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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Yémen : un dialogue qui s’ouvre dans une configuration largement modifiée

Six mois après l'échec de Genève, les conditions semblent aujourd'hui plus favorables à l'élaboration d'une solution négociée dans le conflit.

Les pourparlers directs de paix entre les différentes parties yéménites ont débuté hier à Magglingen, dans le nord de la Suisse. UN Photos/Jean-Marc Ferre/AFP

Les négociations de paix entre les différents protagonistes de la crise yéménite ont débuté hier sous l'égide des Nations unies en Suisse. Le médiateur de l'Onu, Ismaïl Ould Cheikh Ahmad, a annoncé « le début d'une cessation des hostilités au Yémen », la qualifiant « de première étape critique » en vue d'établir « une paix durable » dans ce pays, selon un communiqué des Nations unies.
Pour favoriser les discussions, une trêve d'une semaine a été adoptée hier, mais violée dès son entrée en vigueur. Après l'échec de la première tentative de négociations indirectes en juin 2015, la rencontre en Suisse, pour atteindre son objectif de résolution du conflit et de construction d'une paix durable, devrait encourager la marche vers l'unité nationale et le partage du pouvoir. Or, en l'absence de concessions réelles en faveur d'un élargissement de la participation au pouvoir, il sera difficile de convaincre les rebelles Ansarullah (houthis), alliés de circonstance de l'ex-président Ali Abdallah Saleh, d'accepter l'application de la résolution 2 216 prévoyant un retrait de leurs forces de l'ensemble des zones sous leur contrôle, y compris de la capitale Sanaa.
Depuis 2005, les houthis, dénonçant le processus de marginalisation politique de la communauté zaïdite à l'œuvre après 1962, sont en conflit intermittent avec le gouvernement central. La transition politique amorcée en 2011 n'a pas réglé les problèmes structurels auxquels est confronté le Yémen, miné par les divisions profondes dans une société où les liens primordiaux fondés sur l'appartenance tribale sont encore vivaces. Si en 2011 la première étape d'une transition politique a abouti à la formation d'un gouvernement de coalition sous la présidence de Abd Rabo Mansour Hadi qui succède à l'ex-président Saleh, la seconde phase est un échec patent qui précipite la crise actuelle. Le dialogue national, otage des intérêts et objectifs contradictoires des acteurs politiques yéménites, prend fin en septembre 2014 avec l'offensive lancée par les houthis qui s'emparent de Sanaa et poussent le président Hadi à la démission. Leur alliance circonstancielle avec le président Saleh début 2015 renforce leur position sur le terrain et permet une avancée fulgurante en direction d'Aden, où s'est réfugié Hadi.
L'institution à Sanaa d'un pouvoir soutenu par Téhéran entraîne l'intervention inéluctable de l'Arabie saoudite qui gère le dossier yéménite comme une question de politique intérieure. Avec le début de la campagne de bombardement aérien de la coalition sous l'égide de Riyad le 26 mars dernier, le conflit se durcit, dissipant toute perspective de règlement acceptable par l'ensemble des parties. La première conférence de Genève en juin 2015 débouche sur une impasse politique essentiellement en raison de l'intransigeance saoudienne soumettant le cessez-le-feu au préalable d'une reddition totale des houthis non vaincus militairement sur le terrain. Six mois plus tard, les négociations tortueuses sont relancées dans un contexte sensiblement modifié par l'évolution des rapports de forces sur le terrain.

Nouvelle configuration
Franck Mermier, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du Yémen, rappelle que depuis juillet 2015, les forces fidèles au président en exil Hadi ont accentué la pression au Sud, à Ma'rib, sur la côte de la mer Rouge à Moka et Taëz, rétablissant un équilibre dans le rapport de forces. « Dans le même temps, cela n'a pas abouti à une reprise de tous les gouvernorats, et depuis septembre, on assiste à un piétinement des forces de la coalition, notamment avec le verrou de Taëz sur le plan militaire et l'incapacité à dépasser le cadre de Ma'rib pour ouvrir à Sanaa », explique-t-il.
Il souligne par ailleurs que dans un contexte d'intensification des combats depuis plusieurs mois, les parties au conflit se devaient, sur le plan humain et symbolique, de délivrer un message rassurant pour la population yéménite qui a subi de lourdes pertes. À l'intérieur du front composite qui réunit le mouvement houthi allié au Congrès général du peuple de Saleh avec la participation de forces militaires, la branche modérée comprenant de manière réaliste que la guerre ne peut être remportée sur le terrain militaire pourrait être prête à faire des concessions pour conserver le gouvernorat de Saada.
Mais pour Francois Burgat, politologue, spécialiste du Yémen et directeur à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (Iremam) à Aix-en-Provence, ces négociations s'ouvrent plutôt dans un cadre où, « pour l'essentiel, ce sont les exigences de la coalition pilotée par les Saoudiens avec le soutien américain qui vont devoir être revues à la baisse. La coalition a échoué en effet, malgré le volume considérable de destructions, à imposer une solution militaire. Il ne devrait donc plus être question de réclamer aux houthis et à leur allié Ali Abdallah Salah ce "retour à la case départ" relativement irréaliste compte tenu du rapport de forces sur le terrain, qu'ils ont toujours refusé ». Selon M. Burgat, le degré de respect du cessez-le-feu et le degré d'emprise des négociateurs sur les différentes parties en conflit seront des indicateurs qui éclaireront l'évolution de ces négociations. Il rappelle d'une part que dans les camps de la coalition, les rangs sont divisés, et de l'autre qu'une frange des populations du Sud s'accroche à des velléités autonomistes ne soutenant donc pas le retour de Hadi.
« Il faut bien évidemment rappeler ensuite que des acteurs aussi importants que les groupes radicaux sunnites (el-Qaëda et Daech) ne sont pas concernés par les pourparlers de Genève. Et que le camp des houthis a menacé d'une nouvelle internationalisation, un proche d'Ali Abdallah Saleh ayant appelé la semaine dernière, depuis Moscou, les Russes à intervenir "comme en Syrie" », explique le spécialiste.

Légitimité du pouvoir
Si la question de la légitimité du pouvoir est une dimension incontournable du conflit yéménite, l'éclosion d'un processus de réconciliation nationale et d'association de toutes les composantes au pouvoir politique ne peut intervenir que dans le cadre de négociations équitables pour satisfaire l'ensemble des parties. « On pourrait accepter dans le camp de Hadi de discuter de la formation d'un gouvernement d'union nationale et d'un plan de transition politique qui donnerait lieu à de nouvelles élections et au départ à terme de Hadi », explique Franck Mermier.
Selon François Burgat, ces négociations sont déterminantes puisqu'« il va donc falloir définir s'il peut y avoir une solution sur une base institutionnelle avec la reprise du dialogue national et l'adoption d'une Constitution fédérale accordant une large autonomie à plusieurs des parties en conflit. Ou bien s'il est trop tard et que les deux côtés raisonnent désormais dans la logique d'une partition. Dans tous les cas, c'est bien évidemment la région de Sanaa, aujourd'hui sous contrôle des houthis, qui concentrera une grande partie des enjeux », explique le chercheur.

Les négociations de paix entre les différents protagonistes de la crise yéménite ont débuté hier sous l'égide des Nations unies en Suisse. Le médiateur de l'Onu, Ismaïl Ould Cheikh Ahmad, a annoncé « le début d'une cessation des hostilités au Yémen », la qualifiant « de première étape critique » en vue d'établir « une paix durable » dans ce pays, selon un communiqué...

commentaires (2)

ET LÀ AUSSI LES ENTENDEMENTS SONT FAITS... IL Y A UNE DÉCISION ONUSIENNE QUI SERA RESPECTÉE... LES MILICES PERC(S)ÉES ET LES PARAVENTS LES EMPORTERONT LES VENTS...

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 01, le 16 décembre 2015

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Commentaires (2)

  • ET LÀ AUSSI LES ENTENDEMENTS SONT FAITS... IL Y A UNE DÉCISION ONUSIENNE QUI SERA RESPECTÉE... LES MILICES PERC(S)ÉES ET LES PARAVENTS LES EMPORTERONT LES VENTS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 01, le 16 décembre 2015

  • Quand on se rend compte que l'oeuf est dur à cuire et que le gober cru peut donner des indigestions on préfère le regarder de loin et prier qu'il se casse. Les houtis sont l'oeuf et les prédateurs ceux qui le regarderont de loin.

    FRIK-A-FRAK

    19 h 31, le 16 décembre 2015

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