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Culture - Homeworks 7

Comment évoluer quand, désormais, « il n’y a plus rien à protéger » ?

Une vingtaine d'œuvres et autant d'artistes sont à découvrir à Ashkal Alwan, dans le cadre de l'exposition « What Hope Looks Like After Hope (On Constructive Alienation) », et au Beirut Art Center pour « On Water, Rosemary, and Mercury ». Entretiens avec les deux curateurs, Bassam el-Baroni et Christine Tohmé, également organisateurs de la foisonnante septième édition du forum Homeworks.

Au premier plan, « Variation on a Garden » de Abbas Akhavan, remet en question la différence entre le public et le privé, tandis que Tamara al-Samerraei, avec « Let Me Stay a Little Longer », divague entre scène d’amour et de crime.

Comment l'eau peut-elle se marier à tant de choses et le mercure contaminer tout ce qu'il y a autour de lui ? L'exposition On Water, Rosemary and Mercury questionne les éléments et leurs paradoxes, leurs manières de se mêler les uns aux autres, de se mouvoir, ensemble ou non.
«Les dix artistes abordent la question du changement, de la fluidité et de la volatilité», explique Christine Tohmé, curatrice de l'exposition actuellement présentée au Beirut Art Center. Les thèmes de l'espace public, de l'architecture et de son impact politique alimentent les œuvres, qui tracent chacune une direction. Certaines, comme le travail en cours de Ali Taptik (On Grooming and Clothing: Looking at Osmanbey: 2012 -2015) font davantage penser à des travaux d'étudiants en architecture ou en urbanisme qu'à des réflexions d'artistes. « C'est parce qu'il est difficile de pointer du doigt ce qui évolue », assure la curatrice.
La moitié des dix artistes réunis sont libanais. D'autres ont grandi en Jordanie, Égypte, Turquie ou Palestine, avant d'émigrer. « Certains Libanais vivent à Londres, d'autres sont iraniens et habitent désormais Toronto. À l'inverse, Tamara el-Samerraei, née koweïtienne, a passé toute sa vie au Liban. » « Peu importe d'où ils viennent, cela ne rentre pas en compte dans mes choix », martèle Christine Tohmé. La réunion de ces dix artistes du Moyen-Orient est telle une « constellation » dont elle est très fière, car elle est parvenue à créer son propre réseau d'artistes en 25 ans d'expérience.

Aller de l'avant
D'ailleurs, selon la curatrice, il n'existe pas d'œuvre centrale parmi celles présentées. Celle de Khalil Rabah, de Ali Taptik ou de Stéphanie Saadé lui plaisent particulièrement, mais il est hors de question de mettre spécifiquement l'un d'eux en avant. Pour ne pas froisser ou provoquer des jalousies ? Pourtant c'est le travail de Omar Fakhoury (Le Socle du Monde) qui la rend la plus loquace. Un imposant bloc blanc – installé pour l'occasion dans une petite pièce isolée au fond du Beirut Art Center – et l'odeur de naphtaline qui l'accompagne, la renvoient à sa jeunesse. « Quand nous étions enfants, notre mère avait cette habitude de mettre ce produit pour protéger (des mites). Aujourd'hui, il n'y a plus rien à protéger, nous sommes dans un état de relativité dans lequel nous nous demandons toujours de quelle manière aller de l'avant », estime Christine Tohmé.

Sonder les mutations sociétales
Ces jours derniers, certaines personnes lui ont demandé s'il n'était pas nécessaire d'annuler ou de reporter l'événement, après les attentats de Beyrouth et de Paris. Elle leur aurait répondu qu'il était hors de question de céder face à la peur. Les débats, performances et projections ont réuni de nombreux participants. « Que ce soit ici ou ailleurs, ce sont les mêmes fondamentalistes, mais nous continuerons quoi qu'il arrive. Nous n'allons pas arrêter ce que nous savons faire le mieux », s'emporte la curatrice. « L'art contemporain n'est pas quelque chose de mondain, ce ne sont pas des personnes qui se réunissent pour des cocktails. Cela sert aussi à se retrouver pour penser à la manière de changer nos réalités et à réfléchir à la manière d'avancer », martèle à nouveau l'amie des artistes. « L'art ne peut pas être seulement créateur d'économies alternatives, cela ne doit pas se résumer à cela. Il doit aussi s'intéresser aux changements sociaux et ne pas être accessoire », ajoute encore Tohmé.
On Water, Rosemary and Mercury, comme l'exposition imaginée par Bassam el-Baroni (voir par ailleurs), ou même, plus généralement, cette septième édition de Homeworks n'offrent pas de réponses à digérer dans l'immédiat. Pourtant, ces manifestations ont le mérite de sonder inexorablement les pistes de mutations sociétales.

*« On Water, Rosemary and Mercury » au Beirut Art Center, Jisr el-Wati, entrée libre. Jusqu'au 10 décembre, du mardi au vendredi de 12h à 20h, le samedi et le dimanche de 11h à 18h.


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« Ce qui se passe autour de nous... »

Depuis 2002, Homeworks réunit des artistes tous les deux (ou trois) ans à Beyrouth. Le forum multidisciplinaire s'intéresse aux pratiques culturelles sous ses formes diverses. Organisée par Frie Leysen, Bassam el-Baroni et Christine Tohmé, cette septième édition se focalise sur « ce qui se passe autour de nous », selon cette dernière. « Le but est de se demander de quelle manière le politique s'infiltre dans notre quotidien, comment l'on peut créer un discours et des débats civiques, et, surtout, comment l'art peut catalyser cette énergie afin d'articuler la réalité contemporaine quotidienne ? » s'enthousiasme la directrice d'Ashkal Alwan. Les deux curateurs espèrent la venue du plus grand nombre de participants aux expositions présentées dans le cadre de Homeworks 7. « Tous ceux qui voudront bien venir sont les bienvenus, cela demande simplement de prendre le temps pour expérimenter les propositions des artistes », estime Bassam el-Baroni.

 

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