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Santé

Les maladies tropicales négligées : fléau des populations marginalisées

Carolyn Woo est présidente et PDG de l’association Catholic Relief Services.

En visite officielle aux États-Unis au mois de septembre, le pape François a prononcé un discours historique devant le Congrès américain et l'Assemblée générale des Nations unies. Dans la lignée de son encyclique intitulée « Laudato Si' », le pape a mis l'accent sur la responsabilité de la communauté internationale à réagir face aux souffrances humaines, comme celles que subissent les réfugiés et les personnes vivant dans l'extrême pauvreté. Il a appelé à une solidarité mondiale afin que puissent être surmontées l'exclusion et les inégalités sociales.
Les prières du pape devraient nous pousser à accorder une plus grande attention à tous les aspects de la souffrance humaine, notamment à celle qui affecte les personnes les plus marginalisées. Au nombre de ces causes de souffrance figurent les maladies tropicales négligées (MTN). Cette catégorie d'infections parasitaires et connexes – qui englobe la filariose lymphatique (ou éléphantiasis), les vers intestinaux et la schistosomiase – constitue un véritable fléau lié à la pauvreté. Ces maladies frappent environ 1,4 milliard de personnes chaque année, dont plus de 500 millions d'enfants, entraînant des douleurs et des souffrances indicibles, et contribuant – en raison de la perte de productivité – à alimenter le cercle vicieux de la pauvreté.
Au cours des dix dernières années, la communauté internationale a accompli des avancées importantes dans la lutte contre les MTN. La générosité de plusieurs grandes sociétés pharmaceutiques, qui fournissent gratuitement certains médicaments, a notamment permis de développer un certain nombre de programmes de traitement.
Malheureusement, malgré les signes encourageants de progrès, à peine 40 % des individus exposés à ces maladies évitables bénéficient des médicaments nécessaires. Plus d'un milliard de personnes n'ont toujours pas accès aux traitements pour des maladies potentiellement handicapantes, sachant que ces traitements coûtent moins de 0,50 dollar par personne. Il ne s'agit pas uniquement d'un sérieux problème médical, mais d'un problème majeur du point de vue moral et auquel sont confrontés tous ceux qui, d'entre nous, travaillent chaque jour aux côtés des plus démunis.
Si la communauté internationale échoue à résoudre le problème, c'est pour une raison aussi simple qu'inacceptable : les MTN frappent principalement les individus les plus pauvres et les plus ignorés. Comme l'a fait valoir le pape François dans « Laudato Si' », « nous n'avons pas suffisamment conscience des problèmes qui affectent particulièrement les exclus ». En effet, « ils sont mentionnés dans les débats politiques et économiques internationaux, mais on a l'impression que leurs problèmes sont évoqués après coup ».
La visite historique du pape aux États-Unis a eu lieu à une période charnière. Le Congrès finalisait alors ses lois budgétaires pour l'année 2016, tandis que les Nations unies achevaient leurs travaux relatifs aux Objectifs de développement durable (ODD), qui guideront les politiques de développement pour les quinze prochaines années. Ces deux institutions ont ainsi tout intérêt à tenir compte des déclarations du souverain pontife.
Il est indispensable que les États-Unis continuent d'œuvrer en première ligne face aux MTN, en maintenant dans leur budget fédéral le financement des programmes de traitement, pour cette année et celles qui suivent. Comme l'a rappelé le pape François devant le Congrès : « Que de choses accomplies durant ces premières années du troisième millénaire pour sortir les peuples de l'extrême pauvreté ! Je sais que vous partagez ma conviction que beaucoup reste encore à faire et qu'en temps de crise et de difficultés économiques, l'esprit de solidarité globale ne doit pas se perdre. »
Sur le plan international, nous sommes encouragés par le fait que les membres de l'Onu aient eu l'intelligence de mettre la lutte contre les MTN sur la liste des priorités de leur agenda de développement post-2015. Un indicateur mondial relatif aux MTN – à savoir le « nombre des individus ayant nécessité une intervention face à une maladie tropicale négligée » – a notamment été intégré dans le cadre de suivi des ODD. Cela aidera à garantir qu'au cours des quinze prochaines années, on accordera aux MTN l'attention qu'elles méritent.
L'une des mesures les plus basiques qui doit être menée pour remédier à ce que le pape François a qualifié de « mondialisation de l'indifférence » consiste à s'unir en faveur d'une lutte décisive et mesurable contre les MTN. L'introduction d'un indicateur de mesure global, permettant de marquer nos avancées pour le contrôle et l'élimination de ces maladies, constitue une démonstration réelle de notre solidarité avec les plus pauvres.
Dans son discours devant l'Assemblée générale des Nations unies, le pape François nous a rappelé un point crucial : « Avant et au-delà de nos plans et programmes, il s'agit de femmes et d'hommes réels, qui vivent, luttent et souffrent, et qui bien souvent se voient obligés de vivre dans la misère, privés de tous les droits. » Dans un contexte de progrès technologiques multiples et de donations sans précédent de la part du secteur privé, si nous ne parvenons pas à améliorer le sort des plus démunis, à raison de quelques centimes par individu, comment pouvons-nous espérer surmonter les défis les plus difficiles et les plus coûteux auxquels nous sommes confrontés en matière de santé et de développement ?

© Project Syndicate 2015. Traduit de l'anglais par Martin Morel.

En visite officielle aux États-Unis au mois de septembre, le pape François a prononcé un discours historique devant le Congrès américain et l'Assemblée générale des Nations unies. Dans la lignée de son encyclique intitulée « Laudato Si' », le pape a mis l'accent sur la responsabilité de la communauté internationale à réagir face aux souffrances humaines, comme celles que...

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