Le mandat du patriarche Nasrallah Sfeir a débuté en 1986 en un temps où les arbres de la forêt s'étaient unis aux miliciens et où les fleurs avaient revêtu la tenue léopard, temps hideux où les épis de blé, la culture même, la religion étaient armés... Le pain acheté cachait un revolver, la tulipe cueillie dans le pré vous menaçait par ses armes... Nul livre à acheter. Il vous explosait entre les doigts...
L'évêque Nasrallah a été élu en ce temps patriarche des maronites et son élection a fait surgir une jolie rose blanche dans les déserts de sel et de soif !
Le premier grand combat était celui de faire réussir l'accord de Taëf. Pas le Taëf ravi par les moukhabarat de Qardaha et transformé en colonisation pire que celle imposée dans les contrées africaines du XIXe siècle, mais le Taëf dont sont convenus, dans la cité du même nom, les Libanais pour mettre fin à la guerre qui se poursuivait depuis 1975 et qui avait fait apparaître puis disparaître le mouvement du 14 Mars. Le Taëf des Libanais avait besoin de nombreux toilettages, mais opérés par les Libanais. Le patriarche avait résisté soutenu par sa foi, celle qui arrache les montagnes. Il s'était aussi armé de patience à l'exemple du Christ qui avait souffert sur la croix pour le salut de l'homme. Aussi avait-il réussi à sauver Taëf et ceux qui avaient agressé alors Bkerké à cause de Taëf ont été battus. Le patriarche a pris à sa charge la tâche de rétablir l'amour et la cohésion dans le pays, faire que les citoyens soient choyés dans la maison Liban.
En ces circonstances difficiles, il a fait passer le message céleste du stade d'émanation au stade de langage soufi, et du stade de conquête au stade de prière. Le discours des religieux qui n'était plus que tapage en ces temps-là est devenu civilisateur.
Au cours de la période de colonisation et de la tutelle baassiste, il a régi avec sagesse une résistance civile chrétienne et fait que Bkerké ne soit plus un abri protecteur pour son seul propriétaire, mais la personnification même de la tribu toute entière, ce qui a conservé au siège patriarcal son orgueil.
C'était une époque hideuse, bourrée de scandales, de trahisons, de méfaits, où disparaissait toute virilité. Le patriarche Sfeir avait résisté et fait du Liban une terre où germent le blé et les prophètes.
Son deuxième grand combat a eu lieu lors du déclenchement de la révolution syrienne. Il n'a pas commis l'erreur de soutenir le régime de la répression et du meurtre en réponse à Daech, à ses agissements horribles et à son oppression des chrétiens, et des musulmans tout autant, mais est demeuré résistant et n'a pas fait le voyage de Damas, le régime des Assad et Daech constituant pour lui les deux faces de la même médaille. Au lieu de transformer Bkerké en une équipe de supporteurs sportifs de Damas, il en a fait une succession de rêves que le musulman, avant le chrétien, traduit en disant que les chrétiens justifient l'existence du Liban message.
Ses combats étaient toujours ceux qui opposaient Gibran Khalil Gibran à la vermine !
Par son œuvre, l'image de l'homme de religion a été débarrassée de la souillure imprimée par la violence et a recouvré son aspect premier, celui de la tolérance et du pardon.
Ce fut le chevalier qui envahit le soleil. Au temps où les Libanais vendaient la lune pour acheter les séismes et vendaient le paradis pour loger dans les dunes, il avait su comment rejeter le fanatisme religieux. Il demeurera le fleuve qui nous donnera à boire et qui nous parera de roses et de marguerites.
Il n'a jamais souffert de fatigue en son combat pour éviter au Liban tout blâme ou sanction. Si Florence est fière de Michel-Ange, Venise de ses verreries, Jérusalem du nombre de ses saints et prophètes et Bassora de ses millions de dattiers, le Liban est fier du fait que le patriarche Nasrallah Sfeir est le patriarche des musulmans avant d'être celui des chrétiens.
Abdel Hamid EL-AHDAB
Avocat
commentaires (4)
Me. Abdul-Hamid el-Ahdab est plus chrétien que certains chrétiens, plus maronite que certains maronites et plus Libanais que certains Libanais. Merci Maître, de la part d'un maronite kesrouanais.
Un Libanais
12 h 06, le 19 novembre 2015