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Culture - Dubaï Design Week

Au pays des émirs, le design se voudrait roi

Pour accompagner l'ultramodernité dont elle veut désormais se prévaloir, si ce n'est le futurisme de son architecture et de son urbanisme, il fallait à Dubaï sa Design Week. C'est désormais chose faite. La première édition de cet événement s'est déroulée du 26 au 31 octobre. Avec comme invitée de marque, une « ville iconique : Beyrouth », évidemment présentée sous les angles de l'architecture et du design de 1950 jusqu'à nos jours, dans une impressionnante exposition signée Rana Salam.

Rana Salam, conceptrice, curatrice et graphiste de Brilliant Beirut.

Dans cet émirat à l'ambition démesurée qui s'est hissé en une quinzaine d'années au top des destinations touristiques, commerciales, financières, mais aussi artistiques (en attirant de grandes maisons d'enchères et en instaurant, il y a 10 ans, sa foire d'art contemporain*), le volet design restait à développer. Certes, deux foires du meuble et de la déco ont été lancées ces 3 dernières années : Dubaï Design Days et Downtown Design. Mais il en fallait plus pour installer Dubaï sur la liste des grandes capitales du design. Et en faire le pôle névralgique de la communauté créative de la région MENASA. D'autant que la ville est candidate pour accueillir l'exposition universelle de 2020.
Sans doute, est-ce l'une des raisons pour lesquelles Art Dubaï Group (sous le patronage de Son Altesse cheikha Latifa bint Mohammad bin Rashid al-Maktoum, vice-présidente de la Culture & Arts Authority de l'émirat) vient d'instaurer la Dubaï Design Week (DDW). Avec pour objectif d'offrir, cette fois, au-delà de l'éventaire des nouvelles collections des grands éditeurs et distributeurs design, une plate-forme de production et de découverte de nouveaux talents (du Moyen-Orient notamment) dans les différents secteurs de créativité.
Bref, la DDW se voudrait plus « salon », avec ses activités parallèles, ses brassages d'idées, conférences, tables rondes et ateliers, que simple foire. Et si son directeur Cyrille Zammit « revendique sa grande diversité », ce n'est pas uniquement de pièces d'ameublement et objets de décoration dont il parle, mais de son ambition à présenter tout ce qui touche de près ou de loin à l'art (et la manière) de vivre... À l'instar du Global Grad Show, une initiative des plus intéressantes et l'un des points forts de cette semaine du design à Dubaï.

Designers de demain
Une exposition qui présente les projets les plus innovateurs conçus par les étudiants des plus importantes écoles de design du monde (Royal College of Art ; MIT ; Pratt Institut ; Hong Kong Polytechnic University...). Pour cette première édition, pas moins de 47 projets répartis sur six catégories (construction, santé, habitat, mémoire, jeux, travail) ont donné un aperçu du design de plus en plus technologique qui façonnera le monde de demain. Qu'il s'agisse de matériaux de construction réactifs aux conditions climatiques ou de matériel hospitalier et autre purificateur d'air (pour des pays comme la Chine) à appliquer sur ses vêtements durant les pics de pollution, les designers émergents privilégient désormais une créativité au service de solutions concrètes pour un développement durable et un monde plus viable. Une exposition prospectrice de nouvelles élites du design donc et qui servira certainement les ambitions émiraties en matière de production de produits.
Dans ce même esprit d'attraction du marché (et de l'industrie) design, l'émirat a d'ailleurs carrément érigé un « design district » : le D3. Un espace destiné à concentrer la « ruche créative » sur un territoire de près d'un million de m2 au cœur de la ville. Conçu par le célèbre bureau d'architecture Norman Foster and Partners, il offre à travers une série de bâtiments à l'architecture stylisée, équipés d'installations spécifiques, plus qu'un simple quartier d'affaires : un lieu de convergence des showrooms, ateliers, studios et laboratoires de création de toute personne ou entreprise opérant dans les domaines du design, de la mode, l'art et le luxe (designers, producteurs, graphistes, artistes, artisans...).
C'est dans ce district que se sont tenues naturellement la plupart des événements de la semaine du design et qu'étaient installés les six pavillons d'Abwab, présentant la création de six pays du Moyen-Orient, sur le thème (établi pour cette année) du jeu. Jordanie, Tunisie, Koweït, Pakistan, Émirats arabes unis et Arabie saoudite s'y sont donc prêtés avec des installations plus ou moins intéressantes. La plus surprenante étant celle de l'Arabie saoudite qui abordait la problématique de la détermination des genres, à travers le détournement d'un jeu traditionnel et de ses pions, réinventés en luminaires à poser au sol ou en selles de chevaux.

Creuset de créativité
C'est aussi en plein cœur du D3 que « trônait » (le mot n'est pas trop fort), sur un espace de 1 000m2, la gigantesque installation de Rana Salam, déroulant au moyen d'un dédale de panneaux narratifs et graphiques, ponctués d'objets cultes, l'histoire du design et de l'architecture de Beyrouth des années 50 jusqu'à nos jours. Intitulée Brilliant Beirut, cette exposition hommage à une ville iconique – première d'une série à retrouver annuellement à la DDW –, portait superbement son titre. La designer et graphiste libanaise y documente le développement du design dans la capitale libanaise au cours des sept dernières décennies à travers images, affiches, labels, objets, maquettes et textes présentant les réalisations (et les créateurs) emblématiques qui ont jalonné architecturalement, stylistiquement et graphiquement l'histoire de cette ville brillante. De l'immeuble du Carlton au Liza ; des logos de la MEA et packaging de Bonjus et Gandour aux créations de Nada Debs, Karen Chekerdjian, Karim Chaya ou encore Ghaith et Jad; de Georges Rayess, Assem Salam, Khalil Khoury à Karim Begdache, Youssef Thomé, Nabil Gholam et Bernard Khoury... Un retour visuel quasi exhaustif sur « la seule ville de la région à avoir un passé en matière de design », comme l'a fait remarquer l'un des visiteurs de l'exposition. Tandis que d'autres, pas forcément libanais, soutenaient avec émotion qu'elle reste, par son mélange de cultures et en dépit (on pourrait même dire à cause) du chaos dans lequel elle baigne, le creuset de créativité de la région.

Bernard Khoury ouvre les conférences
Sinon, avec sa quinzaine d'installations artistiques et décoratives disséminées un peu partout dans la ville, la semaine du design aura également servi à introduire sur la scène internationale le travail des artistes et designers locaux. Lesquels tentent de piocher dans leurs traditions et leurs racines les ingrédients d'une créativité audacieusement moderne, mais qui démontre néanmoins un fort sentiment d'appartenance identitaire. À l'instar de Ruches, une très belle installation spécifiquement créée pour la place de Jumeirah (Beach) à partir de 575 unités sphériques faites main par l'artiste conceptuelle émiratie Latifa Saeed en collaboration avec l'artiste syrienne Talin Hazba...
Sans oublier le traditionnel design international de meubles et produits en provenance de 35 pays proposé dans le Downtown Design – désormais inclus dans la Dubaï Design Week.
Évidemment on ne peut pas – encore – comparer cette foire débutante à celles des grandes capitales du design (Milan, Copenhague, Londres ou Paris...), ne serait-ce qu'à cause de la fréquentation plutôt timide de ses expositions. Par contre, l'intérêt pour les rencontres et débats avec les architectes et designers stars est plus manifeste. C'était particulièrement palpable lors de la conférence donnée par Bernard Khoury en ouverture de la DDW. L'architecte libanais qui présentait, avec le bagoût qu'on lui connaît, quelques-unes de ses réalisations majeures, a fait salle comble.
Beyrouth, en somme, était bien présente et représentée à Dubaï.

*Art Dubaï, établie depuis 10 ans déjà, se tiendra du 16 au 19 mars 2016.

 

 

Pour mémoire
Beirut Design Week : faire de Beyrouth la capitale du design dans la région

 

Dans cet émirat à l'ambition démesurée qui s'est hissé en une quinzaine d'années au top des destinations touristiques, commerciales, financières, mais aussi artistiques (en attirant de grandes maisons d'enchères et en instaurant, il y a 10 ans, sa foire d'art contemporain*), le volet design restait à développer. Certes, deux foires du meuble et de la déco ont été lancées ces 3...

commentaires (1)

Super que Bernard Khoury aille faire ses cerceuils ailleurs. Ca nous evitera d'avoir encore plus de ses horreures dans notre ville

George Khoury

09 h 53, le 05 novembre 2015

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Commentaires (1)

  • Super que Bernard Khoury aille faire ses cerceuils ailleurs. Ca nous evitera d'avoir encore plus de ses horreures dans notre ville

    George Khoury

    09 h 53, le 05 novembre 2015

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