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Moyen Orient et Monde - Interview express

« Pour les pays arabes, ce genre de sommet, c’est des vacances »

Depuis hier, plus de 150 dirigeants du monde entier sont réunis à Paris pour la COP21, appelant à lutter contre le changement climatique. Et plus que jamais, les divisions entre pays riches et pays émergents paraissent difficiles à surmonter, sinon impossibles. Mais qu'en est-il des pays membres de la Ligue arabe ? Car là aussi le fossé se creuse, notamment entre les riches monarchies pétrolières du Golfe et les autres, préoccupés par la pauvreté, les conflits ou des problèmes sécuritaires majeurs. Ce sont ces mêmes autres pays qui subissent les conséquences environnementales de l'irresponsabilité écologique de leurs voisins, bien qu'eux-mêmes ne soient pas exempts de tout reproche. Pourtant, l'engagement environnemental de certains pays remonte à loin. Lorsqu'une première étude a été effectuée en 1998 par le CNRS français et les universités libanaises privées (AUB et USJ) sur les problèmes du changement climatique, l'experte libanaise en environnement Fifi Kallab a fait partie de ceux chargés de l'étude en question. Son rôle était d'évaluer l'impact socio-économique du changement climatique sur le Liban, jusqu'en 2080. Aujourd'hui, elle déplore un manque de réactivité accablant, au Liban comme dans le reste de la région, malgré les avertissements répétés.

1. Pourquoi les pays arabes devraient-ils se sentir concernés par la COP21 ?
Il est nécessaire déjà de séparer les pays arabes en deux catégories : les producteurs de pétrole, qui polluent, comme les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), soit l'Arabie saoudite, le Qatar, etc. Et il y a ceux qui endurent les pollutions extérieures, comme le Liban, la Jordanie... Ces pays ne polluent que de manière minime, comparés aux autres. Tous les pays de la région sont concernés. Notre grand problème n'est pas ce qu'on produit, mais ce qu'on subit. Par exemple, le Liban était couvert d'arbres sur 23 % de sa superficie ; aujourd'hui, il ne l'est que sur 11 % à peine.

 

(Lire aussi : La « marche pour le climat » à Beyrouth, pour sensibiliser les Libanais)

 

2. Quelles conséquences donc pour la région, pour les populations ?
Commençons par le Liban. Les populations du sud du pays et de la région du Koura sont celles avec le taux de cancer le plus élevé. Le Koura notamment a le plus d'usines de cimenteries. La pollution n'a pas de frontières. À part le Liban, toute la région serait affectée, ses populations aussi, de toute évidence. Parmi les conséquences majeures :
– Importante pénurie d'eau.
– De moins en moins de poissons.
– Montée des eaux : les littoraux n'échapperont pas à une montée de 95 cm à 1 mètre du niveau de la mer ; certaines zones seront donc immergées.
– Déplacements de populations vers des localités non adéquates pour les recevoir : cela donnera lieu à des ghettoïsations.
– Création de nouveaux conflits entre les pays qui se disputeront surtout les puits artésiens : l'or bleu deviendra un enjeu majeur.
– Augmentation de 2 degrés au moins de la température près du littoral (jusqu'à 200 mètres).
– Donc toutes les plantations du littoral devront être transplantées vers des hauteurs de plus de 200 mètres.
– Manque d'irrigation, donc installation de pompes ; nécessitant plus de coûts, l'agriculture deviendra moins rentable. Certaines cultures devront changer.
– Famines/pénuries de denrées alimentaires (dans certains pays comme le Soudan, qui connaissent déjà de grandes difficultés en termes de cultures).
– Augmentation des tempêtes de poussière/sable : les personnes vulnérables seront touchées ; il y aura plus d'hospitalisation, et donc une augmentation des frais médicaux.

 

(Lire aussi : Le dérèglement climatique, facteur d'aggravation des conflits)

 

3. Comment les pays arabes pourraient-ils alors peser sur les négociations à Paris pour donner lieu à un accord contraignant ?
Par le vote. Les pays arabes envoient des Premiers ministres, des diplomates, etc. Mais le changement climatique n'est pas seulement un problème environnemental, il est également un problème de droits, de législation. Il est impératif que des avocats soient présents. Les délégations envoyées par les membres de la Ligue arabe devraient être pluridisciplinaires, et pas seulement politiques. Elles ne sont même pas formées. Seules quelques personnes, dont des journalistes, connaissent bien le dossier, mais les experts environnementaux ne sont pas sollicités. Ce genre de sommet est une promenade pour les pays arabes, ce sont des vacances. Ils ne vont pas réellement combattre pour le changement climatique. D'ailleurs, l'Arabie saoudite, le Qatar et tous les pays producteurs de pétrole travaillent contre un accord quelconque, ne pensent qu'à leurs intérêts immédiats. Je ne suis d'ailleurs pas très optimiste.

 

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Depuis hier, plus de 150 dirigeants du monde entier sont réunis à Paris pour la COP21, appelant à lutter contre le changement climatique. Et plus que jamais, les divisions entre pays riches et pays émergents paraissent difficiles à surmonter, sinon impossibles. Mais qu'en est-il des pays membres de la Ligue arabe ? Car là aussi le fossé se creuse, notamment entre les riches monarchies...

commentaires (4)

UNE DOUZAINE DE PAYS POLLUENT TOUTE LA PLANÈTE... CE SONT DES PAYS INDUSTRIALISÉS ET PARTANT RICHES ET QUI PEUVENT SE PERMETTRE DES DÉPENSES POUR ALLER À L'ÉNERGIE PROPRE...

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 30, le 01 décembre 2015

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Commentaires (4)

  • UNE DOUZAINE DE PAYS POLLUENT TOUTE LA PLANÈTE... CE SONT DES PAYS INDUSTRIALISÉS ET PARTANT RICHES ET QUI PEUVENT SE PERMETTRE DES DÉPENSES POUR ALLER À L'ÉNERGIE PROPRE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 30, le 01 décembre 2015

  • ET POUR LES PAYS NON ARABIES ETATS UNIS ET CHINE EN TETE PRINCIPAUX POLLUEURS DE LA PLANETE, DES SOMMETS DU PHARISAISME ET DE L'HYPOCRISIE?

    Henrik Yowakim

    17 h 05, le 01 décembre 2015

  • Le titre de l'article est une honte pour les pays arabes renvoyés à l'inconscience............

    Beauchard Jacques

    11 h 26, le 01 décembre 2015

  • Le dernier paragraphe est clair:"...ce genre de sommet est une promenade pour les pays arabes, etc..." C'est cela leur mentalité, malheureusement: faire acte de présence pour donner une bonne impression à tous les autres chefs d'Etats présents. Beaucoup de palabres sans grande importance concernant l'environnement ! Ils en profiteront surtout pour conclure quantité d'autres affaires bien plus importantes à leurs yeux que le changement climatique. Quant au Liban...maintenant que les militaires sont libérés...qui le représente ??? Pauvre Liban ! Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 58, le 01 décembre 2015

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