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Moyen Orient et Monde - Analyse

Quelles seront les conséquences du décloisonnement stratégique de Téhéran ?

La levée des sanctions contre l'Iran inscrite dans l'accord historique de Vienne pourrait s'avérer un facteur de bouleversement géopolitique majeur à l'échelle régionale.

Le chef de la diplomatie Mohammad Javad Zarif et son homologue John Kerry le 2 avril 2015 à Lausanne. Brendan Smialovski/AFP

Un premier pas important a été franchi dans la mise en œuvre de l'accord nucléaire historique signé à Vienne le 14 juillet par Téhéran et le groupe 5+1, avec l'adoption dimanche par les États-Unis et l'Union européenne des cadres législatifs et réglementaires pour la levée de toutes les sanctions économiques et financières contre l'Iran. Cette levée des sanctions qui sortirait l'Iran de l'isolement risque d'avoir des conséquences géopolitiques majeures et de modifier les rapports de force régionaux.
Dans son ouvrage Géopolitique de l'Iran, le politologue iranien Mohammad Reza Djalili rappelle les atouts géostratégiques d'un pays charnière entre le monde arabe, turc, indien et russe, situé à l'intersection de trois mers (la mer Caspienne, le golfe Arabo-Persique, la mer de Oman), généreusement doté en ressources naturelles (pétrole et gaz). Cette situation exceptionnelle « devrait, théoriquement, lui permettre de multiples possibilités d'ouvertures et d'échanges, et contribuer à faire de son territoire un espace de transit à l'échelle eurasiatique ».

 

(Lire aussi : L'accord avec l'Iran aurait dû être signé il y a 10 ans, le commentaire de Gareth Evans)


Or, 35 ans de politique occidentale d'endiguement et de diplomatie coercitive imposés à l'Iran ont eu un impact lourd non seulement sur l'économie iranienne, mais aussi sur le développement économique et sécuritaire régional. Selon Milad Jokar, analyste politique spécialiste de l'Iran associé à l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), « les sanctions ont isolé l'Iran de manière anormale. Le vide économique créé entre New Delhi et Istanbul, et l'interruption des relations commerciales sur le plateau iranien ont été un facteur d'instabilité. Le gouffre créé a formé une situation perdant-perdant pour l'Iran, ses voisins et les puissances occidentales du point de vue économique et géostratégique ».
L'accord de Vienne, en ouvrant la voie à une normalisation des relations avec l'Iran, modifie donc l'équilibre des rapports de force géopolitiques. La réintégration de l'économie iranienne dans le marché mondial va impulser des échanges multiformes, et pourrait jeter les bases d'une coopération économique et culturelle qui entraînerait les pays voisins d'Asie du Sud-Ouest et du Moyen-Orient dans un cercle vertueux de stabilisation. Ainsi, l'article « Pivot to Persia » paru le 16 juin 2014 dans le magazine américain Foreign Policy, qui reproduit la célèbre citation de Jimmy Carter en 1977 (« L'Iran est une île de stabilité dans une région tourmentée ») et dresse le parallèle avec les autres pays de la région aujourd'hui, présente l'ancien président des États-Unis comme un visionnaire qui a parfaitement décrit l'Iran post-2011. Milad Jokar note que cette stabilité de l'Iran et son retour « sur le devant de la scène offrent enfin une nouvelle alternative ». « Nous n'avions que peu de leviers pour faire face aux crises qui frappent le Moyen-Orient ».

 

(Lire aussi : Après l'accord, le commentaire de Volker Perthes)

 

Médiateur
En effet, depuis 2011, le Moyen-Orient connaît un cycle de violences sans rémission dans un contexte marqué par le retrait progressif des États-Unis et leur redéploiement vers l'Asie-Pacifique annoncé par Barack Obama le 5 janvier 2012. Cette nouvelle stratégie, qui officialise l'engagement américain dans une région cruciale pour la défense des « intérêts vitaux » de Washington, et le besoin de concentrer leurs efforts à l'Est ont permis une évolution dans la perception de la crise nucléaire. La rationalité géopolitique et la volonté américaine d'endiguer la Chine ont favorisé la pacification des relations entre Téhéran et Washington dans l'objectif de neutraliser l'Iran, tout en laissant apparaître des convergences entre les deux pays.
Milad Jokar insiste sur l'importance de la résolution de la crise nucléaire pour déverrouiller le dialogue sur d'autres dossiers. Selon lui, « la question du nucléaire bloquait toute discussion. Il est désormais possible d'espérer des pourparlers directs sur la Syrie, l'Afghanistan ou le Yémen. Jusqu'à présent, l'Iran a été exclu de la table de négociations sur la Syrie. Le résultat est sans appel : c'est un échec. Ce serait également un échec d'exclure l'Arabie saoudite. La résolution des crises en Syrie et au Yémen passe par la négociation entre l'Arabie saoudite et l'Iran. Les deux rivaux devront parvenir à trouver des compromis si leur priorité est d'éradiquer Daech (acronyme arabe de l'État islamique, ou EI). Le manque de compromis et de dialogue a pour le moment laissé trop d'espace à l'escalade des conflits, et les options militaires font le jeu d'Aqpa (el-Qaëda dans la péninsule Arabique), le Front al-Nosra ou Daech ». Cependant, si la reconnaissance du rôle de l'Iran dans la sécurité collective régionale est en bonne voie, cette puissance régionale ascendante rencontre des limites.

 

(Lire aussi : Téhéran met en garde les investisseurs étrangers contre ses « parasites corrompus »)

 

Méfiance réciproque
Ce pays doit élaborer un nouveau logiciel démocratique s'il veut optimiser ses politiques et asseoir sa légitimité, relève ainsi Bernard Hourcade, directeur de recherches au CNRS et spécialiste de l'Iran. « Ces 35 ans d'isolement de l'Iran ont également représenté les 30 glorieuses des pétromonarchies du Golfe ; l'Iran se réveille et prend la mesure de sa faiblesse par rapport à l'Arabie saoudite. Or, cet accord sur le nucléaire ne fait que libérer l'Iran des contraintes paralysantes, il est libre d'agir comme toute puissance normale, mais il va devoir trouver un nouveau fonctionnement. »
Quant à la deuxième limite principale, elle a trait à la nature de la relation irano-américaine. Contrairement au cas de l'Inde devenue en quelques années un partenaire stratégique de premier plan de Washington pour contrebalancer l'influence de la Chine, le rapprochement stratégique irano-américain semble encore exclu. Les diatribes réciproques ont fait place au réalisme politique après plus de trois décennies d'inimitié, mais pour autant les rivalités entre Téhéran et Washington ne vont pas disparaître. D'après M. Jokar, « l'élection présidentielle américaine est un obstacle-clé à l'effort diplomatique remarquable mené par (le président américain Barack) Obama et (le secrétaire d'État John) Kerry. Les républicains ne peuvent pas faire campagne sur l'idée de rapprochement avec l'Iran, et même Hillary Clinton a indiqué lors du débat entre démocrates que "les Iraniens" font partie de ses ennemis. Cette rhétorique est un frein à l'élan diplomatique ». Il souligne également, du côté iranien, la méfiance liée au contentieux historique américano-iranien. Il estime notamment que « les sanctions (principalement américaines) ont été vécues comme une terrible injustice par les Iraniens qui ne sont pas prêts de les oublier. Nombreux sont ceux qui estiment que l'agenda du Congrès américain est de renverser la République islamique. Un rapprochement n'est pas impossible, mais les obstacles politiques restent nombreux, et la mise en place de partenariats stratégiques et pragmatiques est rendue difficile par les jeux politiques ».

 

 

 

Un premier pas important a été franchi dans la mise en œuvre de l'accord nucléaire historique signé à Vienne le 14 juillet par Téhéran et le groupe 5+1, avec l'adoption dimanche par les États-Unis et l'Union européenne des cadres législatifs et réglementaires pour la levée de toutes les sanctions économiques et financières contre l'Iran. Cette levée des sanctions qui sortirait...

commentaires (3)

ON APPRIVOISE LE CHEVAL AVANT DE LUI PASSER LE HARNAIS...

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 03, le 21 octobre 2015

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Commentaires (3)

  • ON APPRIVOISE LE CHEVAL AVANT DE LUI PASSER LE HARNAIS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 03, le 21 octobre 2015

  • Tout ce mic mac mediatique pour dire que l'Iran est devenue la Nouvelle Puissance Regionale , malgre 35 ans de sanctions , embargos et boycott divers . On brode et rebrode et on fignole et on s'etire etc... l'Iran possede l'armee la plus puissante de la sous region , et avec des armes qu'elle fabrique par ses propres moyens par elle meme et pour elle meme . COMME LES US , LES EUROP. LES RUSSES LES CHINOIS , LES INDIENS ETC..... ET CA VEUT DONNER DES COURS DE POLITIQUE ??? CA !!!

    FRIK-A-FRAK

    15 h 49, le 21 octobre 2015

  • Les conséquences immédiates ...c'est que le prix des tapis persans va augmenter....

    M.V.

    14 h 46, le 21 octobre 2015

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