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Moyen Orient et Monde - Éclairage

En cas d’échec de l’accord de Skhirat, la Libye risque de se transformer en une « seconde Somalie »

Les deux gouvernements de Tripoli et de Tobrouk ont rejeté le projet onusien d'un gouvernement d'union nationale, tout en affirmant vouloir continuer à participer aux pourparlers de paix.

À Benghazi, des membres des forces de sécurité assistant le 16 octobre à une manifestation contre le projet onusien d’union nationale. Esam Omran al-Fetori/Reuters

Trois mois à peine après le paraphe de l'accord par une partie des belligérants du conflit libyen à la station balnéaire marocaine de Skhirat, le projet d'un gouvernement d'union nationale a été rejeté par les deux camps. Ces derniers ont toutefois affirmé leur désir de poursuivre les négociations au Maroc sous l'égide des Nations unies et de leur envoyé spécial Bernardino León. Jusqu'à aujourd'hui, peu de progrès ont été enregistrés dans les pourparlers de paix entre les deux Parlements de Tripoli (Congrès général national – CGN) et de Tobrouk (reconnu par la communauté internationale). Début juillet, des discussions plus qu'ardues avaient donné lieu à un accord temporaire en partie accepté par les belligérants, mais largement soutenu par la communauté internationale.

Depuis, cette dernière n'a eu de cesse de presser les uns et les autres de trouver un consensus favorable à tous.
Il semblerait néanmoins que peu de possibilités s'offrent aux deux camps. « Quand on parle de l'accord de Skhirat, nous sommes face à l'unique offre de paix possible, et une dynamique de paix en Libye, en dehors de la proposition de M. Bernardino León, n'existe pas. Il n'y a pas d'autres offres politiques sérieuses, crédibles, et qui bénéficient d'un soutien régional et international », estime Hasni Abidi, politologue et directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) à Genève.

La balle est donc aujourd'hui dans le camp libyen, dans la mesure où les parties de l'est et de l'ouest, avec les autres parties périphériques, doivent négocier à l'intérieur, convaincre les parties réticentes, qui ont assisté aux différentes négociations, à accepter cet accord. De fait, rappelle le spécialiste de la Libye, il n'est pas accepté par tout le monde, notamment les proches du (chef de l'armée) le général Khalifa Haftar, dont le sort politique n'est pas mentionné par cette feuille de route ; d'autres garanties sont demandées de part et d'autre, mais n'ont pas été inscrites, notamment parce qu'il s'agit surtout d'un accord-cadre ouvert, flexible, qui permet d'être encore amélioré.

 

(Lire aussi : Pour le ministre tunisien de la Défense, le mur à la frontière avec la Libye protège son pays)

 

Sanctions = solution
En attendant, la communauté internationale (UE et États-Unis) pourrait, si certains venaient à compliquer la mise en place de ce processus, les soumettre à des sanctions internationales et/ou judiciaires, ce qui est une « très bonne solution », juge le politologue, selon lequel « une offre politique seule, sans pressions internationales ou menaces de poursuites judiciaires, n'a pas de chances d'aboutir ».
Il est à craindre que de telles pressions puissent bâcler la mise en place d'un processus mal construit, mais il est incertain également que les Nations unies puissent faire plus que ce qui a déjà été accompli. La formation d'un gouvernement d'union nationale est devenue une urgence, non seulement pour les Libyens, mais également pour les pays voisins et pour les Européens, pour lutter contre l'État islamique (EI) et trouver des solutions fermes contre les flux migratoires (dont la Libye est une plaque tournante cruciale), rappelle le chercheur.

(Lire aussi : La Libye, un repaire pour les extrémistes aux portes de la Tunisie)

 

Misrata, modèle à suivre ?
Des noms ont d'ailleurs été proposés pour la formation d'un gouvernement, comme celui de Fayez el-Sarraj, pour le poste de Premier ministre, mais ont été rejetés par le gouvernement de Tripoli. M. Abidi met ce refus sur le compte d'une surenchère de la part du gouvernement de Tripoli face à un gouvernement de Tobrouk particulièrement peu enthousiaste concernant un accord. « Mais je pense que Tripoli peut revenir sur sa décision, même s'il estime ne pas avoir eu la part du lion. M. León a d'ailleurs précisé que les noms proposés ne sont " valables " que pour une période transitoire et ne sont pas appelés à rester. C'est après cette période transitoire que nous verrons apparaître les décideurs politiques de la Libye. On est toujours dans une sorte de précampagne électorale, dans une situation de négociations pour chaque partie qui veut imposer ses conditions à Tripoli, ou ailleurs, comme à Misrata, qui a eu le gros lot dans ces négociations », dit-il. Et de souligner que la milice de Misrata, sur le plan tribal, est l'une des plus importantes et des plus influentes du pays, tout en étant la mieux équipée sur le plan militaire. Cette ville serait presque un État dans l'État, et a quasiment échappé à l'instabilité. D'ailleurs, sa vie politique, administrative et économique y fonctionne d'une manière presque normale, et c'est pour cette raison qu'il y a de fortes chances qu'elle devienne la locomotive de la transition provisoire.


Pour le politologue, les événements à venir dépendront du sort de l'accord de Skhirat : soit les Nations unies continuent dans leur médiation, soit la communauté internationale passe aux pressions politiques et aux sanctions/poursuites pénales contre toute personne gênant le processus de négociations. « Les Libyens doivent comprendre que la Libye risque fortement de se transformer en une seconde Somalie et entrera dans une guerre civile qui n'intéressera personne, en dehors de ses voisins », estime M. Abidi. Il est nécessaire de souligner que la crise migratoire et surtout la progression inquiétante de Daech (acronyme arabe de l'EI) motivent et mobilisent aujourd'hui la communauté internationale. Ces deux volets ont mis la Libye dans l'agenda prioritaire de la communauté internationale, et les Libyens doivent y percevoir une opportunité d'empêcher de voir leur pays disparaître. « L'offre de M. León souffre de certaines limites, mais elle est probablement la dernière chance pour les Libyens », conclut le politologue.

 

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L'ABRUTISSEMENT CHEZ TOUS LES ARABES L'EMPORTE TOUJOURS SUR LA LOGIQUE...

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 10, le 20 octobre 2015

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Commentaires (1)

  • L'ABRUTISSEMENT CHEZ TOUS LES ARABES L'EMPORTE TOUJOURS SUR LA LOGIQUE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 10, le 20 octobre 2015

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