Un sérieux coup de frein a été donné au compromis politique global prévoyant, dans un premier temps, l'élection de Sleiman Frangié à la présidence de la République. Ce coup de frein, qui n'est pas tout à fait une marche arrière, serait dû notamment à deux facteurs essentiels : la position du parti Kataëb, dont on a trop rapidement dit qu'il adhérait à ce compromis, et dont la position est apparue nettement plus nuancée ; l'existence en Arabie saoudite d'un courant hostile à une élection qui apparaîtrait comme « un cadeau à Bachar el-Assad », sans contrepartie honorable.
Il n'est toutefois pas certain que ce soit ce courant qui l'emporte. En tout état de cause, par l'intermédiaire du chargé d'affaires US Richard Jones, qui s'est rendu à Bnechii, l'ambassade des États-Unis a fait savoir qu'elle ne s'opposait pas à cette candidature.
Pour en revenir aux écueils, on assure de source bien informée que Samy Gemayel a posé comme condition pour accepter l'élection de M. Frangié un engagement écrit de ce dernier à respecter un certain nombre de constantes nationales. Ce que voyant, Waël Bou Faour, qui avait rencontré jeudi Samy Gemayel, aurait assuré que sans l'aval d'au moins une des composantes chrétiennes du 14 Mars, le PSP ne s'engagerait pas sur cette voie.
Plus généralement, on estime imprudent dans les milieux du 14 Mars de voter pour un homme tant que ce dernier ne s'est pas prononcé en public sur ce que serait sa présidence, et au moins une esquisse de programme. Ce dernier, de son côté, attend que Saad Hariri appuie officiellement sa candidature, avant de s'exprimer. En tout état de cause, et le PNL l'a exprimé en ces termes, la situation ne permet pas que l'on examine la candidature d'un homme qui serait un président de défi, et non de compromis.
C'est dans le même esprit qu'Ahmad Hariri, depuis Saïda, a affirmé devant l'association des dentistes du courant du Futur que les Libanais « n'ont plus d'autre choix que de se diriger vers un compromis courageux, pour dépasser tous les blocages ». Par courageux, M. Hariri veut dire qu'il s'accompagne de concessions réciproques. Car tout le monde ressent l'urgence de l'élection d'un président, et beaucoup plaident pour que le Liban ne perde pas une occasion rare qui se présente, dans un climat général de mobilisation contre l'extrémisme qui force les ennemis d'hier à faire front commun.
Le ministre Rachid Derbas (Affaires sociales) est l'une de ces personnalités. Interrogé hier par une radio locale, M. Derbas s'est interrogé sur ce que Saad Hariri attend encore pour annoncer publiquement qu'il endosse la candidature de M. Frangié, puisque la rencontre des deux hommes à Paris n'est plus qu'un secret de polichinelle, et que le camp du 14 Mars en a été officiellement informé.
C'est de ce camp, relève M. Derbas, que proviennent les objections les plus radicales. Toutefois, Élie Marouni relève plutôt le mutisme que continue de garder Michel Aoun au sujet de cette candidature et, à sa suite, le Hezbollah. C'est comme si chaque camp épiait l'autre, comme les observateurs.
(Lire aussi : Salam : La priorité de tout compromis doit être l'élection d'un chef de l'État)
Concrètement
Concrètement parlant, la journée d'hier a été marquée par la visite d'une délégation du parti Kataëb à Rabieh. L'entretien a été axé sur la loi électorale, qui est l'un des volets essentiels du package deal en jeu. Selon une source politique, le courant du Futur aurait exigé, en contrepartie de son appui à Sleiman Frangié, que la loi électorale de 1960 reste en vigueur, pour lui permettre de conserver sa majorité. Toutefois, le parti Kataëb estime qu'il y a d'autres moyens de parvenir à cette fin, avec une loi mixte qui serait un mélange de majoritaire et de proportionnelle. L'affaire est à suivre. De Rabieh, Salim Sayegh annonçait que son parti ambitionnait de parvenir à une loi électorale approuvée par le CPL, et que son parti allait « élargir ses consultations » à ce sujet. La visite à Bickfaya, hier, de Farid Makari entre probablement dans ce cadre, sachant que la commission parlementaire chargée d'examiner cette loi se réunit lundi.
Dans les milieux du 8 Mars, on relevait hier le mutisme observé par Michel Aoun au sujet de la candidature d'un homme qui s'est toujours prononcé pour la sienne. Et l'on estimait que la situation « n'est pas claire » et que Sleiman Frangié serait « le bienvenu » à Rabieh... s'il décide de s'y rendre. Un appel du pied rien moins que discret. À quoi tiennent les choses...
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commentaires (9)
SI... CETTE OPTION... DE L'AMI QUI RESTE L'AMI MALGRÉ LES MASSACRES DE L'AMI... SERAIT CONSIDÉRÉE POUR UNE ACCALMIE DANS LE PAYS... IL FAUT DES GARANTIES ET DES ENGAGEMENTS ÉCRITS... COMME LE DIT SAMI GÉMAYEL !!! CHANGEMENT DE BOUSSOLE... D'HORLOGE ET DE VOCABULAIRE...
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 38, le 28 novembre 2015