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Nos Lecteurs ont la Parole - Louis INGEA

Propos de ringard ?

Il me prend l'envie, aujourd'hui, de commenter les lignes que je viens de lire et dont la portée a particulièrement attiré mon attention.
Il s'agit d'un long paragraphe tiré de l'un des écrits de Jean d'Ormesson. Un écrivain très connu en France, certes, mais chez lequel je n'avais personnellement apprécié jusqu'à présent que la verve de son esprit.
Je reproduis, ci-après, presque textuellement, certaines de ses phrases légèrement retouchées par commodité subjective. Vu que la vision qu'elles étalent à nos yeux est précisément celle que je partage et que j'ai déjà mise par écrit plus d'une fois.
« Le piège à éviter, nous dit-il, c'est de se jeter dans le moderne. Tout le monde veut être moderne et, comme si ça ne suffisait pas, tout le monde veut être rebelle par-dessus le marché. Pour être au goût du jour, tout le monde cherche à grimper dans le train déjà bondé des "mutins de Panurge" : un joyeux chaos avec les mauvaises manières en plus. Tournent dans ce manège non pas tant les plus déshérités ou les laissés-pour-compte, mais surtout, et sans vergogne, ceux qui ont déjà tout et qui veulent encore le reste. Les banquiers véreux, les milliardaires en perdition, les politiciens corrompus (sans parler de ce qui s'est passé tout récemment à la Fifa et chez Volkswagen) et qui, à défaut de rendre l'argent, en disent au moins du mal. Le comble du moderne, c'est donc à la fois de passer pour rebelle, d'avoir le pouvoir et d'être plein aux as... Les évènements, les livres, les spectacles, les sentiments, les idées passent à bride abattue comme le vent. Certains crient qu'ils en ont assez et essaient d'en sortir. Mais sortir est interdit. Nous sommes enfermés dans le système et il n'est pas permis de s'échapper. Même si nous le voulions... Alors que nous ne le voulons pas vraiment. Le système, c'est ce monde que nous avons tricoté ensemble et où nous sommes condamnés à vivre, avant de faire comme les autres et nous en aller pour de bon... » Voilà !
Ce qui se passe au Liban depuis belle lurette est très exactement le reflet de pareilles remarques. Le plus dramatique dans l'affaire étant le fait de l'impuissance pour chacun de s'en dégager. L'impuissance est le summum de toute souffrance qui puisse assaillir l'être humain. Non seulement elle ne laisse entrevoir aucune issue aux problèmes, mais, ce qui est pire, elle vous interdit aussi la moindre réaction.
Ces jeunes qui persistent à déferler dans les rues de la capitale m'émeuvent et me font pitié à la fois. De cœur avec eux, j'ai bien cependant l'impression qu'ils s'échinent pour pas grand-chose. Car la société « tricotée » par les Libanais et leurs dirigeants, ornée de toutes les ruses dont est capable le Moyen-Oriental, aura tôt fait d'étouffer, par entourloupettes, tous les élans prometteurs qui se manifestent. Et l'on finira par tourner en rond pour se retrouver immanquablement au point de départ.
Il y a plus d'un siècle que cela dure. Et si rien n'était fait, tout continuerait d'aller à l'avenant
L'une des solutions ? Non parfaite sans doute, mais susceptible d'infuser une bouffée d'oxygène dans ce corps desséché par tant d'incivisme : un chambardement complet (et j'y reviens toujours) de toutes les institutions étatiques libanaises .
Au fond de ce « ringard » qui écrit sommeille en effet un révolutionnaire qui n'ose dire son nom. En ce sens, je suis censé être bien moderne, puisque rebelle.
En réalité, c'est une vraie révolution qu'il nous faut. Pas forcément assortie de la panoplie habituelle qui évoque désordres et dévastations. Mais, pour une fois (formule bien libanaise, celle-là), une révolution tranquille et complète selon les vœux secrets (et pieux) du pape François, vœux qui transparaissent à chacune de ses exhortations publiques. Une révolution dans les esprits et dans les cœurs qui mettrait à profit la solidarité née hier entre les diverses communautés religieuses locales et les divers courants politiques. Une solidarité qui, seule, pourrait déplacer ces montagnes d'immondices tant matérielles que morales.
Ainsi, pourquoi ne pas inclure sur la scène du dialogue national en cours les chefs de file apparus dans la foulée des manifestations populaires ? Ne serait-ce que pour redorer le blason décati de rencontres hypocrites et inutiles. Il y suffirait d'un peu de bonne volonté, d'un décret hâtif pris par le président du Conseil pour voir fleurir et pour écouter en direct le son encore cristallin de pétitions légitimes et nécessaires de la part d'un peuple maudit qui se refuse à mourir.
En un mot, ce qu'il faut au Liban actuel, c'est une nouvelle Constitution, un « destour » rénové dans lequel, sans toucher aux sacro-saints accommodements de la convivialité communautaire, on puisse choisir librement ses représentants ; élire universellement son président, et redonner à la magistrature sa véritable indépendance loin des pressions et des magouilles...
Hors de ce genre de discipline, point de salut ! La vie politique du Liban est à ce prix.
C'est à prendre ou à laisser. Et tant pis pour tous ceux que mes suggestions ne seraient pas parvenues à convaincre.

Il me prend l'envie, aujourd'hui, de commenter les lignes que je viens de lire et dont la portée a particulièrement attiré mon attention.Il s'agit d'un long paragraphe tiré de l'un des écrits de Jean d'Ormesson. Un écrivain très connu en France, certes, mais chez lequel je n'avais personnellement apprécié jusqu'à présent que la verve de son esprit.Je reproduis, ci-après, presque...

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