Quelle est votre lecture du compromis en vue ?
C'est un bazar qui porte directement atteinte aux valeurs, aux principes et à l'éthique politique du 14 Mars, et qui jette à la poubelle dix ans de résistance et de révolution. Est-ce pour élire un président issu corps et âme du 8 Mars que Saad Hariri a été forcé à la démission de la présidence du Conseil des ministres en 2010, et que le pays a subi trois ans et demi de vide au niveau de l'exécutif, et que Pierre Gemayel et Gebran Tuéni ont été assassinés? Toutes ces valeurs, tout ce combat partent en miettes !
Lorsque l'on choisit d'appuyer la candidature d'une personne ayant un lien aussi marqué avec le régime syrien et le camp qui le représente au Liban, cela veut dire qu'on a accepté l'idée que le combat du 14 Mars est perdu avant de l'avoir véritablement commencé et que tout ce que nous avons fait pour le pays n'avait aucune valeur. Cela va nous conduire, au final, à la plus grande catastrophe. Ceux qui n'apprennent pas de leurs erreurs précédentes peinent à le voir.
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Mais le compromis n'a-t-il pas pour motif, justement, de nous épargner une « catastrophe » sécuritaire, voire une guerre ?
Nous avons signé notre traité de Versailles alors que la guerre n'a même pas commencé. Nous avons accepté un traité honteux pour le 14 Mars, et sans aucune contrepartie. C'est notre paix manquée que ce compromis consacre. « Ils ont eu le choix entre le déshonneur et la guerre ; ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre » : il me semble que ce mot adressé par Winston Churchill à la Chambre des communes en 1938 épouse la situation actuelle.
En effet, aucune faction du 8 Mars ne représente nos valeurs nationales. Il y a toutes les raisons de douter de la consistance de ce nouveau rapprochement. Le 8 Mars a mené, au cours des dix dernières années, une entreprise méticuleuse pour démolir les institutions. Soutenir la candidature de tout élément du 8 Mars, quel qu'il soit, signifie que cette entreprise a atteint sa finalité : les notions d'indépendance, de liberté, de souveraineté n'ont plus une définition objective chez les Libanais. Rien n'empêche désormais de percevoir le régime syrien comme le garant de la démocratie, et les milices comme les gardiennes de la souveraineté de l'État.
(Lire aussi : Bkerké : « Une occasion sérieuse se présente pour sortir du vide présidentiel »)
Quels moyens envisagez-vous, ou proposez-vous, pour contrer cet enlisement ?
La position des Kataëb est très claire : nous avons des martyrs et défendons des principes nationaux avant qu'ils ne soient partisans. Toute la question de la souveraineté et de l'indépendance du pays est au cœur de la liste de principes soumise par les Kataëb et que Sleiman Frangié doit soutenir pour qu'il décroche notre soutien. Il est improbable qu'il s'y engage. Nous comptons également sur la position éventuelle du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, pour mettre en avant l'opposition totale des chrétiens à la candidature envisagée. Les Kataëb et les FL constituent un front commun qui défend une vision commune des valeurs de la République libanaise.
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commentaires (17)
Espérons que ça lui passera, parce qu’avec "l'ambiance Phalange" autour c'est pas évident !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
10 h 32, le 06 décembre 2015