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Moyen Orient et Monde - Éclairage

El-Qaëda veut bien montrer qu’il « est toujours dans la course »

La présence française au Mali serait la raison principale, et d'ailleurs officiellement énoncée, pour justifier l'assaut du Radisson hier par des combattants du groupe al-Mourabitoun.

Rarement timing n'aura été aussi mal choisi. L'attaque de l'hôtel Radisson et la prise d'otage qui a suivi hier à Bamako sont survenues quelques jours à peine après les attentats de Paris, ne donnant pas à l'opinion publique, encore en train de rendre hommage aux victimes du vendredi 13, l'occasion de se remettre du choc.

Les commanditaires ne sont néanmoins pas les mêmes : l'attaque de Bamako a en effet été revendiquée par le groupe al-Mourabitoun, qui a une double origine. Il vient d'abord d'une fusion entre le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) et des Signataires par le sang (groupe dirigé par l'Algérien Mokhtar Belmokhtar). Ensuite, des membres dissidents d'Aqmi (el-Qaëda au Maghreb islamique), ou proches du réseau, ont rejoint le groupe. « On reste quand même dans la mouvance d'el-Qaëda », explique Roland Marchal, chargé de recherche au CNRS de Sciences Po, à Paris, et spécialiste de l'Afrique subsaharienne, interrogé par L'Orient-Le Jour.


(Repère : La France engagée militairement au Mali depuis 2013)

 

Problème libyen
Il semble, toutefois, qu'il n'y ait aucun lien entre les attaques du vendredi 13 et celles d'hier. Il est plus que probable que ce qui s'est passé hier à Bamako soit plutôt en rapport direct avec la présence militaire française au Mali, effective depuis 2013 à travers trois opérations destinées à arrêter la progression des jihadistes contrôlant le nord du pays : Serval, Serval 2 et Barkhane.

La question de la réémergence de ces groupes armés est tout d'abord posée par des conditions internes, explique le chercheur. « (Le dirigeant malien) Ibrahim Boubacar Keita (IBK) n'est pas le président qu'il aurait fallu pour régler le problème du Nord. L'importance du sud-ouest de la Libye dans la sanctuarisation de ces groupes est aussi à relever. Et tant qu'il n'y a pas de solution en Libye, on peut penser que ces groupes bénéficieront d'un appui réel et continueront à frapper au Mali et au Niger », affirme M. Marchal.

En outre, un enregistrement datant d'octobre a été authentifié il y a quelques jours à peine, dans lequel le chef d'Ansar Dine, allié d'Aqmi, Iyad Ag Ghaly, dénonce l'accord de paix d'Alger signé en juin dernier sous l'égide de la France. Et, hier encore, al-Mourabitoun a revendiqué plus d'une attaque : celle de Bamako, mais également plusieurs autres contre les forces étrangères en présence au Mali au cours des derniers mois, dont celle menée en août contre un hôtel de Sévaré, au nord-est de la capitale, et qui avait fait 17 morts.


(Pour mémoire : Al-Mourabitoune se présente comme étant la branche d'el-Qaëda en Afrique de l'Ouest)

Longue préparation
Par ailleurs, relève le spécialiste, une opération de cette ampleur « nécessite un minimum – ou plutôt un maximum – de temps de préparation : plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Il a fallu repérer les lieux, voir comment c'est gardé, choisir le bon moment, quand l'hôtel n'est pas vide... Il a aussi fallu trouver des gens prêts à sacrifier leur vie. De fait, il était assez clair dès le début que les preneurs d'otages seraient tous tués dans les combats », juge M. Marchal, qui pense que cette opération a été préparée bien avant les attentats de Paris, mais a été déclenchée juste après pour bien montrer qu'el-Qaëda « est toujours dans la course ».

En fin de compte, relève Roland Marchal, cette attaque met le doigt sur le fait qu'au Mali la situation n'est pas aussi bonne qu'on l'espérait. « Cette prise d'otages devrait réveiller la communauté internationale » sur le fait qu'IBK n'a pas tenu ses promesses, notamment en ce qui concerne le combat contre la corruption, la réintégration des Touareg, etc., et que l'accord d'Alger n'a finalement pas accompli grand-chose. « (Le président français François) Hollande a voulu des élections directes, mais les bonnes vieilles mauvaises habitudes ont très vite repris le dessus, et chacun a voulu sa part du gâteau », dénonce l'expert. Il y a une très grande distance entre ce qui est fait et ce qu'il fallait faire, et la communauté internationale a été un peu trop « gentille » avec le gouvernement malien, alors que la population attend des réformes.

 

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