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Lifestyle - Tous les chats sont gris

Quand nos cœurs faisaient boum, boum, boum

Nous nous sommes tous rêvés clones de Sophie Marceau roulant sa première pelle, un casque vissé aux oreilles d'où se déploient les notes au caramel de « Reality ». Ados, comme elle, avec un slow sirupeux et le charme des amours adolescentes, nous avons concocté nos « parties », ces boums à la façon de chez nous.

Qu'il est tenace. Obsessionnel. Il ne nous lâche pas, ce désir impérieux de revenir aux friandises de l'insouciance, à la légèreté un rien écervelée de l'adolescence. La jouissance d'un aujourd'hui régurgitant hier, ce plaisir aigre-doux d'être pris dans les filets d'une nostalgie rangée dans nos albums photos. Ces petits cercueils en carton qu'on feuillette et qui appellent les retrouvailles avec tout ce qui a été froissé, mutilé ou purement et simplement anéanti au fil du temps. Qu'est-ce qu'on retient de cette période? Qu'est-ce qui en reste, à part les souvenirs acnéiques et les cauchemars d'ardoise et doigts encrés ? Sans doute le grand air des premières fois, l'insouciance d'un baiser volé et la moiteur d'une page déchirée pleine de femmes canoniques aux seins obus et cuisses en batterie. Et puis ces rêveries de danseurs de bal qui prenaient vie en fin de semaine, sur les pistes de nos boums du samedi soir.

Passé bubble gum
Aujourd'hui, l'individualisme exacerbé des musiques électroniques et le narcissisme des réseaux sociaux ont achevé la culture des boums et de leurs slows souples comme des scoubidous. Désormais les jeunes couleur bubble gum sont devenus des adolescents pixélisés dansant seuls, blasés sur de la techno, de la house ou du hip-hop. Ligotés à leurs écrans, ils parlent en hashtags, friment en Snapchat, chantent en Dubmash et snobent du coin de l'œil le DJ et le festin commandé chez un livreur étoilé. Alors, oui, mille fois oui, on aimerait tant ressortir de la naphtaline nos parties d'antan. Voler ces moments proustiens d'entre 6 et 9 heures, parfois entre 7 et 10 heures pour ceux dont les parents sont plus laxistes. Regagner ces restos douteux ou ces hôtels fauchés reconvertis en bac à sable pour ados sinon, évidemment, les voûtes fiévreuses de la Crêperie, ultime sarcophage de nos boums. Il y aurait des boules disco qui patienteraient en clignotant sur le plafond pendant que les filles feraient bouffer leurs jupes, libéreraient leurs gambettes et s'enfleraient la poitrine aux mouchoirs. On se ferait attendre, on en serait encore à se lustrer la frange ou se colorier l'épi pour ressembler à Sisqò, le chanteur nineties aux cheveux blancs. Avec la même violence, on trouverait tout injuste et on claquerait la porte de la voiture au visage hébété de nos parents attendrissants d'inquiétude, tenant à nous accompagner jusqu'à la piste. À l'arrivée, on se regrouperait en bouta (clan) et, ensemble, on jetterait un coup d'œil panoramique en faisant l'inventaire.

Britney à la gomme
D'un côté, les garçons en file : le studieux boutonneux neurasthénique et clairement trop couvé par sa mère, les frimeurs parfumés au déo de sport et les précoces englués de testostérone, duvet naissant et voix confuse. De l'autre, les filles bien rangées. Parfois enquiquineuses et têtes à claques, donneuses de leçons avec des idées toutes faites sur l'amour, la vie et les garçons. Souvent maquillées comme des voitures volées, mais se fourrant toujours les yeux et le cœur dans un journal intime. Appartenant toujours à la queue de comète des girls bands, répliques revendiquées de Britney Spears, la Madonna des prépubères. Le même répertoire commencerait à tourner en boucle, des boys band à la gomme, des Ricky Martin gominés, des Spice Girls de gommeux. Et il suffirait d'une œillade agenouillée, d'une invite prosternée, pour qu'elles se laissent approcher, pour qu'elles se laissent enlacer, si affinités. Il suffirait d'un signe puis d'un pas de deux, d'un pas de slow pour qu'on préside aux destinées sentimentales de Sophie Marceau dans la Boum, les mains en compote et le cœur grenadine.

Baiser volé
Et parce qu'on en aurait eu assez d'écluser à force de pas oser, de tournicoter comme des pantins désarticulés ; parce que la jalousie est bonne conseillère quand on voit les filles s'alanguir contre nos potes, s'épanouir contre ces poseurs ; parce que le larmoyant Enrique Iglesias aurait commencé à dérouler son I Could Be Your Hero Baby, on prendrait notre courage à deux mains et plongerait la langue dans la bouche de cette jeune fille en fleurs. En gardant les yeux fermés, jouant les équilibristes sur son appareil dentaire. Mais, pour vérifier que l'autre est bien en pâmoison sous l'effet de ce patin de la mort, on la surveillerait du coin de l'œil. Et si la chance nous sourit, on sortirait de la salle à son bras pour aller s'adosser contre un mur des WC. Les joues émoustillées et sans un regard pour les soupirants qui ne sauront jamais ce qu'ils ont manqué.

 

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