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Scan TV - Focus

Couverture des attentats : ce que les télés libanaises n’ont toujours pas appris...

Une paire de chaussures abandonnée devant le Bataclan, à Paris, le 14 novembre 2015.Photo Reuters

Deux attentats à un jour d'intervalle au Liban et en France – un pays développé et un pays en mal de développement à tous les niveaux. Une semaine s'est écoulée après ces jeudi (libanais) et vendredi (français) noirs. Les esprits sont toujours endeuillés, mais le temps aidant, un peu plus apaisés. Donc plus à même de mieux relire les couvertures médiatiques, libanaise d'une part et française de l'autre, d'un même scénario catastrophe.
L'attentat de Bourj el-Brajneh a mis en exergue les failles profondes dont souffre notre corps médiatique dans sa façon de couvrir un incident d'une telle envergure. Les reporters des chaînes de télévision libanaises ne se sont pas contentés de retransmettre l'ambiance insoutenable qui régnait dans le quartier visé par le double attentat, mais se sont autoproclamés enquêteurs, policiers, soldats et médecins, voire urgentistes pour certains... En face, la couverture beaucoup plus sobre par les journalistes français des horreurs vues et vécues à Paris a montré à quel point les deux manières de travailler restent démesurément opposées.
Il est impératif d'apprendre, d'écouter et d'évoluer dans la façon de présenter l'information, plutôt que de continuer, année après année, attentat après attentat, à s'acharner sur le premier passant afin de lui soustraire une phrase, un commentaire ou un témoignage, dont l'exactitude et la pertinence, neuf fois sur dix, n'ont pas été vérifiées à l'avance...
Il n'est pas admis qu'un journaliste libanais demande à un enfant alité aux urgences où sont ses parents, tout en sachant pertinemment que ceux-ci font partie des victimes de l'attentat. Le journaliste en question ne pensait qu'à l'empathie des téléspectateurs, certes, mais en occultant totalement le désarroi et la peur du petit garçon littéralement traumatisé, il n'a pensé qu'à profiter de son innocence et de sa spontanéité.

Ces baskets...
Qu'en est-il des caméras qui circulaient librement dans les couloirs des hôpitaux de la banlieue sud, encombrant le travail du personnel et diffusant des photos des blessés et des tués dans un irrespect total de l'éthique journalistique ou humaine ? La sobriété des journalistes français, pas exempts de défauts, loin de là, et leur refus de transmettre des images des victimes à leur insu méritent toutefois le respect. Il doit y avoir impérativement une échelle de priorités dans les informations transmises, quels que soient l'endroit ou les circonstances. Ce sont les intérêts des victimes et ceux de leur famille qui doivent primer. C'est leur dignité, leur intimité, notamment dans des moments épouvantables durant lesquels ils sont vulnérables, qui doivent être préservées. Il n'appartient pas aux journalistes de publier ou demander le nom des victimes juste pour multiplier les scoops. Ce sont les familles qui doivent être informées en premier, pas les étrangers devant leur petit écran.
Des restes de corps humain ne sont pas ce qu'il y a de meilleur à partager lors des reportages-chocs. La photo qui montrait une paire de baskets appartenant à l'une des victimes des attentats de Paris était de loin plus explicite que les morceaux de chair humaine et les flaques de sang captés par nos caméras locales sur les pavés de Bourj el-Brajneh.
Il est inutile de crier ou de gesticuler dans tous les sens pour que le téléspectateur prenne conscience de la gravité du moment. Une maîtrise de soi est plutôt recommandée dans ce genre de situation où l'information objective doit rester la priorité et non pas la personne du journaliste. Une préenquête est requise avant de faire passer devant la caméra un personnage dont l'intervention pourrait s'avérer être complètement inutile ou erronée, comme l'a fait une journaliste lorsqu'elle a découvert en direct que son fameux témoin n'était même pas sur les lieux lors de l'attentat de Bourj el-Brajneh. Une retransmission en direct reste bien sûr la bienvenue, sans pour autant la meubler par des questions oiseuses du genre: «Qu'avez-vous ressenti après votre blessure, ça vous a fait mal?» Ou bien, à un responsable qui vient inspecter les lieux de l'attentat : «Que faites-vous ici?»
Le péché capital a été le relais des accusations et des insultes haineuses. Si jamais les impératifs du direct ne permettent pas d'éviter ces incidents, il est du devoir du journaliste de s'excuser auprès des téléspectateurs ou d'essayer, dans la mesure du possible, de rectifier le tir.
Nous, Libanais, sommes à notre énième attentat. Inexplicablement, malheureusement, il nous reste encore beaucoup à apprendre quand il s'agit, entre autres, d'éthique et de dignité.

Deux attentats à un jour d'intervalle au Liban et en France – un pays développé et un pays en mal de développement à tous les niveaux. Une semaine s'est écoulée après ces jeudi (libanais) et vendredi (français) noirs. Les esprits sont toujours endeuillés, mais le temps aidant, un peu plus apaisés. Donc plus à même de mieux relire les couvertures médiatiques, libanaise d'une part...

commentaires (7)

la decision de ne rien montrer des attentats comme le font les francais n est pas bonne...en espagne qui a subi les attentats de l ETA pendant trente ans,on montre l horreur...sang,corps dechiquetes ,chaos....c est important de voir la realite d un attentat ....non aux infos aseptisees a la francaise....

HABIBI FRANCAIS

01 h 02, le 24 novembre 2015

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • la decision de ne rien montrer des attentats comme le font les francais n est pas bonne...en espagne qui a subi les attentats de l ETA pendant trente ans,on montre l horreur...sang,corps dechiquetes ,chaos....c est important de voir la realite d un attentat ....non aux infos aseptisees a la francaise....

    HABIBI FRANCAIS

    01 h 02, le 24 novembre 2015

  • Comme c'est vrai! Les journalists libanais ne cherchent qu'a se rendre interessants et a realiser des scoops soi-disant sans aucun respect des victimes des attentats et de leur intimite. Aucun professionnalisme malheureusement...

    Michele Aoun

    22 h 23, le 23 novembre 2015

  • la differenceest qu'au Liban chaque chaine de television appartient a un parti politique ce qui n'est pas le cas en France donc vous prechez dan le vide car la chaine n'est pas au service de la population mais au service des idees du parti dont elle depend

    LA VERITE

    14 h 00, le 22 novembre 2015

  • Excellente analyse sur les exces et le manque d'ethique et de dignite dont font souvent preuve nos televisions locales toujours a la recherche du sensationnel et de l'audimat au mepris des regles minimum de la deontologie et des valeurs humaines.

    Cadige William

    11 h 16, le 22 novembre 2015

  • Très bon. Mais la discretion, la modestie, le savoir-faire, la délicatesse et le bon goût n'ont jamais fait legion dans les diverses stations TV locales qui se concurrencent frénétiquement pour un sensationnel éphémère et un trait que l'on connait tous, bien de chez nous, "ôte toi d'ici pour que j'y mette...."

    Tabet Karim

    10 h 30, le 22 novembre 2015

  • Merci pour cet article, je reconnais j'ai été souvent choqué en regardant certains reportages des télévisions Libanaises sur les attentats, voir même sur certains crimes. Mais ce qui me surprends le plus c'est le comportement de la population et des services de sécurité après l'attentat,en Europe le site est aussi tôt bouclé et seul les services de sécurité et les services de secours investissent les lieux, pour bien sure ne pas pollué la zone afin de recueillir les indices.Au Liban la foule des curieux en mal de sensations et de curiosité mal placée piétine le site, bilant allez chercher des preuves après cela ?? Je pense qu'il est temps d'envoyer les services de police en formation !

    yves kerlidou

    10 h 05, le 22 novembre 2015

  • Dix fois Bravo pour cet article ! Il devrait être traduit en arabe et distribué par toutes les chaînes de télévision de ce pays de 4e monde à leurs reporters, notamment ceux des transmissions en direct. Les reportages de ces TVs sont un supplice par leur insistance à violer l'intimité des victimes et à se lancer en un concours de sensationnlisme. Insupportable !

    Halim Abou Chacra

    06 h 32, le 22 novembre 2015

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