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Liban - Commémoration

Hani Fahs, le génie de la modération...

La première commémoration de la disparition de l'uléma Hani Fahs, au siège du Mouvement culturel à Antélias, est une immersion, empreinte de lyrisme, dans l'intimité intellectuelle de cet « éclairé de la modération ». Plusieurs partenaires se sont alliés pour rendre hommage à ce « modèle immuable » d'humanisme, qui a été membre du Conseil supérieur chiite et cofondateur du Congrès permanent du dialogue islamo-chrétien : le comité culturel du Liban-Sud, le Mouvement culturel Antélias, la Ligue des amis de Kamal Joumblatt, le Club culturel arabe, la Ligue culturelle de la ville de Tripoli, le Conseil culturel de la ville de Zahlé, le Comité national de Gebran et le Forum culturel de Tyr. L'événement s'est déroulé en présence des représentants respectifs de l'ancien président de la République, Michel Sleiman (Nazem Khoury), du chef des Kataëb Samy Gemayel (Sassine Sassine), du ministre de l'Intérieur (Jad Akhawi) et du commandant en chef de l'armée. Il y avait aussi le député Ahmad Fatfat, le secrétaire du Renouveau démocratique, Antoine Haddad, et de nombreuses figures politiques, sociales et académiques.

Lorsque l'assistance n'est pas pénétrée par le génie de la pensée de Hani Fahs (systématisée par Antoine Seif, secrétaire général du Mouvement culturel d'Antélias, l'écrivain Karim Mroué et l'académicien Mohammad Chaaya), elle se laisse absorber par la musique du verbe, manié avec talent par le ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas, le poète Kozhaya Sassine et la journaliste Majida Dagher, modératrice. La rhétorique cathartique suscite dans les sens ce que la pensée de Hani Fahs inspire à l'intérieur de l'être.


(Lire aussi : Relire Hani Fahs)

 

Conceptualisation de l'ouverture
Dans ses apprentissages, l'ancien doyen de l'Institut des sciences sociales à l'Université libanaise, Mohammad Chaaya, a puisé les éléments d'« une théorie complète qui est une tentative de fonder une culture de l'ouverture ». Faute de pouvoir être exhaustif, M. Chaaya en a toutefois dégagé des idées-forces, illustrées par des citations de l'uléma disparu : l'altérité nécessaire et l'unité perverse.
« Le sayyed avait fait l'apologie de la diversité, voire de la divergence d'opinions, l'unilatéralité étant vouée à disparaître », fait-il remarquer, en se basant sur la citation suivante de Hani Fahs : « Cela est sans doute un acquis de toutes les sciences, que l'uniformité est synonyme de stagnation et que la différence est donc nécessaire pour atteindre la créativité cognitive et pratique. »
Selon l'uléma, « la différence est non seulement admissible, mais elle est indispensable à la créativité », fait remarquer l'ancien doyen. « La différence, qui inclut les contrastes, les antagonismes, les divergences, les contradictions et les négations mutuelles, voire aussi la falsifiabilité, s'est avérée, comme l'a écrit Hani Fahs, le moteur du renouveau, de l'efficacité et de la créativité », précise-t-il.

Le deuxième élément de « sa théorie cognitive » de l'ouverture est que « toute unité exagérée engendre inévitablement la division ». En effet, selon Hani Fahs, tel qu'expliqué par Mohammad Chaaya, « prétendre détenir l'entière vérité sur les questions religieuses ou politiques signifie que l'autre n'a pas droit de cité et doit être circonscrit ou annihilé ». L'annulation de l'autre engendre « le recours à la violence pour unifier la diversité », devait encore écrire Hani Fahs.
C'est sur cette base qu'il a abouti à une conclusion critique sur l'unité de l'islam, une conclusion qui, selon Mohammad Chaaya, n'a pas d'équivalent chez d'autres : « Si nous œuvrons à rapprocher les musulmans, ce n'est pas dans le but d'accomplir l'unité globale, celle-ci pouvant tenter certains de convertir les chiites au sunnisme, les sunnites au chiisme, et les Kurdes à l'arabité par exemple. Comme si l'autre confession était une autre religion... Si l'on concède que la liberté est une condition humaine et divine, que faire de ceux qui s'agrippent à leurs croyances (dans l'entreprise d'unification de l'islam) ? » avait conclu Hani Fahs, tel que cité par Mohammad Chaaya.

 

(Pour mémoire : Avec le décès de Hani Fahs, la communauté chiite libanaise perd une de ses grandes figures)

 

Surmonter son propre radicalisme
L'altérité qui définit en grande partie le discours de l'uléma est le résultat d'une compréhension préalable de sa propre identité. C'est cette « réconciliation entre ses différentes identités » que décrit Antoine Seif. Il revient sur des propos de l'uléma qui remontent à 1985 : « J'étais radical et j'ai grandi. Mon expérience s'est élargie et m'a immunisé contre les erreurs et les trahisons. J'ai commencé à tendre vers la modération. » Une modération que M. Seif désigne par « le centrisme humain », qui a insufflé, selon lui, l'article de Hani Fahs, "Je pardonne, je ne pardonne pas". « Jamais la polémique ne l'épuisait. Il l'avait convertie en dialogue, en devoir de dialoguer et de comprendre son interlocuteur dans tout son humanisme en tiraillement. » Dans cet esprit, « il a refusé la nomenclature de minorités, la jugeant injuste, et lui préférant le concept de diversité culturelle ».
C'est jusque dans sa théorie de l'État que ce dignitaire chiite assumera sa foi dans l'homme, pris dans son individualité.


(Pour mémoire : Hani Fahs : Il semble que la mémoire impérialiste iranienne se soit réveillée)

 

Séparation de l'État et de la religion
Pour Karim Mroué en effet, l'une des contributions les plus importantes et les plus audacieuses de Hani Fahs est sa thèse sur la nécessité de séparer l'État et la religion. « Il estimait que l'État civil est le fondement des nations et qu'il n'existe pas d'État dans l'islam, dans le sens que véhiculent ceux qui veulent réprimer la liberté de pensée, la liberté de conscience et la liberté de l'action humaine, au nom d'un islam interprété à l'encontre des valeurs humaines qui lui sont pourtant inhérentes. » Ne concédant d'autre forme de l'État que celle d'un État civil moderne, Hani Fahs avait estimé que « la séparation de l'État et de la religion est une nécessité historique, en ce qu'elle libère d'une part la religion, et de l'autre l'État », explique Karim Mroué. Dans cet esprit, Hani Fahs a entrepris une « recherche profonde sur tout ce qui a trait aux fonctions de l'État, étant déterminé à démontrer que ces fonctions convergent sur la protection du droit des citoyens à une vie libre et digne », souligne l'écrivain. C'est dans ce concept de l'État que Hani Fahs a puisé « son concept de la vraie résistance, celle qui, au lieu de se substituer à l'État, tend à le compléter et à le soutenir », explique M. Mroué, précisant que l'uléma avait œuvré « fermement à ce que l'État assume son devoir de résistance ».
« C'est au nom des valeurs religieuses et civiles pour lesquelles il s'est engagé – l'homme pour lui était la valeur première sur cette terre – qu'il a défendu l'indépendance, la souveraineté et la liberté du Liban », précise l'écrivain.
C'est par « un génie exceptionnel qu'il a réussi la fusion entre son patriotisme libanais et son nationalisme arabe – la Palestine était sa passion et son souci permanent. C'est au nom de sa citoyenneté libanaise sincère que sayyed Hani s'est érigé en nationaliste arabe par excellence ».

 

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commentaires (2)

FAHS... SADR... AL AMINE... TOUS LE SAVENT ET TOUS L,ONT PAYE CHER...

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 37, le 06 novembre 2015

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • FAHS... SADR... AL AMINE... TOUS LE SAVENT ET TOUS L,ONT PAYE CHER...

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 37, le 06 novembre 2015

  • Un des rares à avoir compris le rôle néfaste que tiens l'Iran au Liban !!

    Bery tus

    14 h 41, le 05 novembre 2015

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