Le Front national a déjà gagné. Quels que soient les résultats du second tour des élections régionales, son pari est réussi : le FN poursuit son irréversible ascension, séduit une grande partie de l'électorat de droite et arrive en tête au niveau national et dans 6 régions. Sa stratégie de dédiabolisation est validée. Sa dynamique, qui devrait amener Marine Le Pen à virer en tête à l'issue du premier tour de la présidentielle en 2017, apparaît désormais inarrêtable.
Le FN n'est pas (encore) le premier parti de France : il ne dirige que très peu de communes et n'est représenté que par deux parlementaires. Après le premier tour des régionales, le parti est en position très favorable pour obtenir la présidence en Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPCP) et en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), en ballottage favorable en Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine et en Midi-Languedoc, mais aucun de ces succès ne lui est garanti.
Le FN n'a pas encore remporté la bataille des urnes. Il a, par contre, déjà très largement gagné celles des idées. En 2002, il était encore possible de plaider l'idée d'un accident électoral. En 2015, ce n'est plus permis. Les électeurs du FN savent pour qui ils votent et pourquoi ils votent.
Le parti d'extrême droite a recueilli dimanche plus de 6 millions de voix, soit le vote d'un électeur sur trois. En comparaison, Jean-Marie Le Pen avait obtenu 4,8 millions de voix au soir du 21 avril 2002. Preuve que le FN progresse également en valeur absolue et que l'abstention n'explique pas tout.
Comment en est-on arrivé là ? s'interrogeait hier l'éditorialiste du journal Le Monde, sous le choc d'une victoire pourtant assez prévisible. Si le parti de Marine Le Pen a certainement profité électoralement de la crise des migrants et des attentats de Paris, il n'empêche que son succès s'appuie sur une certaine logique à la fois dans le temps et dans l'espace : le FN profite d'une dynamique favorable aux niveaux national, européen et international.
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En France, tous les éléments susceptibles de faire le jeu du parti d'extrême droite sont présents. Un taux de chômage considérable, une fracture sociale, sociétale et géographique, entre les classes populaires et les élites, entre le centre et les périphéries, entre deux visions de ce que doit être la France, ses valeurs, sa place au sein de l'Union européenne et dans le monde, une angoisse identitaire qui se traduit le plus souvent par une défiance envers les citoyens de confession musulmane, une incapacité chronique de la part de la classe politique à fixer un cap clair et s'y tenir, un désamour pour l'Europe.
Quand le débat politique tourne de plus en plus autour des questions d'insécurité, d'immigration, du rapport de l'islam à la République, des valeurs de la France et de la laïcité, thèmes de prédilection du FN ; quand la droite et même la gauche renient une partie de leurs principes, expliquent que le FN pose les bonnes questions et utilisent le même vocabulaire que lui pour venir le concurrencer sur l'échelle du patriotisme ; quand des hebdomadaires font une semaine sur deux leur une sur « cet islam qui fait peur » et que des quotidiens nationaux agitent régulièrement le spectre d'une islamisation de la société ; quand les auteurs les plus en vogue ces dernières années écrivent sur les thèmes de l'identité, du déclin inexorable de la France, de l'imposture de mai 68, élaborent des théories sur l'idée d'un grand remplacement ou fantasment sur une prise de pouvoir d'un parti islamiste dans un horizon proche; quand l'islam radical, extrêmement minoritaire, et incompatible avec les valeurs de la République, devient le plus grand défi auquel la France doit se confronter, celui qui explique toutes les difficultés que les Français traversent et tous les maux qu'ils subissent ; quand tous ces éléments sont réunis, il est difficile de ne pas comprendre les raisons du succès du FN.
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Mais le problème n'est pas seulement franco-français. En Europe, l'extrême droite gagne du terrain à l'Est, en Hongrie, en Pologne, en Autriche, mais aussi au Nord, au Danemark, en Grande-Bretagne, en Norvège, et au Sud, en Italie et en Grèce. La crise économique est passée par là. Tout comme l'absence de projet européen commun, suffisamment clair et cohérent pour obtenir l'adhésion, non pas seulement des nations, mais aussi des peuples d'Europe.
Au niveau mondial, la tendance est à la révolution conservatrice et la recherche de l'homme providentiel, mélange de populisme et d'autoritarisme. Une vague globale qui profite à Donald Trump aux États-Unis, Xi Jinping en Chine, Shinzo Abe au Japon, Narendra Modi en Inde, Abdel-Fattah el-Sissi en Égypte, Alexis Tsipras en Grèce, Recep Tayyip Erdogan en Turquie, et surtout au leader de cette révolution, Valdimir Poutine, en Russie. En France, Manuel Valls, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen se disputent le costume. Mais pourquoi choisir la copie quand on peut avoir l'original ?
La victoire, même provisoire, du FN est celle d'une France qui a peur, d'une France xénophobe et recroquevillée sur elle-même, d'une France contraire à son esprit révolutionnaire et son discours universel. Le FN n'est pas plus compatible qu'hier aux valeurs de la République. Il ne fait que camoufler son antisémitisme pour mettre plus en avant un credo beaucoup plus rentable et beaucoup plus convaincant : l'islamophobie.
Interrogé par le journaliste de RFI David Thompson sur le fait de savoir pourquoi il serait content d'une victoire du FN en France, un jihadiste de l'État islamique (EI) a répondu : « Ce serait une humiliation pour ces pseudomusulmans de la République qui défendent les valeurs de la laïcité, et les vrais musulmans, ça les poussera à faire la hijra. » Est-ce vraiment cela le nouveau visage de la France ?
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commentaires (22)
Monsieur Samrani ne connaît rien à la France. Rien. Qu'il vienne au frais de l'OLJ découvrir le métro parisien bondé de racailles et de traînés savates chargés d'alcool et de haine. Qu il vienne se promener dans les dizaines de milliers de salles de prière clandestine où l'on prêche la haine de la France et du Christianisme. Qu'il vienne dans les usines du nord fermés l'une après l'autre où même le plus valeureux d'entre nous ne passerait pas plus d'une journée. Qu'il vienne voir le rejet total des valeurs de la France pas une grande partie de la souche immigrée de 5 ème génération qui rêve d'Alger ou de Rabat. Non Monsieur vous n'avez rien compris.
JAMES R
07 h 31, le 09 décembre 2015