Qu'elle ait eu lieu ou non, la rencontre parisienne entre le chef du courant du Futur, Saad Hariri, et celui des Marada, Sleimane Frangié, annoncée par plusieurs médias, a réussi à remettre sur le tapis, de manière sérieuse, le dossier de l'élection présidentielle.
La valse des rumeurs sur cette rencontre que les deux parties nient en chœur et les commentaires qui ont suivi à propos d'une « annonce imminente à ce sujet » confirme le « sérieux » de la candidature du député de Zghorta, un qualificatif utilisé par les milieux du Hezbollah et les Marada tour à tour.
Certes, chez les haririens et les proches de M. Frangié, on continue d'observer un mutisme total à ce sujet, par peur d'un parasitage indésirable, mais le climat que distillent aussi bien les milieux proches des Marada que de M. Hariri montre clairement que la candidature de Sleimane Frangié est bel et bien dans l'air.
C'est ce que confirment d'ailleurs des sources concordantes proches du Futur et des milieux du 14 Mars qui ont indiqué hier à L'Orient-Le Jour que la réunion n'a effectivement pas eu lieu à Paris mais que M. Frangié serait retenu comme candidat favori pour le poste de président.
Il s'agirait en fait d'une proposition avalisée aussi bien par les Russes que par l'Occident, assurent les sources en question. Et pour cause : M. Frangié, jadis pointé du doigt par ses détracteurs comme étant un ami de longue date du président syrien Bachar el-Assad, est selon ces sources, aujourd'hui plus que jamais, le profil idéal pour accéder à Baabda.
En effet, du fait de ses relations profondes avec Damas, M. Frangié « rassure aussi bien la Syrie que le Hezbollah » qui reste, à n'en point douter, le grand électeur par excellence en cette période transitoire où le règlement de la crise syrienne est en tête des priorités de la communauté internationale.
Il reste à voir comment ce développement, appelé à se préciser dans les jours qui viennent, notamment à la réunion du dialogue national prévue aujourd'hui, sera accueilli par les différentes parties libanaises. La candidature de M. Frangié – qui annule de facto celle de ses deux concurrents, Samir Geagea et Michel Aoun – pose des problématiques autrement plus complexes dans la mesure où elle pourrait remettre en cause le paysage politique binaire – 8 et 14 Mars – qui a prévalu jusqu'ici, aiguisant les susceptibilités au sein même de chaque camp. Le refus exprimé d'emblée par les Forces libanaises de cette candidature, il y a deux jours, assurant qu'elle « n'est pas envisageable », risque de brouiller un peu plus les relations du parti chrétien avec son allié haririen, déjà refroidies depuis le rapprochement amorcé entre le CPL et les FL.
C'est le même type de scénario qui est à prévoir du côté du 8 Mars, puisque le Hezbollah, une fois acquis à l'idée, devra faire avaler la pilule à celui qui fut, des mois durant, son candidat favori aux élections, à savoir Michel Aoun.
Pour l'heure, le parti chiite reste prudent, voire dans l'expectative comme il l'affirme, et se contente de qualifier la candidature de M. Frangié de « proposition sérieuse », refusant de commenter au-delà de cette affirmation lapidaire. Les milieux du Hezbollah – qui insistent pour dire que la situation se décantera un peu plus lors du dialogue et des rencontres entre le parti chiite et le courant du Futur – évoquent cependant « le climat positif général qui règne sur la scène politique », faisant notamment allusion à la réaction du Futur à l'invitation du secrétaire général du Hezb, Hassan Nasrallah, au « compromis » et à la « recomposition du pouvoir », au lendemain des attentats meurtriers de Bourj el-Brajneh.
C'est une réaction tout aussi prudente qu'ont exprimé les milieux du CPL, qui, de la bouche d'un membre du bloc du Changement et de la Réforme, Naji Gharios, affirment avaliser « tout rapprochement entre les parties politiques libanaises » avant d'assurer que le CPL est « en contact permanent avec M. Frangié ». « Au moment voulu, nous déciderons ou non s'il faut l'appuyer », ajoute le député. D'autres sources proches des aounistes ont indiqué que le mot d'ordre au sein du CPL est à la temporisation soulignant que le courant suit de près les développements à sujet, pour voir en quoi consistera le package deal final.
Il reste à voir quelle sera la position du parti Kataëb, qui, à ce jour, persistait sur son choix en faveur d'un candidat consensuel et dont le chef Samy Gemayel, qui avait annoncé il y a deux semaines une « surprise sur le plan de la présidentielle », s'est réuni hier avec Saad Hariri à Paris, avant le départ de ce dernier pour Riyad.
Au menu des discussions : la candidature de M. Frangié, la nécessité de la redynamisation des institutions et les moyens de ressouder les liens entre les forces du 14 Mars. Ce dernier point névralgique, que l'annonce de l'éventuelle candidature de M. Frangié a exacerbé un peu plus ces derniers jours, s'est reflété par la position affichée par certaines composantes du 14 Mars qui ont cherché à se démarquer de l'initiative de Saad Hariri.
Celles-ci ont été jusqu'à dire qu'il s'agissait d'une position purement « haririenne » qui ne reflète pas nécessairement celle de l'ensemble du courant du Futur dont certaines voix continuent de refuser l'idée même d'un président issu du 8 Mars. Un tel scénario « risque de décevoir la base populaire du 14 Mars et annoncerait la fin du mouvement », atteste une source citée par la LBCI. Autant de voix discordantes qui pourraient toutefois être interprétées dans le cadre d'un jeu de rôle visant précisément à calmer la base.
Le ton qui ressort du communiqué officiel publié hier par le bloc du Futur donne à penser que cette formation est sur le point de donner son aval à la candidature de M. Frangié.
Dernière inconnue enfin, la position de l'Arabie saoudite, dont on dit qu'elle a été prise de court par cette initiative surprise. La visite de M. Hariri à Riyad devrait en principe lever, dans les prochains jours, toute ambiguïté à ce sujet.
Pour mémoire
Une candidature Frangié, réponse au rapprochement Geagea-Aoun ?
Hariri et Joumblatt en quête d'un « compromis national fédérateur »
commentaires (18)
Serait il le dernier "candidat" qui avait encore une chance? Là IL EST EN TRAIN DE SE FAIRE BRÜLER....
CBG
20 h 59, le 25 novembre 2015