
« Celui qui tombe malade ici meurt s'il n'a pas d'argent », dénonce un homme d'une quarantaine d'années, visiblement ému. Venu chercher son aide alimentaire, il peine à s'exprimer, la voix étranglée par l'émotion. « Vous voyez notre situation et notre souffrance. Il y a des associations qui nous aident, mais la vie est difficile au Liban. J'espère que les médias réussiront à montrer nos souffrances et à rappeler au monde qu'il y a des réfugiés irakiens », dit-il.


Les réfugiés cherchent tous à quitter le Liban et à se rendre, par le biais du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), dans des pays où ils seraient en sécurité et pourraient accéder à davantage d'aides sociales et médicales car tous déplorent la cherté de vie au Liban, le coût élevé des soins médicaux et le chômage. Ils ont le sentiment cruel d'avoir été oubliés par la communauté internationale et dénoncent la lenteur des démarches d'immigration auprès du HCR. Beaucoup pensent même que le HCR donne la priorité aux réfugiés syriens.

 

(Lire aussi : La symbolique de l’enracinement, ou le retour du siège de l’Église assyrienne d’Orient en Irak)

 

Solidarité interreligieuse et soutien éducatif
Parmi les quelques organismes qui fournissent le Centre Notre-Dame de la Divine Miséricorde en aides figure, le Lutheran Hour Ministries, association luthérienne basée aux États-Unis. Cet organisme vient en aide à sept camps de réfugiés syriens dans la Békaa ainsi qu'aux réfugiés irakiens au Liban. Pour Fadi Khaïrallah, responsable au Lutheran Hour Ministries, « le plus important est que les réfugiés sachent qu'il y a de l'espoir et des gens pour les aider, et qu'ils ne sont pas seuls ». « Chaque carton de ravitaillement offert aux réfugiés coûte environ 25 dollars. Nous offrons des aliments, des couvertures, des vêtements, du matériel hygiénique et de l'aide médicale au cas par cas », explique-t-il. L'association luthérienne offrira également 1 000 cadeaux de Noël aux enfants irakiens samedi, lors d'une fête organisée à l'évêché chaldéen, à Hazmieh.


Côté éducation et scolarisation, l'Institut européen de coopération et de développement (IECD) travaille depuis 2008 dans son centre à Sabtiyeh auprès des petits réfugiés qui ne sont pas scolarisés. « Nous offrons l'accès à l'éducation pour les enfants syriens et irakiens. Nous proposons des cours à ceux qui n'ont pas pu être scolarisés dans les écoles libanaises et du soutien scolaire à ceux qui sont scolarisés mais qui n'ont pas le niveau requis, notamment parce que le français n'est pas enseigné dans leur pays d'origine », explique Claire d'Hautefeuille, chef de projet à l'IECD.
Le centre de Sabtiyeh peut accueillir jusqu'à 200 enfants. Certains d'entre eux n'ont pas été scolarisés depuis plusieurs années en raison des multiples déplacements de leurs familles. « Nous avons accueilli une fois des enfants de 9 ans qui ne sont jamais allés à l'école parce qu'ils ont dû quitter leur pays à l'âge de 5-6 ans et sont restés, depuis, sans scolarisation. Nous leur avons appris à lire et à écrire, et ils suivent aujourd'hui un cursus normal à l'école », indique Alyssar Yordanov, référente pédagogique de l'IECD. Le centre propose également un suivi psychosocial et des activités récréatives grâce à des assistantes sociales et un psychologue. « Il s'agit d'enfants qui ont souffert et qui ont peut-être subi des violences. Notre psychologue et nos assistantes sociales les accompagnent lors de travaux individuels ou en groupe. Nous organisons même des séances de sensibilisation pour les parents, explique Mme d'Hautefeuille. Nous voulons prendre l'enfant dans sa globalité et toute sa dignité afin qu'il s'épanouisse en tant qu'être humain et qu'il soit davantage armé pour la vie adulte », conclut-elle.

 

Plus de 500 Syriens vont passer par Beyrouth dans le cadre d'un échange

Plus de 500 Syriens appartenant à des camps adverses vont passer dimanche par l'aéroport de Beyrouth dans le cadre d'un vaste échange entre le régime de Bachar el-Assad et la rébellion, a affirmé hier une ONG. Une source militaire syrienne a affirmé que l'échange aurait lieu en début de semaine prochaine. Cet échange a lieu en vertu d'un accord conclu le 24 septembre prévoyant une trêve à Zabadani, ville rebelle proche du Liban assiégée par les forces progouvernementales, et dans les villages chiites de Foua et de Kfarya, dans la province d'Idleb (Nord-Ouest), encerclés par les rebelles.
« Cent vingt-neuf civils et combattants rebelles de Zabadani vont être transférés via la frontière terrestre à l'aéroport de Beyrouth pour ensuite rejoindre la Turquie puis les zones rebelles d'Idleb », a indiqué à l'AFP, Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Parallèlement, 400 civils de Foua et de Kfarya se rendront en Turquie par Bab al-Hawa, un poste frontière syro-turc tenu par le groupe rebelle islamiste Ahrar al-Cham. De Turquie, ils gagneront en avion l'aéroport de Beyrouth puis se rendront par voie terrestre à Damas.
Foua et Kfarya sont les seuls villages de la province d'Idleb à être encore sous contrôle de l'armée alors que Zabadani représente le dernier bastion rebelle à la frontière syro-libanaise que le régime, aidé par le Hezbollah, tente de reconquérir depuis juillet.

 

Pour vos dons

Pour venir en aide aux réfugiés irakiens, vous pouvez contacter l'évêché chaldéen au 05/457732, 05/459088 ou 71/224462. Vous pouvez également envoyer vos dons au compte suivant :
Credit Bank SAL
Branche de Chiyah, Beyrouth, Liban
Swift code: CBCBLBBE
N° : 803845
IBAN: LB65010300081010570803845003
Nom: MM. Évêché chaldéen de Beyrouth

 

 

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