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Sport - Analyse

Scandales : l’intraçable ligne jaune entre pressions amicales et corruption

Pressions amicales, lobbying agressif, pots-de-vin... Large est la palette des manœuvres visant à arracher des contrats ou faire gagner des candidatures, comme le démontrent les scandales qui frappent la Fédération internationale de football (Fifa) ou la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), impliquant son nouveau président Sebastian Coe. Le héraut des JO 2012 de Londres est accusé d'avoir, alors qu'il était ambassadeur de l'équipementier américain Nike et vice-président de l'IAAF, favorisé l'attribution des Mondiaux 2021 à la ville américaine de Eugene, fief historique de la marque à la virgule, dans l'Oregon.
Ce cas typique de conflit d'intérêts est d'une banalité confondante dans le sport. Jusqu'à présent, rares étaient les observateurs à s'en émouvoir. « Il est très classique que des avantages soient donnés sans que ce soit un pot-de-vin direct », explique ainsi Pim Verschuuren, chercheur à l'Institut des relations internationales (Iris), spécialisé dans le sport. « Un pays fait comprendre à un autre, ''si vous votez pour moi, mon équipe viendra faire un match amical dans votre pays'' et générera ainsi des millions de dollars de droits télé... Ce n'est pas explicite, ce n'est pas de la corruption », poursuit-il, et c'est ainsi que se sont attribués peu ou prou tous les grands événements de l'ère moderne, valorisés par la manne des droits de retransmission.

La Suisse décisive
La donne est différente lorsque circulent les valises de billets, les rétributions sonnantes et trébuchantes, comme ce fut le cas avéré pour l'attribution par le Comité international olympique (CIO) en 1995 des JO de Salt Lake City (2002). Et comme la justice soupçonne aujourd'hui que cela s'est produit pour accorder la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. « Dans ce cas, il s'agit bien de corruption, reprend Pim Verschuuren, mais elle existe dans le sport comme dans toutes les activités transnationales. La vraie différence est que le sport ne dépend que de lui-même, n'a de compte à rendre à personne. »
Hors sol, les organisations édictent et s'appliquent leurs propres règles. « Il faudrait que le mouvement sportif accepte d'engager des réformes avec des structures indépendantes de contrôle », estime Jean-François Vilotte, avocat et consultant de l'Unesco sur l'évaluation des politiques de lutte contre le dopage. Les États, souverains dès lors que des agissements répréhensibles sont commis sur leur sol, ont, dans cette régulation, un rôle prépondérant à jouer. Au premier chef la Suisse, qui héberge la grande majorité des organisations sportives internationales à commencer par la Fifa et le CIO.
« Il y a dix ans, ce pays aurait jugé inconcevable d'arrêter des dirigeants sportifs », note M. Vilotte, qui estime les autorités helvètes « de plus en plus allantes » en la matière. Entre décembre 2014 et juin 2015, les parlementaires suisses ont établi les délits de blanchiment d'argent et de corruption pour les dirigeants sportifs, qui n'y étaient jusque-là pas soumis, ouvrant la voie à la fin de l'impunité pour un monde qui évolue en vase clos.

L'Onu dans le jeu ?
Sous pression, les organisations sportives adoptent plus ou moins prestement des règles d'éthique et de transparence. Le CIO a ouvert la voie après le scandale de Salt Lake City dans les années 2000, mais le chemin reste long. L'ONG danoise Play the Game, spécialisée dans ce domaine, a en effet attribué dans son rapport annuel 2015 sa deuxième note à la Fifa, sur près de 40 fédérations internationales auditées en matière de gouvernance. C'est dire que « beaucoup de scandales attendent d'être révélés », prédit Pim Verschuuren.
Ce dernier, comme Jean-François Vilotte et d'autres experts, estime que la régulation politique des instances sportives internationales pourrait être traitée au niveau du droit public international. « Plus le mouvement sportif tardera à donner des gages de transparence, plus les États auront la tentation de s'emparer du sujet sur le plan pénal », estime M. Vilotte, évoquant la possible intervention d'institutions telles que l'Onu ou le Conseil de l'Europe. Cela permettrait d'éviter des positions abracadabrantes, interdites au justiciable lambda comme celle défendue par Franz Beckenbauer, président du comité de candidature du Mondial 2006, qui a avoué dans une interview télévisée être « allé aux limites » mais sans corruption. Un bel exercice d'équilibriste.

Françoise CHAPTAL/AFP

Pressions amicales, lobbying agressif, pots-de-vin... Large est la palette des manœuvres visant à arracher des contrats ou faire gagner des candidatures, comme le démontrent les scandales qui frappent la Fédération internationale de football (Fifa) ou la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), impliquant son nouveau président Sebastian Coe. Le héraut des JO 2012 de Londres est...

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