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Moyen Orient et Monde - COP21

Pour des objectifs climatiques ambitieux, il faudra une feuille de route claire

À la COP21 qui se déroule au Bourget à Paris et qui était supposée prendre fin hier (la clôture a été repoussée jusqu'à aujourd'hui pour plus de négociations), on parle beaucoup de finances, d'intérêts nationaux et supranationaux, d'ambition(s)... Mais hier, devant une salle archicomble, ce sont les scientifiques qui ont parlé. Et ce qu'ils ont dit est éloquent : la science ne peut concevoir de concilier, d'une part, des objectifs politiques ambitieux (déclarés), notamment celui de limiter le réchauffement de la Terre à 1,5 degré (au maximum dans la limite de deux degrés), avec, d'autre part, des formulations vagues dans le texte de l'accord, sans dates limites pour l'abandon des énergies fossiles et sans méthodologie précise pour y arriver.

Hans Schellnhuber, directeur du Potsdam Institute for Climate Impact Research, a estimé que le dernier texte délivré par la présidence de la COP (qui était en cours de révision hier) est « progressiste » par rapport aux précédents accords, mais devrait encore mettre au point une feuille de route pour atteindre les objectifs fixés.
Pour Steffen Kallbekken, directeur de recherche au Centre international pour la politique de climat et d'énergie, les contributions nationales présentées par les pays en amont de la COP, sur leurs engagements à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mettent le monde sur une voie d'une hausse allant de 2,7 à 3,7 degrés. « Il faut donc imposer leur révision à la hausse bien avant 2030, ce qui est loin d'être acquis dans le texte », a-t-il dit.

Un argument repris par Johan Rockström, directeur exécutif du Stockholm Resilience Center, qui ajoute : « Nous avons besoin d'une décarbonisation totale. L'utilisation du terme "neutralité d'émissions de gaz à effet de serre" nous met face à la possibilité de dépendre trop des puits de carbone (NDLR : océans, forêts... qui absorbent le CO2), c'est très risqué. » Toujours sur le même sujet, Joeri Rogelj, chercheur au programme d'énergie de l'« International Institute for Applied Systems Analysis », a plaidé pour une action urgente avec un pic mondial des émissions en 2020 (date de l'entrée en vigueur de l'accord actuellement discuté), faute de quoi la limite de 1,5 degré ne peut être respectée.

Pour sa part, Kevin Anderson, vice-directeur du Tyndall Center for Climate Research à Manchester, n'a pas hésité à qualifier le texte préliminaire d'accord de « pire » que celui de Copenhague (qui avait abouti à un échec). « Il n'est pas consistant avec la science, il n'inclut pas l'aviation et le trafic maritime qui sont, à eux seuls, responsables de 10 % des gaz à effet de serre, a-t-il ajouté. Si nous voulons être sérieux à propos de l'objectif des 1,5 degré, il faudrait réduire la demande. Cela devrait être possible puisque 10 % de la population mondiale est responsable de quelque 50 % des émissions, comme l'a montré un récent rapport d'Oxfam. »

(Lire aussi : M. Machnouk à la COP21 : Pour un accord ambitieux et un transfert des technologies )

 

Formulation puissante pour contraintes ajournées ?
Le cri des scientifiques fait écho à la réalité des négociations derrière des portes closes, qui ont requis un ajournement d'une journée au moins (rien d'inhabituel dans une COP). Des craintes, exprimées par plusieurs ONG en journée, portaient sur de possibles formulations trop vagues sur des questions importantes comme les engagements de financement par exemple. D'ailleurs, plusieurs manifestations sont prévues à Paris aujourd'hui...
Selon les informations relayées par les ONG, notamment le réseau Climate Action Network (Can), les États-Unis et l'Europe continuent d'être inflexibles sur la question du financement (des efforts de lutte contre l'effet de serre par les pays en développement), exigeant que les pays émergents, aujourd'hui de grands émetteurs, mettent aussi la main à la poche. La Chine et l'Inde, malgré des discours très progressistes, demeurent réticentes face à des questions telles que la révision régulière à la hausse de leurs contributions nationales. Elles rejoignent l'Arabie saoudite dans le refus de la formulation du terme « décarbonisation », préférant la « neutralité des émissions de gaz à effet de serre » qui reste très vague.

Un observateur interrogé par L'Orient-Le Jour déclare craindre que « les pays industrialisés ne fassent pression sur quelques-uns des pays très vulnérables afin de les pousser à abandonner certains de leurs objectifs tels les pertes et dommages, un mécanisme de compensation, sous prétexte de l'urgence de parvenir à un accord global ».

Malgré toutes ces réticences, Waël Hmaïdane, directeur exécutif de Can, reste optimiste. « Le texte tel qu'il a été présenté par la présidence française est très satisfaisant, dit-il à L'OLJ. Il consacre beaucoup de notions chères à la société civile et qui n'étaient pas auparavant intégrées dans les négociations : l'objectif de réduction des émissions à long terme, l'abandon progressif des énergies fossiles (même si le texte dit : dans la seconde moitié du siècle), etc. J'ai bien peur que ceux qui ont insisté pour un report du texte ne se retrouvent avec un document encore moins ambitieux. »
Pour sa part, Naji Kodeih, expert environnemental et président d'honneur d'IndyAct, craint que « cet accord, au final, ne soit ambitieux que dans les formulations, sans comporter d'engagements précis auxquels les pays seront contraints, au niveau du financement ou des efforts de réduction ». « La COP21 aura alors été une étape sur la route des solutions, plutôt qu'un aboutissement en soi », dit-il.

 

Tribune
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