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Liban - Manœuvres russes

Moscou veut imposer des restrictions dans l’espace aérien libanais pour 3 jours

C’est l’histoire d’un pays dont la mosaïque confessionnelle est très fragile et forte à la fois, et qui, depuis un certain 22 novembre 1943, se débat dans sa (son) (in)dépendance et n’en finit pas de panser ses 18 blessures. De ses cicatrices exsude un liquide rouge sang, et son cèdre est trempé de noir. Morceaux en lambeaux déchiquetés puis recollés mille et une fois : At eighteen, we are supposed to be adults. À 18 ans, nous sommes censés être des adultes, est une œuvre de Hady Sy, photographe plasticien né d’un père sénégalais et d’une mère libanaise...

La Russie a demandé hier aux autorités aéroportuaires libanaises que les avions au départ de Beyrouth évitent de survoler sa zone de manœuvres militaires en Méditerranée durant trois jours.
« La Russie a demandé aux autorités que les avions au départ de l'aéroport de Beyrouth vers l'ouest évitent de survoler une zone délimitée dans les eaux territoriales en Méditerranée où doivent avoir lieu des manœuvres samedi, dimanche et lundi », a ainsi déclaré le ministre des Travaux publics et des Transports, Ghazi Zeaïter. Il a indiqué en début de soirée que le Liban avait « des réserves sur la requête russe et étudiait la demande », pour annoncer plus tard dans un communiqué la « mise en place d'une cellule de crise afin de prendre les mesures nécessaires en vue d'assurer la continuité du trafic aérien dans des conditions sûres ».

Plus tôt dans la journée, les autorités de l'aéroport international de Beyrouth avaient indiqué avoir reçu un message de la marine russe annonçant des manœuvres militaires et fournissant les coordonnées précises du lieu des exercices qui s'étendront sur trois jours, à partir de minuit vendredi.
En conséquence, le Liban a négocié avec les autorités chypriotes afin d'assurer un couloir aérien temporaire. « Même en cas de réponse positive de la part de Chypre, des perturbations sont à prévoir en raison des contraintes logistiques liées à cette situation », explique le ministre des Transports. M. Zeaïter a toutefois fait savoir en début de soirée que Chypre ne pourra pas assurer des couloirs aériens alternatifs, car son espace aérien sera fermé durant les trois jours qui viennent. L'ambassadeur du Liban à Chypre, Youssef Sadaka, a toutefois affirmé à l'Agence nationale d'information (Ani) que les négociations entre le directeur général de la Middle East Airlines (MEA) à Chypre, Nabil Abou Jaoudé, et l'aviation civile chypriote ont débouché sur un accord concernant un couloir aérien sûr pour les vols libanais, qui passera au sud de l'île.

Commentant la situation, le PDG de la MEA, Mohammad el-Hout, a rappelé que « les couloirs aériens libanais relèvent de l'État », soulignant que « la compagnie appliquera toute décision émanant des autorités libanaises. Si l'État décide de changer les trajectoires des vols, nous adopterons de nouvelles trajectoires. Dans le cas contraire, la MEA maintiendra les couloirs habituels », a ajouté M. Hout.
Quelques heures plus tard, la MEA a annoncé dans un communiqué que tous ses vols prévus samedi « décolleront à temps ». « Certains vols à destination des pays du Golfe et du Moyen-Orient prendront plus de temps que prévu, suite aux nouveaux corridors aériens mis en place », a néanmoins précisé la compagnie aérienne.
Beaucoup de Libanais ont exprimé hier leur inquiétude face à une éventuelle perturbation de la navigation à l'AIB, mais la direction de de la MEA a tenu à rassurer toutes les personnes concernées que des mesures ont été prises afin qu'il y ait une activité ordinaire à l'aéroport et assurer tous les vols.
Pour sa part, la compagnie Air France a affirmé que son vol Beyrouth-Paris, prévu à l'aube, se fera 50 minutes plus tôt que prévu en raison de la demande russe.

« Nous ne voulons pas devenir un quartier de Moscou... »
C'est le chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt, qui a été le premier à évoquer le sujet sur son compte Twitter, commentant, non sans ironie, la demande de restriction dans l'espace aérien libanais formulée par Moscou. « Nous (le Liban) ne voulons pas devenir un quartier de Moscou, il y a un minimum de respect requis vis-à-vis de notre souveraineté », écrit M. Joumblatt. Et de poursuivre : « Quelle visite fructueuse de la part du ministre (Gebran) Bassil à Moscou ! »

« Le ministre libanais des Affaires étrangères s'était rendu dans la capitale russe il y a deux jours, mais il semblerait avoir été mal informé des mouvements des Russes dans la région, ou bien fait-il semblant de ne pas être au courant de ce préavis, dont j'ai pris connaissance deux heures avant les autorités, pour masquer ce piratage aérien qui ne peut servir que l'axe syro-iranien », a affirmé Walid Joumblatt dans un entretien téléphonique avec L'Orient-Le Jour. « Les deux ministres concernés, Gebran Bassil et Ghazi Zeaïter, étaient censés nous communiquer cette nouvelle de la plus haute importance, et s'ils n'étaient pas informés de cette demande, c'est encore plus grave du point de vue de la violation de notre souveraineté », s'est-il emporté. « Nous n'avons pas à obtempérer aux Russes ni aux Syriens, notre espace aérien n'est pas censé servir l'axe syro-iranien ni les intérêts de la force de la moumanaa », a-t-il conclu.

Le ministère des Affaires étrangères a affirmé pour sa part hier en soirée dans un communiqué ne pas avoir été informé officiellement par les autorités russes des restrictions demandées dans l'espace aérien libanais.


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« Poutine maître absolu de la Méditerranée ? »

Pour l'épistémologue Antoine Courban, la demande de Moscou aux autorités libanaises se lit « comme une mainmise sur la mer Méditerranée de la part des Russes ».
« En demandant à la direction de l'Aviation civile libanaise de restreindre son espace aérien et de ne plus utiliser certains couloirs, le président Poutine se veut maître absolu de cette mer qu'il veut fermer à l'image de la mer Noire ou de la mer Caspienne, dans un objectif d'imposer sa suprématie dans la région eurasiatique », explique M. Courban. « Ce sont les États-Unis et leurs alliés qui sont visés par cette demande, via le Liban, et la réponse quasi automatique du gouvernement de ne pas fermer l'espace aérien laisse filtrer des garanties avancées par l'Occident aux autorités que l'espace aérien libanais n'est pas menacé et qu'il n'est pas, pour le moment en tout cas, sous l'emprise des forces russes positionnées en Méditerranée », poursuit M. Courban. « Tout l'enjeu de la guerre en Syrie s'explique par ce préavis : à qui appartient cet espace maritime stratégique qu'est la Méditerranée ? Le président Poutine semblerait donner une réponse de plus en plus claire, il ne reste plus qu'à attendre celle des Américains », indique encore M. Courban.

 

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Un « message clair » aux forces occidentales et à leurs alliés...

Dans un entretien téléphonique avec L'Orient-Le Jour, le général libanais à la retraite et professeur de géostratégie à la NDU et l'AUB, Élias Hanna, affirme que les autorités libanaises ne pouvaient pas ignorer ou refuser la demande russe, mais pourraient à la rigueur examiner d'autres alternatives aux itinéraires suivis normalement par l'Aviation civile afin de limiter au maximum les détours qui restent cependant inévitables dans ce genre de situation.
« C'est un préavis qu'a lancé hier Moscou, dont la présence militaire en Méditerranée au large de la Syrie n'est plus un secret pour personne. C'est une superpuissance qui intervient en Syrie à la demande du président syrien Bachar el-Assad ; la notion de souveraineté nationale est devenue malléable dans ce contexte », souligne le général. « Les Russes lancent des raids aériens au quotidien en Syrie. Ils filment soigneusement leurs interventions et ne tardent pas à les médiatiser le jour même dans un objectif de propagande bien étudiée. Cette manœuvre qui est prévue pour trois jours s'inscrit dans un cadre de rapport de force et de médiatisation de la doctrine militaire russe », poursuit-il.
« Moscou a choisi la Méditerranée comme un champ de ses manœuvres combinées entre ses différents arsenaux, et, par la même occasion, expérimente ses armes modernes dans un message clair aux forces occidentales et leurs alliés (Turquie, Arabie saoudite) dans la région, qui devront dorénavant partager, sinon se frayer un passage dans cet espace maritime qui donne, ne l'oublions pas, sur l'Europe également », précise-t-il. « C'est une tentative d'imposer une suprématie aérienne russe dans cette zone : n'ont-ils pas violé l'espace aérien turc dès leur arrivée dans la région ? » se demande-t-il.

Par ailleurs, le général Hanna a indiqué qu' « il est impératif pour chaque avion lors de la fermeture de couloirs aériens de respecter les coordonnées fixées à l'avance ainsi que l'altitude requise. Chaque avion doit également se munir d'un code précis, afin de pouvoir circuler librement et en toute sécurité dans la zone délimitée pour les manœuvres, et d'éviter une interférence entre les avions militaires et les avions civils qui peuvent être confondus avec des avions espions ou ennemis ».
« Plusieurs précédents dans l'histoire de l'aviation civile montrent le danger que peuvent encourir les aéronefs en cas de changement d'itinéraire ou de trajectoire au-dessus d'une zone de conflit ou d'une région fermée à l'aviation civile », a encore mis en garde le général Hanna. Il a ainsi rappelé que les catastrophes les plus meurtrières où des avions civils ont été abattus par erreur ont eu lieu en 1983, lorsque l'armée soviétique avait confondu un vol sud-coréen avec un vol espion et tiré au-dessus de l'île de Sakhaline, non loin du Japon, et que 269 passagers avaient trouvé la mort. De même, en 1988, lorsqu'un avion iranien avait été abattu au-dessus du golfe Persique par un navire américain qui patrouillait dans le détroit d'Ormuz : 16 membres d'équipage et 274 passagers, dont 66 enfants, avaient alors péri.

 

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La Russie a demandé hier aux autorités aéroportuaires libanaises que les avions au départ de Beyrouth évitent de survoler sa zone de manœuvres militaires en Méditerranée durant trois jours.« La Russie a demandé aux autorités que les avions au départ de l'aéroport de Beyrouth vers l'ouest évitent de survoler une zone délimitée dans les eaux territoriales en Méditerranée où...

commentaires (7)

Depuis quand le front de la Merditerranee fait elle partie des eaux territoriales ou de l'espace aerien russes? Bien plus, qu'attend en plus le ministere libanais des AE pour deposer une plainte officielle contre la decisison russe de s'approrier ne serait ce que momentanement de zones considerees comme des eaux internationales? Jusqua'a quand les souverainistes libanais laiseront ils l'oenolgue muet Gibran Bacille faire le guignol de ses maitres de l'axe Syrie/Iran/Russie? Et pourquoi l'Amerique pretendument avec la souverainete des peuples et des nations laisse elle faire le nouveau Tsar predateur a sa guise? A croire que l'ex magnat du ketchup Heinz et le ministre des AE du Raspoutine milliardaire menent le meme combat.

Henrik Yowakim

14 h 26, le 21 novembre 2015

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Commentaires (7)

  • Depuis quand le front de la Merditerranee fait elle partie des eaux territoriales ou de l'espace aerien russes? Bien plus, qu'attend en plus le ministere libanais des AE pour deposer une plainte officielle contre la decisison russe de s'approrier ne serait ce que momentanement de zones considerees comme des eaux internationales? Jusqua'a quand les souverainistes libanais laiseront ils l'oenolgue muet Gibran Bacille faire le guignol de ses maitres de l'axe Syrie/Iran/Russie? Et pourquoi l'Amerique pretendument avec la souverainete des peuples et des nations laisse elle faire le nouveau Tsar predateur a sa guise? A croire que l'ex magnat du ketchup Heinz et le ministre des AE du Raspoutine milliardaire menent le meme combat.

    Henrik Yowakim

    14 h 26, le 21 novembre 2015

  • Quels chicaneurs ces Libanais(h) ! Alors qu’Äsraël lui impose des restrictions dans "son" espace aérien Per(s)cé, depuis au moins l'année 69 du siècle passé dépassé !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 37, le 21 novembre 2015

  • Les manœuvres militaires en Méditerranée ont souvent données lieu à des modifications momentanées des couloirs aériens; ce qui n'affecte pas la souveraineté des Etats concernés ni le caractère international de la mer au delà des limites nationales. L'état de décrépitude interne au Liban est infiniment plus dangereux. Il est vrai que par ailleurs la mobilisation aérienne de la Russie est sans égal, superforteresses et missiles sont à l'œuvre et posent la question de l'évaluation des dommages et des conséquences.

    Beauchard Jacques

    11 h 12, le 21 novembre 2015

  • PAS BRUTALEMENT L'IMPOSER... AVEC GALANTERIE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 52, le 21 novembre 2015

  • Il faut ajouter qu'avec un pays sans Président de la République, un gouvernement faisant acte de présence, un ministre des affaires étrangères aux ordres d'une milice, il y a de quoi se préoccuper de l'existence d'un état en décomposition

    FAKHOURI

    10 h 37, le 21 novembre 2015

  • "On n'est pas tsar pour rien", dit M Issa Goraieb à ce propos, ce jour, en une observation au bas de son editorial.

    Halim Abou Chacra

    06 h 56, le 21 novembre 2015

  • Qu'en pensent le Léhhééém et le Râëéhhh ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 07, le 21 novembre 2015

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