Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Analyse

Quel impact réel de la Russie sur le terrain en Syrie ?

Moscou s'est réuni hier avec les adversaires résolus du régime de Bachar el-Assad, Washington, Riyad et Ankara, dans une conjoncture marquée par un équilibre précaire sur le terrain militaire.

Un avion russe, à Lattaquié. Ministère de la Défense russe/Handout via Reuters

Les chefs des diplomaties américaine, saoudienne, turque et russe se sont retrouvés, hier, à Vienne pour entamer les pourparlers sur la crise syrienne. Cette rencontre intervient dans un contexte où l'intervention russe en Syrie engagée depuis trois semaines n'a pas substantiellement transformé la donne. L'offensive est à restituer dans le cadre plus large d'une confrontation globale entre la Russie et les États-Unis. Elle comporte un enjeu crucial pour Moscou, qui ressent encore durement les effets des sanctions internationales consécutives à son rôle dans la crise ukrainienne, et tente de revenir dans la course au leadership pour retrouver une position qui s'est érodée depuis la fin de la guerre froide. Son objectif déclaré en Syrie est de « stabiliser les autorités légitimes et de créer les conditions pour la mise en œuvre d'un compromis politique » (déclaration du président russe Vladimir Poutine le 11 octobre 2015). Cette intervention, d'une durée limitée de 3 à 4 mois, vise donc à faire basculer les rapports de force pour renforcer l'initiative russe en faveur d'une solution politique négociée.

 

(Lire aussi : En Syrie, c'est Moscou, et non plus Téhéran, qui mène la danse)


Or, sur le terrain, les avancées sur plusieurs fronts n'ont pas encore permis une évolution décisive. Le retard lié aux contraintes logistiques dans la livraison d'armement aux rebelles de l'opposition semble rattrapé avec l'envoi récent de missiles TOW (d'une portée supérieure à 3,5 km), à des formations de l'Armée syrienne libre (ASL), déployés sur les lignes de front à Hama. Le porte-parole du groupe rebelle Fursan al-Haq, Ahmad al-Chouhoub, a déclaré à l'AFP que ces missiles auraient permis de contenir la progression des forces du régime et seraient responsables de la destruction de dizaines de chars d'assaut. Par une confrontation susceptible de s'installer dans la durée, les Russes seraient amenés à réviser l'échéance initiale de la fin de l'intervention militaire en Syrie. Comme l'a énoncé le théoricien militaire prussien Carl Philipp Gottlieb Von Clausewitz, la guerre a sa propre vie qui supplante les objectifs de ceux qui l'on vu naître. « Dès que la politique l'a mise en œuvre, la guerre, de par sa volonté, usurpe la place de la politique ; elle met la politique hors jeu et réglemente l'événement suivant les lois de sa propre nature », a-t-il écrit dans son ouvrage De la guerre.
Dans ces conditions, et en l'absence d'une solution politique viable, l'intervention russe pourrait rencontrer des limites.

 

(Lire aussi : Que veut la Russie en Syrie ?)

 

Sur le plan militaire
Selon Patrice Gourdin, professeur d'histoire contemporaine à l'École de l'air (France) et spécialiste des questions de défense et de géopolitique, l'état de l'outil militaire russe n'autorise vraisemblablement pas une intervention d'envergure sur la longue durée. « Hormis en matière d'armement nucléaire, la modernisation entreprise depuis 25 ans n'a toujours pas ramené la Russie à un niveau quantitatif et qualitatif proche de celui des États-Unis. Dans le cas syrien, notons qu'elle a une faible capacité de projection de ses forces, une chaîne logistique fragile et que l'été 2015 a été émaillé de défaillances de son outil aérien militaire sur son propre sol », explique l'analyste.
Igor Delanoë, directeur adjoint de l'Observatoire franco-russe, le centre d'analyse de la CCI ( Chambre de commerce et d'industrie) France-Russie, explique pour sa part que l'arsenal militaire déployé en Syrie actuellement est adapté en termes de capacité à l'objectif
d'« appuyer » les forces du régime. Il constate également deux limites en termes de capacités militaires : « La première concerne les bombes à guidage haute précision qui sont coûteuses ; il faut donc déterminer dans quelle mesure elles peuvent continuer d'être utilisées. La deuxième a trait au ravitaillement en carburants des appareils. »
La relative modestie de l'engagement russe sur le terrain (Moscou excluant toute intervention au sol) offre donc un contraste saisissant avec les avancées sur le terrain politique. Les positions diplomatiques des acteurs régionaux ont connu une réelle inflexion. En ce sens, Patrice Gourdin relève que le président russe « Vladimir Poutine ne joue pas aux échecs (contrairement à la métaphore éculée que certains répètent). Il se comporte bien plutôt comme un joueur de poker qui bluffe avec peu de cartes dans son jeu ».

 

(Vidéo : Avec les soldats russes présents en Syrie (caméra cachée))

 

Force politique
Dès le début du conflit syrien, la Russie a exprimé avec clarté et constance son soutien à Bachar el-Assad, face à Ankara, Riyad et Washington, et déclaré qu'il devait faire partie de la solution. Or aujourd'hui, la Turquie a renoncé au préalable du départ immédiat de Bachar el-Assad et pourrait l'inclure dans une solution transitoire. Comme le rappelle Igor Delanoë, « le président turc Recep Tayyib Erdogan a déjà fait savoir qu'il accepterait que Bachar reste au pouvoir pour une période de 6 mois. Du côté de Riyad, il y a également des avancées. Aujourd'hui, la principale préoccupation de l'Arabie saoudite est moins le président Assad que l'accroissement de l'influence iranienne dans la région consécutive à l'accord sur le nucléaire ».
Or la question qui demeure en suspens est celle de savoir si Moscou entend soutenir le président Assad jusqu'au bout, ou si celui-ci pourrait faire l'objet d'un marchandage dans la recherche d'une solution politique acceptable sur le long terme. Pour Patrice Gourdin, « la Russie veut sauver le régime dirigé par Bachar el-Assad ; la survie de ce dernier paraît moins importer au Kremlin que le maintien au pouvoir de ses alliés fédérés au sein du parti Baas ». De son côté, Igor Delanoë s'interroge sur le sens de la visite de Bachar el-Assad avec les risques que comportait ce déplacement : « Je pense que le président syrien voulait obtenir des garanties sur sa personne, et sur son clan, dans l'hypothèse d'un marchandage entre Russes et Iraniens. Je ne crois pas que Moscou soit pour l'instant prête à lâcher Assad. Elle a toujours considéré que la décision revenait au peuple syrien et déclaré que Bachar est le représentant légitime de la Syrie. Mais lorsque l'on regarde de près la déclaration officielle du Kremlin, elle réaffirme qu'une solution négociée doit inclure tous les clans, toutes les minorités, position éloignée de celle du président syrien ».


Cependant, si cette visite soulève la question épineuse du devenir du président syrien, le contexte dans lequel elle intervient est assez révélateur. La rencontre ne s'est pas faite discrètement sans effet d'annonce. Cette rencontre personnelle entre les deux présidents comporte une dimension symbolique et politique forte, surtout qu'elle s'est déroulée en dehors du territoire syrien, au risque d'une révolution de palais. Le président Assad a montré qu'il n'était pas assiégé chez lui, et que son alliance avec Moscou semble plus solide que jamais.
 

 

Dossiers

Syrie : qui combat qui, et où

Syrie : la diplomatie dans tous ces États

 

Les chefs des diplomaties américaine, saoudienne, turque et russe se sont retrouvés, hier, à Vienne pour entamer les pourparlers sur la crise syrienne. Cette rencontre intervient dans un contexte où l'intervention russe en Syrie engagée depuis trois semaines n'a pas substantiellement transformé la donne. L'offensive est à restituer dans le cadre plus large d'une confrontation globale entre...

commentaires (7)

Le champ pétrolifère de Vankor, dans le Nord de la province sibérienne de Krasnoïarsk, contient 520 millions de tonnes de pétrole et 95 milliards de mètres cubes de gaz naturel. C’est le projet industriel le plus important de la Russie pour les 10 prochaines années. La Russie prévoit d’augmenter la production de pétrole de ce champ de 442,000 barils/jour à 1 million de barils par jour. En outre, elle prévoit la construction d’un pipeline géant pour le gaz et le pétrole pour approvisionner la Chine.

FAKHOURI

12 h 59, le 25 octobre 2015

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Le champ pétrolifère de Vankor, dans le Nord de la province sibérienne de Krasnoïarsk, contient 520 millions de tonnes de pétrole et 95 milliards de mètres cubes de gaz naturel. C’est le projet industriel le plus important de la Russie pour les 10 prochaines années. La Russie prévoit d’augmenter la production de pétrole de ce champ de 442,000 barils/jour à 1 million de barils par jour. En outre, elle prévoit la construction d’un pipeline géant pour le gaz et le pétrole pour approvisionner la Chine.

    FAKHOURI

    12 h 59, le 25 octobre 2015

  • Une source du Hezbollah, un groupe chiite proche de Téhéran, a indiqué qu’il y aurait un accord entre Vladimir Poutine et Bachar El-Assad concernant les prisonniers qui seront capturés dès maintenant en Syrie, surtout ceux de l’EI. Ceux qui ne sont pas citoyens syriens, comme leurs instructeurs saoudiens, qatari, koweïtiens, turcs et émiratis, et qui seront capturés par l’armée syrienne seront remis aux Russes. Selon cet accord, la Russie les embarquerait à bord des avions AN-124 qui transportent quotidiennement des armes et des minutions en Syrie, lors de leurs retours en Russie.

    FAKHOURI

    12 h 59, le 25 octobre 2015

  • Je ne sais pas si cet article a ete ecrit avant que la nouvelle d'une coordination Russe NPM avec les jordaniens n'aient ete revele ou si cet article completement ecrit pour des besoins de desinformation type osdh/afp l'a sciemment ignore . Mais suite a cette nouvelle , je me demande comment les us peuvent donner des feux verts rouges ou arc en ciel , si ces feux doivent nuire a leur propre politique dans la region . Faut pas etre bête , la visite de natibaba et ses 40 voleurs et cette coordination russo/jordanienne nous disent bien que le bateau us/bensaoudo/occicon est bien entrain de couler , les rats quittent le navire . C'est pas cette question d'armes livrees ou pas qui pourraient donner du credit a cet artcle bacle , les russes n'ont encore rien montre sur le terrain. Une chose est sure , ils n'ont pas fait le voyage pour voir leur Heros partir comme Kaddafi , mais s'il doit partir , ils en ont fixe les regles .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 47, le 24 octobre 2015

  • Les supposés experts français parlent beaucoup trop...! mais...a noter que... NI Normal 1er , NI Fabius ... furent convié à cette importante conférence de Vienne...! ok , nous comprenons que Normal 1er , est occupé et fait du pédalo en Grèce chez son camarade Tsipras et pose sur la photo avec l'ancien cuisinier de l'Elysée....

    M.V.

    09 h 32, le 24 octobre 2015

  • LE FEU VERT DONNÉ À MOSCOU N'EST PAS ÉTERNEL... DANS SON JEU DE ROULETTE RUSSE POUTINE RISQUE DE SE FAIRE TIRER SUR SOI-MÊME SUR LA TÊTE LA SEULE BALLE DU REVOLVER... IL A RÉUNI LES TROIS ADVERSAIRES D'ASSAD... LES AMIS IL S'EN FOUT CAR LUI SEUL DÉCIDE POUR LEUR COMPTE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 36, le 24 octobre 2015

  • "Je pense que le président syrien voulait obtenir des garanties sur sa personne, et sur son clan, dans l'hypothèse d'un marchandage...." Tout simplement.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 40, le 24 octobre 2015

  • Tout à fait comme lorsque Hitler tenta désespérément de remettre en selle Mussolini avec sa "république" fantoche de Salo(aud)-style Äalaouîtie, et qui a fini malgré tout accroché par les guibolles avec sa Clara (Asma) de malheur.... Basta !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 21, le 24 octobre 2015

Retour en haut