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Liban - Réfugiés syriens

Un aller simple pour la Turquie depuis le port de Tripoli, avec l’Europe au bout du rêve

C'est par centaines que les réfugiés syriens embarquent tous les jours sur des ferry-boats en partance pour la Turquie, depuis le port de Tripoli. Ces départs se déroulent dans la légalité, sous le contrôle de la Sûreté générale. Mais une fois arrivés en Turquie, c'est par des filières illégales qu'ils tentent de rejoindre l'Europe.

L’attente au port.

La zone réservée aux voyageurs est bondée de familles nombreuses, des jeunes, même des femmes seules, en partance pour la Turquie. La scène se déroule au port de Tripoli, un jour comme un autre de ce mois de novembre. Il fait beau, chaud même. Par centaines, les candidats au voyage affluent, dans des bus et des vans immatriculés à Homs, Hama ou ailleurs, débordant jusque sur les toits de bagages, de sacs, de couvertures. D'ici à quelques heures, ils prendront le ferry à trois étages, déjà amarré à quai entre deux navires commerciaux, qui les emmènera vers le port turc de Mersin. Munis de leurs passeports, ils se plient aux formalités de départ auprès du poste de la Sûreté générale. Des formalités simples et rapides, s'ils sont en règle auprès des autorités libanaises, les Syriens n'ayant pas besoin de visa pour la Turquie, pas plus que les Libanais. L'attente est fébrile, mais ils patientent comme ils peuvent, sirotant un jus, pianotant sur leurs smartphones ou bavardant avec leurs proches, l'œil sur leurs bagages.

Le silence est d'or
Le tableau n'a plus rien d'étonnant. Il se déroule au quotidien depuis la crise syrienne. Et ne fait que confirmer les propos du commissaire à l'Élargissement de l'Union européenne, Johannes Hahn, qui avait estimé en septembre dernier que la prochaine grande vague de migrants en Europe pourrait venir du Liban. Car ces migrants, syriens pour la plupart, libanais pour une poignée d'entre eux, visent l'Europe sans aucun doute. À l'issue de ce voyage organisé en toute légalité, c'est par des filières illégales qu'ils envisagent de gagner l'Allemagne, la Norvège ou d'autres pays susceptibles de les accueillir.

« Durant les trois mois d'été, la demande a frisé l'hystérie. Les voyageurs affluaient par milliers. Il fallait organiser plusieurs voyages par jour sur des bateaux d'une capacité de 1 300 personnes », raconte le capitaine Ziyad Naboulsi, représentant l'agence de voyages Altair. Aujourd'hui, si la demande s'est calmée, elle n'en reste pas moins quotidienne. Plusieurs entreprises concurrentes continuent d'effectuer la navette entre le Liban et la Turquie, transportant chaque fois entre 300 et 450 personnes. « Mais avec l'approche de l'hiver, nous envisageons de baisser nos prix, car le nombre de voyageurs diminuera forcément », assure le capitaine. Ce sont les seuls chiffres que nous obtiendrons, la réponse de la SG se faisant toujours attendre, plus de deux semaines après nos sollicitations.
La grande majorité des candidats au voyage est discrète sur sa destination finale. « Nous partons en visite », se contente de dire une femme d'un certain âge, coupant court aux questions. Venue tout droit de Lattaquié, du village d'Oum el-Touyour, elle compte et recompte pour la énième fois les bagages des siens et s'adresse en kurde à une jeune femme soigneusement maquillée, voilée comme elle. Sauf que partir « en visite » avec autant de bagages est pour le moins insolite. La jeune femme admet finalement : « Nous déciderons sur place quoi faire. »


(Lire aussi : Immigration clandestine : La vague de départs prend de l'ampleur au Liban)


Le silence est la règle d'or des nouveaux arrivants. « Nous venons de Tartous et partons pour Bursa, en Turquie, pour un certain temps », se contente de dire ce père de famille, fraîchement arrivé, qui ne sait encore que faire des cinq passeports qu'il tient en main. Un œil sur ses deux belles adolescentes au visage caché derrière leur voile, revêtues de manteaux islamiques, l'autre sur son petit dernier, un brin turbulent, et sur son épouse, il ne sait plus où donner de la tête. C'est bien « la première fois » qu'il quitte la Syrie. Pourquoi a-t-il quitté Tartous ? Quelle est sa destination finale ? « Je ne veux rien dire », répond-il catégorique, un brin effrayé, assurant qu'« il n'y a absolument rien à Tartous » et que « la vie y est normale ».
Debout, à côté de ses valises, une femme d'un certain âge tente de reprendre son souffle. Elle semble déjà à bout. « Le prix avancé en Syrie était différent, grogne-t-elle. À chaque étape du voyage, les prix grimpent et on nous demande davantage d'argent. C'est inadmissible ! »

Partir, quitte à mourir
Petit à petit, les langues se délient. Quatre jeunes gens d'Alep, des étudiants en économie et en mécatronique, d'une vingtaine d'années, attendent ensemble l'heure du départ. Ils n'ont emporté que le strict minimum, un sac chacun. « Pour le moment, nous partons pour la Turquie pour y tenter notre chance », concède l'un d'entre eux, prudent. Mais il finit par avouer qu'ils ont « interrompu leurs études », dans « l'espoir de rejoindre l'Allemagne ». « Cela dépendra des circonstances », dit-il.


(Pour mémoire : « J'ai entendu les miens crier durant des heures »...)


Pourquoi ont-ils choisi de partir depuis Tripoli ? « Passer par le Liban est pour nous le seul moyen de quitter la Syrie. Là-bas, pas moyen d'obtenir un visa pour l'Europe. Pas moyen non plus d'émigrer. » Le jeune homme n'en dit pas plus, probablement gêné par la présence d'éléments de la Sûreté générale et de l'armée dans le périmètre. Il ne dira pas que de nombreux jeunes Syriens partent, comme lui, rien que pour fuir le service militaire obligatoire, et l'enrôlement de force par l'armée du régime ou par les milices islamistes. Et puis, partir par Tripoli leur coûte bien moins cher que prendre l'avion. « Notre voyage à bord du ferry, nous l'avons payé 200 dollars chacun pour un aller simple », assure-t-il. La peur de l'inconnu, mais surtout les moyens d'atteindre l'Europe, ils préfèrent ne pas trop s'étendre dessus. « Ici (en Syrie), c'est la mort inévitable. Là-bas aussi, peut-être. Nous sommes prêts à prendre le risque de mourir pour partir », lance avec fatalisme un autre membre du groupe, tout sourire. Un sourire qui en dit long sur la détermination de ces jeunes célibataires à atteindre l'Europe au péril de leur vie.

La peur ? Bassel n'hésite pas à en parler. « Il est normal d'avoir peur lorsqu'on quitte son pays pour la première fois », admet cet étudiant syrien, soucieux de mettre sa mère et sa sœur à l'abri. Prudent d'abord, craignant d'être entendu, il fait part de son intention de retourner à Alep après avoir accompagné les deux femmes, pour y gérer les biens de la famille. Mais il finit par reconnaître que la vie est devenue impossible dans la ville. Que le quartier où il vit s'est vidé. Que chacun veut sauver sa peau, désormais. « Nous n'avons plus d'électricité. Nos maisons n'ont plus l'air de rien. Et c'est au quotidien que nous devons affronter les dangers », affirme-t-il.
Le jeune homme rêve tout haut de l'Allemagne, où il voudrait poursuivre ses études en génie mécanique. « Un ami s'y trouve déjà. Il a été accepté à l'université et reçoit même un salaire des autorités. » Comment compte-t-il se rendre en Allemagne ? « Depuis Mersin, nous nous rendrons à Izmir, où nous prendrons le bateau pour la Grèce », explique-t-il. Informé par des proches qui ont atteint l'Europe, Bassel semble tout savoir sur la filière qui le mènera en Grèce par mer. Une filière illégale bien sûr. Et il se contente de dire, sans le moindre état d'âme, que « les passeurs se font payer 1 300 dollars par personne ». Son rêve, il entend bien le réaliser, comme les centaines de réfugiés syriens et les quelques Libanais qui partent tous les jours depuis le port de Tripoli.

Prochain article : Les jeunes Tripolitains prêts à tout pour partir

 

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La zone réservée aux voyageurs est bondée de familles nombreuses, des jeunes, même des femmes seules, en partance pour la Turquie. La scène se déroule au port de Tripoli, un jour comme un autre de ce mois de novembre. Il fait beau, chaud même. Par centaines, les candidats au voyage affluent, dans des bus et des vans immatriculés à Homs, Hama ou ailleurs, débordant jusque sur les toits...

commentaires (2)

ET L'ABRUTISSEMENT À L'HORIZON !!!

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 53, le 30 novembre 2015

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Commentaires (2)

  • ET L'ABRUTISSEMENT À L'HORIZON !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 53, le 30 novembre 2015

  • Les turcs de merdogan ont finalement réussi a toucher le jackpot. 3 milliard d'euros pour soit disant "retenir" les refugiés sue son sol et l'ouverture du dossier adhésion turque à l'ue . Si elle n'est pas belle la vie en occicon ! je parle pour les maîtres chanteurs turques qui ont , faut le reconnaître fait le sale boulot de laisser passer les bactéries de toute part vers la Syrie du Héros Bashar .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 33, le 30 novembre 2015

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