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Nos Lecteurs ont la Parole - Kamal GUERROUA

Palestine trahie

Le drame de la Palestine est une longue histoire de trahisons. D'abord, de la part de ces Arabes qui se projettent toujours en victimes de l'autre, c'est-à-dire de cet Occident-fantôme qui est, selon eux, derrière le tout et le rien de leurs malheurs, au lieu d'affronter la réalité de leurs multiples défaites quotidiennes : sociale, politique, économique, sécuritaire, démocratique, etc. S'il l'on demande par exemple à un vieux Palestinien, âgé aujourd'hui de 70 ans, pourquoi ce conflit dure encore jusqu'à nos jours sans aucun espoir de dénouement, il nous répondra sans doute que c'est justement à cause de ces régimes arabes qui ne savent plus comment réagir, qui s'entre-tuent sans répit, qui alimentent à qui mieux mieux du carburant de la jalousie les sources de la discorde, qui cherchent plutôt à provoquer des divisions entre eux qu'à entretenir une quelconque union, qui s'allient avec un ennemi pour battre un frère plutôt qu'avec ce dernier pour vaincre le premier, qui ne donnent guère de liberté à leurs peuples, sinon achètent même des armes sophistiquées à coups de milliards de dollars rien que pour mater leurs révoltes légitimes, qui pillent leurs richesses, bafouent leur dignité, annihilent toute verve de patriotisme qui puisse encore les habiter ; régimes à la tête desquels des chefs séniles et névrosés se sacrifient corps et âme pour le trône et la dictature plutôt que pour leurs terres et leur honneur, qui, qui et encore qui... !
La liste est aussi longue que celle, bien pire d'ailleurs, de leur trahison de la cause palestinienne. Et si les sionistes en profitent, tant mieux pour eux ! Le défaut de mon ennemi serait un avantage pour moi. C'est la règle de la stratégie militaire, la loi de la guerre, la ruse de l'histoire, la ligne éditoriale de la philosophie de Machiavel ! Netanyahu l'aura bien compris et l'applique bien sûr actuellement comme ses prédécesseurs l'ont fait sur le terrain. Une simple agression à coups de couteau d'un colon usurpateur par un jeune Palestinien, fait divers sordide s'il en est, aura suffi pour soulever le courroux et les tempêtes à Tel-Aviv ! Et c'est à l'artillerie médiatique de continuer ce travail de sape. Et s'il y a parfois quelques voix contestataires qui émergent pour dire non à ce conformisme antipalestinien ambiant, comme Amira Hass, cette journaliste juive israélienne qui, dans une tribune publiée dans le journal israélien Haaretz et reprise par le journal L'Humanité, a reconnu l'injustice de la politique des colonies, affirmant que les Palestiniens se battaient pour vivre et les Israéliens pour l'occupation, elles seraient vite étouffées. Le combat pour la survie, voilà le destin d'un Palestinien face à l'armée de Tsahal.
En effet, un enfant palestinien dans les territoires occupés ne range dans le musée de son imaginaire qu'un catalogue d'images de sang, de guerre, de pierres, de voitures cramées, de colons qui s'approprient indûment les parcelles de terrain de ses aïeux en en expulsant les vrais propriétaires... Il rêve d'un État, son État qui n'a jamais « existé » (il n'a pas été accepté par les autres nations) et qui ne le sera peut-être jamais ! Il n'a profité de rien pendant son enfance, rien ! Ce pauvre enfant de la « hidjara » (la pierre) !
Que des images, devenues le rituel obsessionnel de toutes les caméras du monde, de soldats qui lynchent un voisin, humilient une vieille, tuent un bébé, violent une femme qui n'est peut-être autre que sa mère, sa sœur, sa voisine ou une proche parente, détruisent des pâtés de maisons avec des bulldozers ou des avions. À côté de ces clichés photographiques gris et macabres s'alignent, ironie du sort, des séries d'autres images, autrement plus pénibles, voire odieuses, que les premières, d'émirs du Golfe entourés de leurs amazones préférées, vautrés sur leurs fauteuils de luxe, couverts et enturbannés de djellabas d'un blanc immaculé qui ne laissent guère de place ni à la boue ni à la saleté... ni à la misère. Des émirs qui portent de surcroît une paires de moustaches, soi-disant en signe d'une virilité orientale millénaire. Sultans campés derrière leurs gynécées dont les pays ont, bien évidemment, tous accepté d'installer des bases militaires américaines sur leur sol. Car ils sont les amis indéfectibles de l'Oncle Sam, l'hyperpuissance planétaire, premier soutien du régime sioniste dans sa guerre d'usure et d'extermination contre le peuple palestinien.
Si l'Unicef veut réaliser des reportages sur l'enfance, qu'elle aille à Jérusalem, à Haïfa et en Cisjordanie, ou simplement dans un camp de réfugiés au Liban, il y aurait sûrement matière à investigation. Pendant cinq décennies, les enfants palestiniens subissent les mêmes atrocités : une humiliation, la pire qui soit, pour la dignité du genre humain. Et puis, qu'est-ce qu'une intifada – cette pauvre révolte de pierres – peut contre des missiles, des chars, des blindés, des avions, des mitraillettes et que sais-je encore ? Rien, absolument rien !
Israël est la première puissance militaire au Moyen-Orient, elle possède l'arme nucléaire et refuse de signer le traité international sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) alors que sa diplomatie s'efforce depuis belle lurette de convaincre la communauté internationale d'obliger l'Iran à arrêter ses activités d'enrichissement d'uranium ! Quelle drôle d'histoire ! Tous ses voisins sont des États faibles, à commencer par la Syrie, enjeu de lutte d'influence planétaire, entre les crocs de Daech, Assad, les Russes, les Américains, la Turquie, les Saoudiens et les bailleurs de fonds du Qatar. L'Irak, un semblant d'État, épuisé par des décennies d'embargo économique sous le dictateur Saddam, par l'occupation illégitime des Américo-Britanniques après 2003 et aujourd'hui même par ses divisions confessionnelles. L'Égypte, un pays déclassé de sa place stratégique au Moyen-Orient et ramené au sous-développement économique sous les effets conjoints de la dictature et de l'islamisme. Le Liban, pauvre Liban ! Pays de la culture et des savants encore mal guéri de ses 15 ans de guerre civile (1975-1990), et surtout de la contagion néfaste des troubles régionaux !
Et puis, dernièrement, ce conflit israélo-palestinien est voilé par l'hécatombe syrienne. La mort s'est banalisée dans le monde arabo-musulman au point que l'on en dresse des hiérarchies entre les tragédies. Côte à côte avec cette trahison arabe, on trouve celle de l'Occident ! Mais pourquoi ? Je dis personnellement Occident parce qu'aux origines de cet égarement des Palestiniens depuis la moitié du XXe siècle, la main anglaise et française (Sykes-Picot de 1916, Balfour de 1917, puis le projet de partition de 1947 qui n'a pas pris en compte les spécificités culturelles, civilisationnelles et historiques de la Palestine en particulier et de la région en général, etc.), ensuite celle des Américains. Exactement comme l'imbroglio vietnamien où l'on a vu la succession (renvoi d'ascenseur s'entend) entre les Français et les Américains au lendemain de la défaite française à la bataille historique de Diên Biên Phu en 1954.
De tout temps, l'impérialisme occidental a fonctionné par intérêt géostratégique et par étapes successives. Si par exemple les Israéliens s'étaient installés en Palestine après le retrait britannique en 1948, c'est parce qu'ils dérangeaient trop en Europe de l'Est et en plein cœur des métropoles des puissances occidentales. Contrairement aux Séfarades (les juifs du Maghreb et de l'Afrique du Nord en général), les Askhénazes (les juifs d'Europe) appartenaient à une classe lettrée qui s'est vite infiltrée dans le monde de la finance, les banques, les affaires, l'engagement syndical, le prolétariat urbain, etc. Elle a aspiré, en plus, aux premières loges des centres de décision sur les traces du fondateur du sionisme moderne, le laïc athée Théodore Herzel (1860-1904).
S'ajoute à cet actif intellectuel avant-gardiste de l'élite juive prosioniste le capital émotionnel généré quelques années plus tard, soit durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), par les pogroms, les holocaustes, les fours crématoires et la fameuse Shoah pratiqués par l'Allemagne nazie d'Adolf Hitler ! D'ailleurs, la République fédérale allemande (RFA), représentée d'abord par Konrad Adenauer (1876-1967), le chancelier allemand dans les années 1950, puis par son successeur Ludwig Erhard (1897-1977), a payé à l'État sioniste presque 3 milliards de marks entre les années 1950 et 1960 en termes de réparation morale et matérielle des crimes innommables commis par le régime nazi contre les juifs (à peine 15 000 juifs ont survécu en Allemagne alors que plus de 200 000 autres étaient tués). Cet élan mémoriel solidaire a eu lieu suite aux énormes pressions de la diaspora juive prosioniste établie partout dans le monde. Celle-ci a fait de la collecte annuelle de fonds au profit du gouvernement de Tel-Aviv un devoir communautaire de premier ordre. Or les pauvres Palestiniens étaient depuis 1948 déçus par ces Arabes qui se réunissent à huis clos pour sortir enfin de leurs conseils une banale décision, celle de « dénoncer » ! Et aussi par les multiples guerres infructueuses (1967, 1973, etc.) et ce fameux traité d'Oslo en 1993 qui ne leur ont apporté que des petites misères supplémentaires. Tous ces ingrédients empoisonnés se ramènent, comble d'histoire, à la sauce belliqueuse entre le Fateh et le Hamas. Et aux déchirements internes qui n'en finissent pas. Enfin, cette Palestine, tirée vers le bas pendant plus d'un demi-siècle par cette communauté internationale factice, devrait aujourd'hui recouvrer ses pleins droits, plutôt son « droit de vie » en tant qu'État indépendant reconnu par les traités de l'Onu et par l'ensemble des nations du monde.

Le drame de la Palestine est une longue histoire de trahisons. D'abord, de la part de ces Arabes qui se projettent toujours en victimes de l'autre, c'est-à-dire de cet Occident-fantôme qui est, selon eux, derrière le tout et le rien de leurs malheurs, au lieu d'affronter la réalité de leurs multiples défaites quotidiennes : sociale, politique, économique, sécuritaire, démocratique, etc....

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