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Moyen Orient et Monde - Le commentaire

L’Enfer, ce n’est pas (que) les Autres

Monsu Desiderio: « Les Enfers », 1622, musée des Beaux-Arts, Besançon.

Il y aurait eux et nous. Eux, les fous de Dieu, les barbares, les drogués. Nous, les laïcs, les défenseurs de la liberté, les civilisés. Eux s'en prennent à nos valeurs. Alors, nous, nous leur faisons la guerre.
Depuis les attentats de Paris, le discours dominant est binaire, simpliste et, à bien des égards, hypocrite. Le monde entier pointe le « monstre » du doigt, mais lève les yeux au ciel au moment d'en assumer la paternité. Tous se comportent comme si l'État islamique (EI) venait d'une autre époque ou d'une autre planète. Comme si son discours, ses méthodes et son succès étaient complètement étrangers à ce monde. Comme s'il possédait le monopole de la violence débridée, de l'idéologie politico-religieuse et de la haine de l'Autre.

Pourtant, le groupe jihadiste n'est pas né ex-nihilo. Il ne vient pas non plus d'un autre temps. Il est une pathologie de ce monde au moins autant qu'il est une pathologie de l'islam.
Le groupe jihadiste n'est pas, non plus, né sous X. Il peut même se targuer d'avoir une multitude de géniteurs.
Il est, avant toute chose, le résultat de la désastreuse « guerre contre le terrorisme » lancée par George W. Bush au lendemain des attentats du 11-Septembre. Les interventions américaines en Afghanistan et en Irak ont alimenté le terrorisme et lui ont permis de se développer dans plusieurs foyers géographiques. Non seulement les États-Unis n'ont pas réussi à éradiquer el-Qaëda, en témoigne l'attentat contre Charlie Hebdo en janvier dernier – revendiqué par la branche d'el-Qaëda dans la péninsule arabique (AQPA) –, mais ils sont responsables du chaos qui a accouché d'el-Qaëda en Irak. L'EI est un enfant de la Qaëda d'Oussama Ben Laden et de l'Irak de Saddam Hussein.

L'EI est ensuite le résultat des politiques répressives et discriminatoires à l'égard des sunnites menées par l'ex-Premier ministre irakien Nouri al-Maliki. Mais si le groupe jihadiste est né et a grandi en Irak, c'est à la faveur du chaos syrien qu'il a pu atteindre l'âge adulte. En Irak, comme en Syrie, l'EI a profité du vide politique créé par la brutalité des régimes en place et alimenté par les puissances extérieures, pour s'autoproclamer défenseur des sunnites. La conquête de ce territoire à cheval entre les deux pays, grand comme la Grande-Bretagne, a fait de l'organisation terroriste un véritable proto-État, avec peuple, structures et ressources.
L'EI est, enfin, le résultat de la guerre froide que se livrent, depuis 35 ans, les deux régimes théocratiques du golfe Arabo-Persique : l'Iran et l'Arabie saoudite. Leurs guerres par procuration, en Syrie, en Irak, au Yémen, au Bahreïn et au Liban, mais aussi leur volonté d'exporter leurs idéologies politico-religieuses dans l'ensemble du monde musulman, ont fortement contribué à favoriser l'émergence du groupe jihadiste. L'EI est la réponse sunnite au modèle iranien de wilayet-el faqih et la version la plus radicale du wahhabisme saoudien.

L'impérialisme américain, l'autoritarisme baassiste et le « théocratisme islamique » forment le triangle infernal au sein duquel l'EI a pu se développer, au point de devenir l'organisation terroriste la plus puissante du monde.
L'EI est une entité protéiforme qui ressemble à la fois à un réseau terroriste, à une multinationale de la violence et à un proto-État. C'est pourquoi il est aussi difficile de l'affaiblir. L'organisation jihadiste a une stratégie, qu'elle met au service de son idéologie eschatologique : déclarer la guerre au monde entier et semer le chaos à l'intérieur des sociétés de ses ennemis. Des sociétés que le groupe connaît parfaitement puisqu'une grande partie de ses membres en sont originaires.

L'EI est un phénomène mondial qui fait peser une menace constante et globale. Mais le monde n'est pas à la hauteur de cette menace. Les grands États sont incapables d'élaborer une stratégie commune et innovante, qui ne soit pas seulement une répétition des erreurs passées. Pire, ils renforcent l'organisation en continuant de jouer avec le feu. Les Russes et le régime syrien bombardent les rebelles syriens. Les Turcs bombardent les Kurdes. Les Saoudiens bombardent les houthis au Yémen... et les Américains n'ont aucune intention de réparer les dommages qu'ils ont causés. Hormis la France, tous les acteurs qui combattent actuellement l'EI ont un intérêt, au moins provisoire, à ce que l'organisation ne disparaisse pas, même si elle constitue une menace pour chacun d'entre eux. L'EI est fort des incohérences et de la faiblesse de ses adversaires. Plus ces derniers lui déclareront la guerre, plus les chevaliers de l'apocalypse se sentiront forts et auront l'impression que le temps de l'ultime bataille est enfin arrivé. L'EI a tendu un piège au monde. Et le monde est en train de tomber dedans...

 

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Il y aurait eux et nous. Eux, les fous de Dieu, les barbares, les drogués. Nous, les laïcs, les défenseurs de la liberté, les civilisés. Eux s'en prennent à nos valeurs. Alors, nous, nous leur faisons la guerre.Depuis les attentats de Paris, le discours dominant est binaire, simpliste et, à bien des égards, hypocrite. Le monde entier pointe le « monstre » du doigt, mais lève les yeux...

commentaires (8)

CORRECTION ! MERCI : ".... les gesticulations d’un falbala Fabius à la française, qui vont...."

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

11 h 45, le 03 décembre 2015

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Commentaires (8)

  • CORRECTION ! MERCI : ".... les gesticulations d’un falbala Fabius à la française, qui vont...."

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 45, le 03 décembre 2015

  • mouais, rien n'est dit dans le Coran à ce sujet ? quit à vraiment chercher l'origine du mal, non ? car ce genre d'épisodes a déjà existé à plusieurs reprises ... le thème ayant été déjà abordé précédemment, non ? cela dédouane également les acteurs principaux de cette propagande (théoligiens et djihadistes ...). intéressant de constater que finalement jamais rien ne résoudra ce mal, y compris dans cette article ...

    Chapuis Pierre

    23 h 22, le 02 décembre 2015

  • TRÈS BON ARTICLE ! L'HYDRE EST TOUT SIMPLEMENT HARRASSÉE... PERSONNE NE VEUT DU MOINS POUR LE MOMENT LUI COUPER FUT-CE UNE TÊTE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 37, le 02 décembre 2015

  • En fait, mais qu’est-ce qu’il lui a pris au François avec cette ineptie plus que ridicule ? S'il l’avait bouclée, il s’en serait sorti. Il voulait à tout prix faire de l’esbroufe pour prouver que la fatuité pouvait racheter la niaiserie. "Nous sommes en guerre", a-t-il cru bon de claironner ! Soit. Et, soit c’est vrai c’est un "parfait" Niais, soit ces ceintures explosives l’ont vraiment ébranlé ! De cette façon, il ressemblera à tous ces dirigeants du monde qui depuis bientôt cinq années ne font que fermer les yeux devant tous ces massacres que cet aSSadiot est en train de still perpétrer !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    20 h 03, le 01 décembre 2015

  • Tandis que l’aSSadique persévère dans sa guerre contre la population et que + de 250 000 Syriens sont déjà morts sous ses barils d’explosifs, ces chefs du monde tergiversent encore et hésitent entre ne Rien faire pour le contrer, ou leur appui au Nain sibérien et aux Per(s)cés pour sauvagement massacrer, sous leurs yeux, encore + de civils syriens désemparés. L'honneur a déserté ; par la peur remplacé ! Et ce François censé aider les Sains syriens, choisit de faire la guerre aux ennemis du bääSSyrien aSSadiot, ou laisse le gnome poutinien l’aider à ce bääSSdiot pour qu'il en finisse avec une Printanière qui, par son endurance et sa prouesse, lui cassait les pieds + qu'elle ne le faisait vibrer. Après cinq années de morbides et niaises postures » ne servant à Rien, les platitudes mondiales longtemps la gueule fermée se sont mises toutes à réclamer, comme notre François, la Guerre ! Non, bien sûr, contre ce bäässyriaNique, mais contre ses ennemis ; n’est-ce pas ; "Takfiristes" ! Avec la bénédiction des mollâhs Per(s)cés et de leur héZébbb libanais(h), et sous la conDuite aSSaSSine du Nabot KGBiste Mongolo-sibérien poststalinien. Si cette sale politique persiste, tout ce Bas "monde" sera lui aussi englouti. En ré-oxygénant un tel (c)hébél-lionceau tyranneau moribond, ces platitudes mondiales ont complètement oublié le sens du mot liberté. Et, ce ne sont pas les gesticulations d’un falbala à la française, qui vont faire changer l’avis des Sains syriens à son sujet !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    19 h 53, le 01 décembre 2015

  • Oui, hors mis la France s'il n'y avait pas eu les attentats du 13 novembre...Mais cela va se calmer, la France n'ira pas seule dans le pays du Mordor. Vous avez dit Mordor? Oui, l'on se croit en plein seigneur des Anneaux: le mal contre le bien (ou inversement). Mais ce n'est que grâce à la terre du milieu que le mal a perdu (et non pas que le bien a trimophé). Et dans ce conflit, où est donc cette terre du milieu?

    PPZZ58

    19 h 44, le 01 décembre 2015

  • "L'EI est un enfant de la Qaëda d'Oussama Ben Laden et de l'Irak de Saddam Hussein.". Et de l'Irak du chïïtique Noûrî al Mâlikî aussi !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    17 h 31, le 01 décembre 2015

  • Excellent article...a ajouter que l EI joue des reseaux sociaux du XXI eme siecle et de l attrait pour les films d horreurs americains chez la jeunesse,aussi de l echec de l integration en FRANCE .

    HABIBI FRANCAIS

    12 h 30, le 01 décembre 2015

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