22 novembre 1943. Après des mois de tractations, le Liban devient indépendant. Fini le mandat français. Finies ces « 23 années françaises ». Ça y est, il y a 72 ans, le Liban devenait autonome. Un grand garçon. Le Liban tel qu'on connaît ses frontières depuis 1920, le Liban libre, indépendant et souverain, est septuagénaire. De nos jours, à 70 ans, on est plein de vie et plein d'entrain. En superforme. Ce n'est pas le cas pour notre pays qui ressemble plus à un vieux croulant amnésique qu'à De Niro, Pacino, Jack Nicholson, Morgan Freeman ou Clint Eastwood, fringants beaux gosses qui allient avec grâce histoire et modernité.
Le Liban, lui, est (in)dépendant de ses politiques, de ses voisins et des autres pays du monde. Et il aurait mieux fallu, pour nous, dépendre encore de la France. Avouez-le, quand on voit le gouffre abyssal dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui et dont on n'est pas prêt de sortir (soyons lucides), on se demande si nos prédécesseurs n'ont pas pris la mauvaise décision. On aurait dû rester sous mandat. Surtout que nous n'étions pas une colonie, mais sous tutelle. Et un tuteur, que ce soit au niveau de l'enseignement ou pour permettre à nos tiges de rester droites, on en a (eu) sacrément besoin. Où serions-nous aujourd'hui, en 2015, si nous avions gardé le drapeau bleu blanc rouge cèdre ? Comment aurions-nous vécu ?
Allez, on peut rêver un peu. « Triper » beaucoup même.
Si nous étions restés « français », on aurait peut-être été un département. Le 102e. C'est sympa le numéro 102. Bon OK, le 92 aurait été plus approprié. On aurait pu être aussi un arrondissement. Le 21e. Quoi que les Libanais auraient préféré être le 16e. On aurait voté aux municipales, aux législatives, à la présidentielle. Et, au moins, on aurait voté. Les Libanais (et pas seulement les maronites) auraient pu se présenter aux présidentielles, et ils auraient foutu un sacré bordel. Comme par exemple faire un mashup des deux hymnes nationaux, ou, malgré les 35 heures, proposer le même nombre de jours fériés que maintenant. Et yalla, les deux Pâques, Adha, l'Eid, Noël arménien, etc.
Bon, niveau administratif, ce serait exactement la même chose, puisque nous avons hérité du système français. Glande des fonctionnaires, la corruption en plus. Notre devise aurait été l'euro. Plus de calcul mental à multiplier les dollars par 1 500. On ne se serait pas emmerdé avec deux monnaies et on n'aurait pas eu la dévaluation. Non, ça aurait été plus simple : 1 euro L'Orient-Le Jour, 2 euros le valet parking, 3 euros la man'ouché, 4 euros un magazine. On aurait tous été français. Plus de queue au TLS ou de bahdalé pour avoir son visa Schengen. Et puis, on aurait eu un « État » laïc. Le pied. Les Libanaises auraient donné leur(s) nationalité(s) à leurs enfants. Les deux quoi. Elles auraient été tutrices légales de leurs gamins et auraient pu leur ouvrir un compte en banque. La plupart des écoles et des facs auraient été gratuites. Trainstation à Mar Mikhaël aurait été une vraie station de train et pas un bar. On aurait gardé le tramway, aurait eu l'électricité, l'eau courante et l'eau potable, un réseau cellulaire pas cher où Orange, Alfa, SFR et MTC se battraient en duel pour offrir des packages de malade avec Internet illimité pour la maison. Évidemment, on aurait eu un ramassage des poubelles, hein. On aurait eu la Sécurité sociale et on n'aurait plus supplié les hôpitaux de rentrer aux urgences avant l'accord des assurances. On aurait eu une adresse postale pour commander sans taxes douanières des trucs sur ebay ou net-à-porter. On aurait eu des vrais trottoirs, des gendarmes, un code de la route, une mer non polluée, des politiciens qu'on aurait arrêté pour avoir fraudé. On aurait eu des équipes de foot, le Beyrouth St-Germain avec un coq sur un cèdre estampillant le maillot, le FC Tripoli ou Saïda United.
On aurait eu plein de trucs. On aurait.
Lifestyle - Un peu plus
La non-demande d’indépendance
OLJ / Par Médéa AZOURI, le 14 novembre 2015 à 00h00
commentaires (11)
J'imagine les hurlements mais JM
RIGA Pavla
10 h 11, le 15 novembre 2015