Depuis vendredi, le Liban vit au rythme des rumeurs et informations circulant autour de l'éventuelle libération des militaires otages du Front al-Nosra.
À l'heure de mettre sous presse, les 16 militaires, otages depuis près d'un an et quatre mois, étaient toujours aux mains des islamistes qui semblaient vouloir faire monter les enchères.
Mais nous voulons voir dans l'annulation par le Premier ministre Tammam Salam de son voyage prévu à Paris « pour suivre les développements de l'affaire », un signe d'espoir.
Nous voulons croire que dans les heures à venir, prendra fin le cauchemar des proches des otages qui, depuis août 2014, mènent une vie sinusoïdale, de montée d'espoir en profond abattement, ballotés entre les rumeurs véhiculées par des médias, les déclarations des autorités et les revendications des kidnappeurs.
Nous voulons croire que, bientôt, ces hommes chargés de défendre le pays tomberont dans les bras d'une épouse, d'une mère, d'un père, embrasseront, peut-être pour la première fois, un fils, une fille.
Aujourd'hui, nous espérons que l'angoisse vécue par les proches ne soit plus qu'un mauvais souvenir.
Pour quelques proches du moins. Car elle devrait continuer pour les parents des militaires aux mains du groupe État islamique, avec qui le canal de discussion semble fermé depuis un moment déjà. Il ne faut pas oublier ces otages-là. Il ne faut pas « s'habituer » à la situation.
Il ne faut ni s'habituer ni oublier une autre crise. Car au Liban, des millions de personnes sont, en quelque sorte, aussi des otages. Pas d'un groupe armé, extrémiste, terroriste, mais d'un pouvoir politique et de sa faillite.
Depuis le 17 juillet 2015 (quatre mois et deux semaines), des millions de Libanais sont otages de la crise des déchets. Contraints de subir l'incapacité de l'actuel gouvernement et de ses prédécesseurs à prévenir la crise, puis, une fois au pied du mur nauséabond d'ordures, à y trouver une solution et à la mettre en œuvre.
Depuis des années, les Libanais sont otages d'un système bloqué, résultat d'une funeste division politique sur des lignes communautaires qui exclut toute alternance et érige une union nationale qui n'en a que le nom en nécessité absolue.
Depuis le 31 mai 2013 (deux ans et six mois), et la première autoprorogation du Parlement, des millions de Libanais sont privés de leur liberté de choisir leurs élus. Le 5 novembre 2014, les députés ont voté une nouvelle prolongation de leur mandat de deux ans et sept mois.
Depuis le 25 mai 2014 (un an et six mois), des millions de Libanais voient la présidence être marchandée dans leur dos.
Depuis toujours, des milliers de Libanaises sont otages d'un système archaïque et inégalitaire qui ne leur permet pas de transmettre la nationalité à leurs enfants.
Depuis des années, des millions de Libanais sont privés d'un accès décent à l'eau et à l'électricité...
Par quoi passe la libération de ces otages-là ?
Otages
OLJ / Par Émilie SUEUR, le 30 novembre 2015 à 00h00
commentaires (4)
Parlez-vous aux temps des empires des Incas, des Aztèques ou des Libanais et du Liban ? Sommes-nous au XIIIème ou au XXème siècle ?
Un Libanais
16 h 18, le 30 novembre 2015