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L’aile ou la botte ?

Un jour ou l'autre, cela devait finir par arriver. Fortuites ou délibérément provoquées, ce type de rencontres rapprochées, dans un ciel syrien aussi encombré, ne sont d'ailleurs pas chose nouvelle. Les Syriens abattant un chasseur turc en 2012, les Turcs leur rendant la pareille deux ans plus tard, ce n'était encore là qu'échange de politesses entre voisins ennemis. Il en va autrement tout de même, quand c'est un appareil russe que descendent sans trop d'états d'âme et après les sommations d'usage les forces d'Ankara.


Voici donc une superpuissance mondiale, tout juste engouffrée dans l'arène syrienne, qui se considère poignardée dans le dos par une puissance régionale de moindre stature certes, mais qui se trouve être membre d'une vaste alliance : l'Otan, que coiffe une superpuissance mondiale dotée de moyens militaires encore plus formidables que la première. Si le choc d'hier était littéralement écrit dans le ciel, c'est parce que dès le début de leur intervention, les Russes, invoquant au besoin les mauvaises conditions météo, n'ont cessé de tester la détermination de la Turquie. Et si ce pays s'est montré aussi chatouilleux, c'est parce qu'il entend défendre à tout prix la ceinture de sécurité qu'il s'est aménagée le long de sa frontière avec la Syrie : l'objet de cette bande de territoire étant, tout à la fois, de préserver les voies de ravitaillement des rebelles de Syrie et de tenir en respect les Kurdes syriens, installés dans une confortable autonomie.


Pour préoccupant cependant que soit l'épisode d'hier, il vient à point nommé pour démontrer la justesse de la thèse que défend le président François Hollande. Cruellement atteinte par les attentats du 13 novembre à Paris, la France ne se borne pas en effet à venger le sang de ses dizaines de morts en matraquant les positions de l'État islamique, jetant dans la bataille les chasseurs-bombardiers Rafale embarqués à bord du porte-avions Charles de Gaulle. C'est à la formation d'une coalition internationale unique – c'est-à-dire intégrant la Russie à l'armada déjà en place – qu'œuvre en ce moment le maître de l'Élysée. Qui, fort du soutien britannique, en débattait hier avec Barack Obama, en attendant de se rendre auprès d'Angela Merkel puis de Vladimir Poutine.


Ce projet a-t-il quelque chance d'aboutir ? Peut-être, mais encore faudrait-il que les coalisés acceptent tous de se concentrer sur cette cible quasi universellement prioritaire que devient, de jour en jour, l'État islamique, en reléguant au second plan le sort du régime de Damas. Serait alors réglé comme papier à musique ce vertigineux ballet aérien auquel prennent part les forces aériennes de près d'une vingtaine de pays. Moins harmonieux toutefois serait le spectacle de toutes ces escadrilles croisant, sans les inquiéter le moins du monde, les pilotes de Bachar el-Assad en train de s'adonner à la seule tâche qu'ils savent accomplir : larguer des barils d'explosifs sur les populations civiles...


Ce ne serait pas là, au demeurant, la seule ombre au tableau. Même en effet si cette super-coalition devait s'étendre à la Chine, même si les frappes asséchaient les ressources pétrolières de l'État islamique, elles ne suffiraient jamais pour anéantir complètement ces hordes évoluant comme scorpions dans le sable des étendues désertiques. Il n'en resterait que quelques poignées, que ces fanatiques resteraient capables de mettre à feu et à sang une planète déjà gagnée par la peur.


Tôt ou tard, il faudra bien engager ces troupes au sol dont les États se montrent aussi furieusement économes : il faudra quitter les nuages pour redescendre sur terre.


Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Un jour ou l'autre, cela devait finir par arriver. Fortuites ou délibérément provoquées, ce type de rencontres rapprochées, dans un ciel syrien aussi encombré, ne sont d'ailleurs pas chose nouvelle. Les Syriens abattant un chasseur turc en 2012, les Turcs leur rendant la pareille deux ans plus tard, ce n'était encore là qu'échange de politesses entre voisins ennemis. Il en va autrement...