Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Conférence

Trois regards européens sur la crise des réfugiés syriens

À défaut de vaincre le problème à la source, en trouvant une solution au conflit syrien, les pays européens tentent d'en soigner les symptômes.

Dans l’ancien aéroport Tempelhof, à Berlin, transformé en centre d’hébergement pour migrants. Tobias Schwarz/AFP

En 2015, près de 920 000 migrants sont arrivés en Europe. Une crise sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, à laquelle les Européens n'étaient pas préparés. Face à l'impossibilité immédiate de régler les problèmes à leur source, c'est-à-dire notamment de mettre fin à la guerre en Syrie, les Européens ont dû assumer une responsabilité historique pour accueillir les réfugiés dans les meilleures conditions possibles.

Mardi, l'Institut Issam Fares pour la politique publique, à l'AUB, a organisé une discussion sur la question des réfugiés syriens en Occident, modérée par l'ancien ministre Tarek Mitri. L'ambassadeur d'Allemagne, Martin Huth, le chef de mission adjoint et consul de Grèce, Thanos Leousis, l'ambassadeur d'Italie, Massimo Marotti, la chef de la délégation de l'UE, Christina Lassen, étaient réunis pour débattre des principaux enjeux auxquels ils sont confrontés au double niveau régional et international. Enfin, la représentante du UNHCR (Haut-Commissariat aux réfugiés), Mireille Girard, a exposé les problématiques au niveau local.

L'Italie
Si la botte italienne est plus connue comme ayant été le pays d'accueil des migrants économiques venus d'Afrique subsaharienne, les crises libyenne et syrienne ont ébranlé un système de prise en charge qu'elle pensait pourtant adapté aux circonstances. Le drame de Lampedusa, le 3 octobre 2013, où 366 Somaliens et Érythréens ont perdu la vie, fait prendre conscience au gouvernement, comme à l'opinion publique, de l'ampleur du phénomène. « Cela a montré que nous étions mal préparés face à ce flux important d'arrivées », a affirmé M. Marotti. Il y a deux années encore, l'Italie disposait de près de 50 000 places dans différents centres d'accueil, ce qui était, à l'époque, considéré comme « une infrastructure importante ».

Aujourd'hui, il y en a désormais 100 000. Ce qui reste assez peu, en substance, étant donné que, depuis 2014, 192 000 réfugiés ont débarqué sur les côtes italiennes. Plus préoccupés par le sauvetage des « boat people » en mer que par une éventuelle fermeture de leurs frontières, les autorités ont déboursé 9 millions d'euros par mois dans ce dispositif. Cela a permis à la marine nationale de sauver près de 100 000 personnes depuis. « Certes, nous n'étions pas préparés, mais nous étions du moins prêts à agir », confie l'ambassadeur d'Italie. La société italienne a eu une réaction basique, liée à la peur, et, malheureusement, le parallèle entre immigration et sécurité a vite été établi.

(Pour mémoire : Les Européens mobilisés tous azimuts face à une crise migratoire sans répit)

 

La Grèce
Déjà en proie à une crise économique sans précédent, la Grèce fait figure de modèle dans sa gestion de la crise des réfugiés. Le pays a accueilli à lui seul plus de 800 000 réfugiés. Près de 90 000 d'entre eux ont été sauvés en mer. Du côté de la population locale, notamment des insulaires, un élan de solidarité s'est fait ressentir. De nombreux témoignages ont d'ailleurs été rapportés par des quotidiens locaux comme internationaux, faisant état du légendaire accueil des Grecs. Mais ce fardeau est trop lourd pour la Grèce.

« Le fardeau doit être réparti de manière équitable », assène le consul de Grèce, Thanos Leousis.
En ligne de mire, la Turquie, incitée, de manière indirecte, à garder chez elle les futurs candidats à l'exil. « Nous reconnaissons le fait que la Turquie soit sous pression avec plus de 2 millions de réfugiés, mais nous pensons que c'est un pays-clé, qui peut supporter le flux. Sur son sol, le contrôle d'identité doit être strict. (...) Aussi, les réseaux de passeurs qui se trouvent principalement en Turquie, et qui tirent profit du désespoir des migrants, doivent être combattus », explique M. Leousis.

L'Allemagne
Alors que la chancelière allemande, Angela Merkel, a fait de la crise des réfugiés une priorité nationale, l'ambassadeur allemand au Liban, Martin Huth, a rappelé l'importance de la perception de la crise sur la population locale, indissociable des solutions politiques envisagées. Motivés par une question d'éthique tout d'abord, faisant écho aux traumatismes engendrés par la Seconde Guerre mondiale, les Allemands sont apparus comme les Européens les plus enclins à accueillir des réfugiés à bras ouverts. « Les trois pays, l'Italie, la Grèce et l'Allemagne, ont beaucoup en commun car ils partagent le plus grand fardeau. Les deux pays du sud de l'Europe en tant que première destination et l'Allemagne en tant que destination désirée », rappelle l'ambassadeur.

En 2014, le gouvernement allemand a décidé de considérer les réfugiés syriens en tant que tels, en suivant la Convention de Genève, rendant possible un accès à l'éducation ou des permis de travail.
L'Allemagne a accueilli 286 000 réfugiés en 2015. Après les (trop) nombreux drames en Méditerranée, l'opinion publique allemande, se revendiquant d'héritage judéo-chrétien, est rapidement devenue « proréfugiés ». De nombreux Allemands sont plutôt favorables à la politique de la chancelière, qui souhaite accueillir plus de 800 000 réfugiés d'ici à la fin de l'année.

Martin Huth cite, pour ce faire, un exemple personnel. Celui de ses propres parents habitant un village du sud de l'Allemagne. La commune a décidé d'accueillir 300 Syriens célibataires.
La réaction des habitants a été assez surprenante. « Ils se sont dit : "Nous sommes face à l'inévitable, ce n'est pas quelque chose qui nous plaît, mais voyons comment on peut traiter cela" », raconte M. Huth. Pour justifier l'accueil réservé par les Allemands, les autres pays européens ont tendance à mettre en exergue les facteurs économiques et démographique qui tendent à justifier de telles démarches. La population allemande vieillit, ce qui risque d'avoir de fortes conséquences sur le plan économique dans quelques décennies. Pragmatisme oblige, malgré ses airs de générosité sans limites, l'Allemagne a un réel besoin de main-d'œuvre.

 

Lire aussi
Pour les réfugiés syriens au Liban, l'asile canadien se prépare à Beyrouth

Près de 12.000 réfugiés syriens bloqués dans le désert jordanien

Les réfugiés syriens au Liban s'endettent de plus en plus

Mesures de dépistage draconiennes avant l'admission des réfugiés sur le sol américain

 

Entre les pays du Golfe et les réfugiés, un désintérêt mutuel

 

En 2015, près de 920 000 migrants sont arrivés en Europe. Une crise sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, à laquelle les Européens n'étaient pas préparés. Face à l'impossibilité immédiate de régler les problèmes à leur source, c'est-à-dire notamment de mettre fin à la guerre en Syrie, les Européens ont dû assumer une responsabilité historique pour...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut