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Nos Lecteurs ont la Parole - Carol SABA

COP 21 : Le logiciel de l’Église est-il toujours adapté à la surchauffe de l’état du monde d’aujourd’hui ?

Nicolas Hulot, envoyé spécial du président Hollande pour le climat, invité fin octobre dernier de l'émission « On n'est pas couché » de Laurent Ruquier sur France Télévision, s'est montré à l'approche du sommet mondial de la COP21 qui se tiendra à Paris en décembre 2015, ni optimiste ni pessimiste, mais plutôt réaliste, voire même parfois sceptique et inquiet par moments sur les enjeux et les résultats de ce « sommet de la dernière heure » pour sauver la planète !
L'assemblée plénière d'automne des évêques catholiques de France, qui vient de se clôturer le 8 novembre à Lourdes, est revenue également sur cet enjeu à travers notamment le discours de clôture du président de la Conférence des évêques catholiques de France, l'archevêque de Marseille, Mgr Georges Pontier, un discours marqué par une lecture « alerte » d'un monde en crise. Oui, la crise est là ! Que celle-ci se décline dans les enjeux climatiques qui menacent les équilibres écologiques ou dans les enjeux migratoires qui menacent les équilibres sociopolitiques en Europe.
Ou bien dans les enjeux politiques des élections régionales à venir en France, marquées par les ambivalences du politique et de son désenchantement, et par les menaces sous-jacentes liées à la montée des extrêmes, de droite et de gauche. Ou bien, in fine, dans les enjeux de la crise au Moyen-Orient, et les épreuves et tribulations des frères de la chrétienté orientale, etc. Il est vrai que les sujets ne manquaient pas à l'ordre du jour de ce synode élargi à l'ouverture duquel participe, et ceci est de tradition depuis de longues années, le président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France. Les sujets ne manquaient pas, mais, selon certains échos de la presse, manquait une certaine « vision d'ensemble dans les débats entre les évêques ». Et ceci n'est pas le propre de l'Église catholique de France.
Toutes les Églises semblent aujourd'hui un peu désarmées, désorientées, voire même perturbées et stagnantes, face aux mutations successives et profondes d'un monde en transformation. Nous sommes passés, en premier lieu, d'un monde « bipolaire » à un monde apolaire ou multipolaire. Malgré ses frontalités dangereuses, le monde bipolaire rassurait le monde ou du moins donnait l'impression que le monde était gouvernable et gouverné par les chefs de file des deux blocs qui savaient où, comment et quand s'arrêter et stopper une escalade. On se rappelle le bras de fer entre Khrouchtchev, « le Soviétique », et Kennedy, « l'Américain », lors de la crise des missiles à Cuba qui avait mené le monde au bord d'un affrontement nucléaire. Le monde avait retenu son souffle.
L'escalade s'est bien arrêtée à un instant « T » devenu critique pour la sécurité du monde et des deux blocs. C'est bien à la suite de cette crise que le fameux téléphone « rouge » reliant directement le Kremlin, à Moscou, à la Maison-Blanche, à Washington, a été installé pour que les deux leaders des deux blocs puissent se parler directement en toute sécurité ! Si le monde bipolaire des deux blocs était donc gouvernable, le monde d'aujourd'hui « apolaire » et « multipolaire » est synonyme d'un monde « ingouvernable » ou du moins qui peine à être gouverné. Il est vrai que le monde d'aujourd'hui est sans filet ni téléphone rouge, type de téléphone qui ne veut plus rien dire à l'aire du numérique ! Ce monde est sans « médiateur » ni « régulateur », capables de prévenir ou de guérir.
L'Onu, cette organisation, installée après la Seconde Guerre mondiale par les vainqueurs de celle-ci, n'est plus adaptée pour assurer la gouvernance et la régulation des relations internationales dans un monde éclaté. Son autorité est bafouée sur plusieurs conflits internationaux, comme celui par exemple du conflit israélo-arabe, qui ne cessent d'alimenter les conflits et de les faire muter. En second lieu, et comble de la complication pour l'Église, le « paradigme monde » a changé. Nous sommes passés de la notion du monde du « centre » à celle du monde du « réseau » (network). Tant que l'Église n'a pas intégré cette donnée, elle va continuer à subir et restera en dehors de l'équation d'influence. L'Église, comme c'est le cas de beaucoup d'autres centres décisionnaires traditionnels, tarde à comprendre les relents, les dynamismes et les mécanismes de fonctionnement et de communication de ce monde du « réseau ».
Ceci d'autant plus que la révolution numérique a fait élargir à l'infini les frontières du monde en les rendant moins visibles, plus numériques et parfois encore plus virtuelles !
Face à ces accélérations, il est impératif pour l'Église de changer de logiciel. Or, elle tarde à le faire. Témoins illustratifs de son désarroi et de son manque d'influence sur les mécanismes d'anticipation et sur les évènements en cours sont parfois les communiqués de presse des instances ecclésiales. Le verbiage plein de superlatifs est éloquent : l'Église attire l'attention, l'Église condamne, l'Église déplore, l'Église s'inquiète, l'Église alerte, l'Église appelle, l'Église regrette, etc., et j'en passe, des superlatifs qui en disent long sur un positionnement de « témoin » et non pas « d'acteur » ! Certes, la mission de veilleur « alerte » et d'agitateur « réveilleur » des consciences humaines, morales et spirituelles est au cœur du rôle de l'Église. Mais, aussi, c'est le cas pour la capacité d'action de l'Église non seulement pour empêcher la défiguration du monde, mais aussi, et surtout, pour le transfigurer. A défaut, l'Église ne fera pas du politique au sens noble du terme, mais continuera à subir le cynisme et les intérêts du « politique » politicien.
Le fait de « ne pas agir », c'est in fine « agir pour ne pas être » ! C'est là l'équation qui menace l'Église qui, bien au contraire, doit remplir sa mission de « jardinier de la création ». « De gloire et d'honneur Tu l'as recouvert », dit le psaume, avant d'ajouter : « Tu l'as fait régner sur les œuvres de Tes mains », en parlant à Dieu de l'être humain et de sa mission dans le monde. La royauté de l'être humain sur la création n'est pas celle d'un propriétaire de la création, mais une royauté de service, une royauté liturgique, un sacerdoce pour transfigurer le monde ! Alors, quel rôle pour l'Église d'aujourd'hui ? l'Église « témoin » qui « appelle » au changement ou bien l'Église « acteur » qui « œuvre » pour le changement ? Quand la politique est décriée à tous les étages. Quand les extrêmes montent. Quand l'ultralibéralisme ravageur sape tout et déstructure tout, les valeurs, l'humain, le sociétal, l'économique et l'environnemental. Quand le monde avance à grands pas vers les cataclysmes politique, sécuritaire, militaire et environnemental les plus extrêmes.
Quand la réalité du saccage écologique du monde et de la création demeure imperturbable en dépit de tout le tapage médiatique à propos de la COP21 et de ses enjeux sur la surchauffe de la Terre. Quand tout cela arrive, Il faut élever une voix « consciente » pour dénoncer et agir. Certes, il y a eu à Paris en juillet dernier le « sommet des consciences » pour la COP21. Oui, cela est nécessaire, mais il est aussi impératif pour ces consciences de garder la distance vis-à-vis des machines politiques et diplomatiques car le monde ne sera pas changé par les politiques mais par les hommes de conscience et de lumière s'ils gardent intacte leur capacité de dénonciation et d'alerte ! C'est à eux, que ce soit lors de la COP21 ou dans d'autres occasions, d'être les vrais témoins et acteurs de la transformation du monde et de veiller à ne pas se faire instrumentaliser par le politique qui a ses propres intérêts, référents et considérations.
C'est à un changement de « paradigme » de rapport au monde et au politique auquel l'Église est appelée aujourd'hui, et, comme dirait l'autre, à un comptoir de café parisien, « chaud devant, chaud derrière, ça urge » ! Ce n'est pas l'Église « gestionnaire » qui sauvera le monde, mais l'Église « visionnaire », qui a l'audace d'une certaine vision conforme à la vision du Christ dans le monde d'aujourd'hui !

Carol SABA
Avocate à la Cour au barreau de Paris

Nicolas Hulot, envoyé spécial du président Hollande pour le climat, invité fin octobre dernier de l'émission « On n'est pas couché » de Laurent Ruquier sur France Télévision, s'est montré à l'approche du sommet mondial de la COP21 qui se tiendra à Paris en décembre 2015, ni optimiste ni pessimiste, mais plutôt réaliste, voire même parfois sceptique et inquiet par moments sur...

commentaires (1)

"Certains Laïcs semblent désarmés face aux Intégristes de tout poil ! Nous sommes passés d'1 monde en voie de développement à 1 monde en voie de sous-développement "incontrôlable" ! Illustrations de son grand désarroi face à tous ces fondamentalismes de toutes obédiences, sont de simples "positions de principe" Laïques. Son verbiage devient plein de superlatifs : Le Laïc condamne, déplore, alerte. Ce qui en dit long sur 1 positionnement de "témoin" et point "d'acteur" ! Certes, la mission de veilleur "alerte" et d'agitateur "réveilleur" des consciences humaines et morales est au cœur du rôle de ce Laïc. Mais, aussi, c'est le cas pour sa capacité d'action pour contrer ce sale sous- développement. Le fait de "ne pas agir", c'est "agir pour ne pas être". C'est là l'équation qui le menace qui, bien au contraire, doit remplir sa mission de "jardinier de ce monde. De gloire et d'honneur il doit être recouvert" en vue de sa mission dans le monde. Un sacerdoce Laïc pour transfigurer ce monde. Alors, quel rôle pour le Laïc ? Le "témoin qui appelle au" raisonnement, ou bien "l’acteur qui œuvre" pour la Pure Raison ? C'est à lui ainsi d'être l’acteur de la transformation du monde en monde de La Raison, et de veiller à ne pas plier face au fanatisme. C'est à un changement de rapport au monde confessionnel auquel le Laïc est appelé ! Ce n'est donc pas le Laïc frileux qui sauvera le monde, mais bien le "visionnaire" qui a l'audace de la vision conforme à La Seule Raison." !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

18 h 59, le 25 novembre 2015

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Commentaires (1)

  • "Certains Laïcs semblent désarmés face aux Intégristes de tout poil ! Nous sommes passés d'1 monde en voie de développement à 1 monde en voie de sous-développement "incontrôlable" ! Illustrations de son grand désarroi face à tous ces fondamentalismes de toutes obédiences, sont de simples "positions de principe" Laïques. Son verbiage devient plein de superlatifs : Le Laïc condamne, déplore, alerte. Ce qui en dit long sur 1 positionnement de "témoin" et point "d'acteur" ! Certes, la mission de veilleur "alerte" et d'agitateur "réveilleur" des consciences humaines et morales est au cœur du rôle de ce Laïc. Mais, aussi, c'est le cas pour sa capacité d'action pour contrer ce sale sous- développement. Le fait de "ne pas agir", c'est "agir pour ne pas être". C'est là l'équation qui le menace qui, bien au contraire, doit remplir sa mission de "jardinier de ce monde. De gloire et d'honneur il doit être recouvert" en vue de sa mission dans le monde. Un sacerdoce Laïc pour transfigurer ce monde. Alors, quel rôle pour le Laïc ? Le "témoin qui appelle au" raisonnement, ou bien "l’acteur qui œuvre" pour la Pure Raison ? C'est à lui ainsi d'être l’acteur de la transformation du monde en monde de La Raison, et de veiller à ne pas plier face au fanatisme. C'est à un changement de rapport au monde confessionnel auquel le Laïc est appelé ! Ce n'est donc pas le Laïc frileux qui sauvera le monde, mais bien le "visionnaire" qui a l'audace de la vision conforme à La Seule Raison." !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    18 h 59, le 25 novembre 2015

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