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Liban - Interview

Sejaan Azzi à « L’OLJ »: En matière d’emploi, priorité aux Libanais

Sejaan Azzi, ministre du Travail et vice-président du parti Kataëb. Photo tirée du site du parti.

Face à un marché de travail prisé par de nombreuses populations immigrantes, le ministre du Travail, Sejaan Azzi, défend avec ardeur la devise du « Libanais d'abord ». Pour travailler dans la légalité au Liban, les étrangers doivent détenir un permis de travail. À quelles conditions se soumettent-ils afin de jouir d'un tel statut ? Sont-ils tous logés à la même enseigne, indépendamment de leur nationalité et de leur profession ? Plus particulièrement, quelle politique d'emploi, libérale ou restrictive, le ministère du Travail mène-t-il pour satisfaire les besoins du marché tout en tenant compte d'un taux de chômage élevé au sein de la population locale ? Le ministre du Travail, Sejaan Azzi, dresse pour L'Orient-Le Jour un état des lieux.

« Au Liban, un permis de travail est accordé à tout étranger dont le marché a besoin. » Si Sejaan Azzi proclame d'emblée ce principe, il affiche aussitôt son attachement ferme à favoriser, pour un même poste, la population active locale plutôt que les demandeurs étrangers. Depuis la prise en charge de ses fonctions, il y a 22 mois, le ministre du Travail œuvre, dans une optique d'abaissement du chômage, à restreindre le nombre de permis de travail octroyés. « Pour augmenter les chances pour les Libanais de trouver un emploi à l'heure où le chômage atteint un taux sans précédent de 25 %, nous sommes parvenus à baisser de 49 % le nombre de permis de travail », indique M. Azzi. Le ministre s'insurge contre tout employeur qui, pour satisfaire ses besoins en main-d'œuvre, cherche à recruter des étrangers, alors que « beaucoup de Libanais sont aptes à exercer les mêmes compétences ».

À l'instar de pays comme la Suisse, où le taux de chômage est insignifiant, le ministère du Travail impose désormais à l'employeur qui veut combler la vacance à un poste dans son entreprise, de rechercher d'une manière intensive, pendant au moins trois mois (en Suisse, l'obligation est de six mois), un candidat libanais capable d'occuper la fonction requise. « Pourquoi un directeur de ventes, un comptable, une infirmière, ou encore une esthéticienne, tous étrangers, remplaceraient-ils des Libanais dotés de qualifications égales ? » s'interroge M. Azzi.

 

(Pour mémoire : Azzi au Koweït tire la sonnette d'alarme : 20 millions de citoyens arabes sont au chômage)

 

Professions interdites, fraudes et manque d'effectifs
D'ailleurs, un arrêté du ministre du Travail énumère un grand nombre de professions interdites aux étrangers : ceux-ci ne peuvent travailler comme PDG, directeur, chef du personnel, trésorier, secrétaire, ingénieur, pharmacien, laborantin, représentant commercial et enseignant dans les classes primaires (à l'exception du cas des langues étrangères). Les métiers de bijoutier, couturier, mécanicien, électricien, chauffeur, coiffeur, vitrier, ainsi que de nombreux autres jobs prisés par les Libanais sont également refusés aux non-nationaux. M. Azzi déplore sur ce point de nombreuses fraudes, « les dernières en date étant celles d'ingénieurs qui ont sollicité des permis de travail sur base d'un emploi de porteur ou de préposé au nettoyage », s'exclame-t-il. Il déplore aussi le manque d'effectifs de son ministère, indiquant que celui-ci compte seulement neuf inspecteurs de travail.

Plus généralement, sur les 268 postes de fonctionnaires, seulement 123 sont occupés, les 145 autres, vacants pour des raisons en rapport avec le départ à la retraite ou autres, attendent d'être attribués par des décrets ministériels.
Défenseur farouche du droit au travail de ses concitoyens (seulement 168 permis de travail ont été délivrés cette année dans le secteur des fonctions de 1re catégorie), M. Azzi reconnaît que dans le domaine du travail domestique, du bâtiment, de l'agriculture, du nettoyage, ainsi qu'au niveau des services en rapport avec les stations d'essence et les boulangeries, les offres d'emploi n'intéressent pas les Libanais. « Ce qui explique, indique-t-il en feuilletant les pages d'un rapport, que 56 134 titres de travail ont été octroyés cette année à des étrangers et 140 056 autres ont été renouvelés – sachant que quelle que soit la durée de validité du contrat de travail, un permis est délivré pour une durée d'un an renouvelable. »


(Lire aussi : Pourquoi le Liban ne crée-t-il pas assez d'emplois qualifiés ?)

 

Les taxes sur le permis de travail
Concernant les frais de permis de travail, ils s'élèvent à 1 800 000 LL pour les professions de 1re catégorie, 250 000 LL pour les employés domestiques, et 480 000 LL pour les autres employés et ouvriers. Si les ouvriers syriens et les palestiniens exerçant une profession indépendante ne paient que 25 % de ces taxes, les ouvriers palestiniens, eux, en sont totalement exemptés. Quid des étrangers dont la mère est libanaise ? « Ils sont affranchis du paiement de taxes, non du fait que leur mère est de nationalité libanaise, mais seulement s'ils sont ressortissants d'un pays lié par une convention bilatérale sur ce plan avec le Liban », précise M. Azzi.

Les principales réalisations
À la question de savoir pourquoi les employées de maison asiatiques et africaines continuent d'être soumises à la « garantie » (kafala), le ministre du Travail répond fermement qu'« il n'existe pas à ce jour une autre possibilité leur permettant de résider et travailler légalement ». Ce système de parrainage place les employées de maison sous la houlette de leur employeur et garant, de sorte que sans son autorisation, elles ne peuvent changer d'emploi ou sortir du territoire avant la fin de leur contrat. « Si cette règle venait à être annulée, estime le ministre, un nombre incalculable de jeunes employées de maison changeraient de statut, préférant le marché des call-girls, bien plus juteux. » D'ailleurs, relève-t-il, « si cette population migrante ne considérait pas que dans la balance, ses intérêts pèsent bien plus que les inconvénients entraînés par le système, elle n'aurait pas continué à affluer au Liban ». M. Azzi évoque dans ce cadre une série de mesures prises récemment par son ministère pour améliorer le statut des employées domestiques.

(Pour mémoire : Quatre ans après le soulèvement en Syrie, le chômage explose et les inégalités se creusent au Liban)


« Ces mesures ne sont d'ailleurs pas les seules réalisations que j'ai, jusque-là, accomplies », indique M. Azzi. Malgré des conditions de travail précaires, dues surtout au manque de cadres compétents, il se réjouit d'avoir mis au point l'informatisation du ministère, et d'avoir procédé à l'ouverture de locaux relevant du ministère du Travail à Jounieh et au Akkar, pour faciliter les démarches administratives des habitants des deux régions. En collaboration avec la Banque mondiale, et afin de pousser les entreprises à recruter des jeunes n'ayant encore jamais eu accès au marché du travail, un programme intitulé « Première opportunité » a par ailleurs été créé. M. Azzi précise que « le ministère du Travail s'acquittera, durant la première année de leur embauche, du paiement de 10 % des salaires de ces jeunes ainsi que de leurs cotisations à la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) et de leurs taxes sur la TVA ». Une autre réalisation est l'octroi d'une aide scolaire de 750 000 livres libanaises, accordée à chaque enfant de tout employé du secteur privé et du secteur public.

Dans le domaine de la législation, le ministre du Travail a fait état de l'élaboration d'une loi pour la lutte contre le trafic humain et le travail des enfants, et d'un projet de révision du code du travail en vue de sa modernisation. Sur le plan juridictionnel, une augmentation du nombre de chambres des conseils de prudhommes a été décidée pour remédier au débordement de ces tribunaux. Au niveau institutionnel, M. Azzi a en outre procédé à la réactivation d'élections qui se trouvaient gelées au sein de nombreux syndicats. Deux commissions ont également été dynamisées durant son mandat, à savoir la commission de l'indice de cherté de vie et la commission du dialogue social qui regroupe des représentants de plusieurs ministères. Enfin, il y a quelques mois, un congrès a rassemblé, sous la présidence du ministre du Travail, plus de 600 agences de recrutement d'employées de maison pour combattre la corruption au sein de ces entreprises.

Se félicitant de tous ces acquis, mais soucieux d'améliorer encore plus le système, Sejaan Azzi ne manque pas de souligner en conclusion que ces réalisations ne constituent qu'une infime partie des réformes qui restent encore à faire...

 

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Face à un marché de travail prisé par de nombreuses populations immigrantes, le ministre du Travail, Sejaan Azzi, défend avec ardeur la devise du « Libanais d'abord ». Pour travailler dans la légalité au Liban, les étrangers doivent détenir un permis de travail. À quelles conditions se soumettent-ils afin de jouir d'un tel statut ? Sont-ils tous logés à la même enseigne,...

commentaires (5)

Ministre Azzi, excusez-moi si je me permets la remarque suivante. J'aurais tant voulu que votre article porte un autre en-tete. "Pour favoriser les Libanais, nous avons hausse de 49% les perspectives de travail aux Libanais ainsi qu'a nos invites de Syrie et d'ailleurs."Au sein de l'article vous auriez mentionne: Mes collegues, les ministres de l'Economie, de l'Agriculture, et de l'Industrie, et moi-meme, avons pris avantage de la presence de nos "invites forces par les circonstances" pour multiplier nos ressources grace a leur participation a une campagne nationale commune dans le but de (1) resoudre le probleme des dechets (2) entreprendre toutes sortes de reamenagements municipaux (3) participer a la remise en etat de nos routes et le nettoyage de nos rivieres etc. etc.

George Sabat

16 h 33, le 17 décembre 2015

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Commentaires (5)

  • Ministre Azzi, excusez-moi si je me permets la remarque suivante. J'aurais tant voulu que votre article porte un autre en-tete. "Pour favoriser les Libanais, nous avons hausse de 49% les perspectives de travail aux Libanais ainsi qu'a nos invites de Syrie et d'ailleurs."Au sein de l'article vous auriez mentionne: Mes collegues, les ministres de l'Economie, de l'Agriculture, et de l'Industrie, et moi-meme, avons pris avantage de la presence de nos "invites forces par les circonstances" pour multiplier nos ressources grace a leur participation a une campagne nationale commune dans le but de (1) resoudre le probleme des dechets (2) entreprendre toutes sortes de reamenagements municipaux (3) participer a la remise en etat de nos routes et le nettoyage de nos rivieres etc. etc.

    George Sabat

    16 h 33, le 17 décembre 2015

  • Hélas la réalité est autre, plus de 60% de la main d'oeuvre ouvrière est clandestine et travaille au noir y compris avec la complicité de l'état.A jounieh par exemple il il a un parking que j'appelle ANPE locale ou tout entrepreneur peut venir faire son marché de main d'oeuvre et sous l’œil de la police qui surveille pour empêcher les bagarres.Et pourquoi certains chantiers n'avancent que les jours de congés ? La seule réponse à cette situation consiste a créé un organisme de contrôle de la main d'oeuvre comme dans tous les pays civilisés, mais ne rêvons pas de nombreuses familles Libanaises utilisent de la main d'oeuvre au noire"sans jeu de mot" et surtout ne veulent pas changer. Comme tout le reste dans le pays, le "bordel" arrange beaucoup de monde

    yves kerlidou

    09 h 29, le 17 décembre 2015

  • ET AUGMENTER PROBABLEMENT... ET SANS LE VOULOIR... DE 51% LE TRAVAIL ILLÉGAL...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 21, le 17 décembre 2015

  • "À l'instar de la Suisse, le ministère du Travail libanais(h) impose désormais à l'employeur qui veut combler la vacance à un poste, de rechercher d'une manière intensive, pendant au moins trois mois chez NOUS (en Suisse, chez eux, l'obligation est de six mois), un(e) candidat(e) libanais(e)(h) capable d'occuper la fonction requise." ! "Pourquoi tous ces étrangers!, remplaceraient-ils des Libanais dotés de qualifications égales ?" ! Oui, mais Séjëéééne, quid des travailleurs du bâtiment, des éboueurs-zébbééélînes et des "bonnes-domestiques" ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 54, le 17 décembre 2015

  • Merci!!!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 00, le 17 décembre 2015

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