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Campus - Focus

Doctorant libanais à l’étranger, une détermination à toute épreuve

Des dizaines de jeunes diplômés libanais s'embarquent chaque année dans une thèse de doctorat à l'étranger. Quelles sont les difficultés qu'ils rencontrent ? Comment arrivent-ils à compléter un travail dont la ligne de départ est fixée, mais dont celle d'arrivée demeure longtemps floue ? Ébauches de réponse.

Sandy Ardo n’a jamais baissé les bras malgré les difficultés rencontrées au cours de sa recherche.

L'ambition, la passion pour le travail de recherche, le désir ardent d'en savoir plus sur un sujet donné, celui de contribuer à l'avancement des sciences, le rêve d'entreprendre une carrière académique et même l'attrait du titre de docteur. Autant de motivations qui poussent les jeunes à entreprendre des études doctorales et à commencer un long et difficile parcours, tantôt accessible et plat, tantôt exigeant et cahoteux.
Dans leurs parcours, les doctorants rencontrent diverses difficultés. Les problèmes techniques liés aux appareillages et à leur disponibilité sont fréquents chez certains thésards, notamment en sciences et technologies, une contrainte qui les empêche d'achever leurs travaux au temps voulu. « Le respect des délais imposés et l'obtention de résultats valides représentent le cauchemar des chercheurs », précise Georgette Estephane, doctorante depuis trois ans en chimie à l'Université de Lille 1 (France).
Le témoignage de Sandy Ardo, titulaire depuis peu d'un doctorat en environnement de l'Université Pierre et Marie Curie (France), corrobore l'affirmation de Georgette. « Au moment où j'ai initié ma thèse, le procédé sur lequel je devais travailler n'était pas encore connu. Il fallait donc commencer de zéro. De nombreux problèmes expérimentaux m'attendaient. Par conséquent, je suis restée sans résultats significatifs durant mes deux premières années de recherche, ce qui m'a énormément stressée », confie-t-elle.
La gestion du temps s'avère être l'obsession des doctorants. « Le temps qui se consomme était pour moi la seule source de stress », assure Eddy Dib. Le jeune homme qui a présenté sa soutenance de thèse de doctorat à l'École nationale supérieure de chimie de Montpellier (ENSCM) il y a quelque mois explique : « J'aspirais à approfondir plus mes connaissances, mais le manque de temps m'en empêchait. »

Solitude et mal du pays
« Durant une thèse, on éprouve tous les sentiments humains », indique Amine Kassouf qui a complété une thèse sur la sécurité sanitaire des denrées au contact de matériaux d'emballage, en cotutelle entre l'Université libanaise et l'Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement à Paris. Fasciné depuis sa tendre enfance par les scientifiques, il se rêvait en futur chercheur. Si aujourd'hui Amine s'est bien familiarisé avec la recherche à temps plein, il s'est heurté à des contraintes financières. Et bien qu'un grand nombre de thésards libanais en France bénéficient d'une bourse et d'une allocation de recherche, cette somme ne leur est pas toujours suffisante. « Faire de la recherche en pensant au loyer ou au coût de son transport n'est pas évident », assure le jeune homme. « J'opérais de telle sorte à ce que l'allocation de recherche me suffise, mais j'avais besoin parfois de l'aide familiale », confie-t-il.
Dalia Salameh, quant à elle, a surmonté cette difficulté en donnant, parallèlement à son travail de recherche, des cours particuliers de langue arabe. Mais la contrainte principale pour la jeune thésarde à l'Université Aix-Marseille était le mal du pays. « S'éloigner de sa famille et s'adapter à un nouvel environnement n'est pas si facile », se plaint-elle. Et de poursuivre : « Parfois, au début de mon voyage, les petits désaccords avec mon directeur de thèse aggravaient le sentiment de solitude que j'éprouvais. Mais, avec le temps, j'ai réussi à surmonter cela grâce à des activités sportives et sociales que je pratiquais pendant mon temps libre. »
Par ailleurs, on dit souvent que la solitude fait partie de l'apprentissage du métier de chercheur, qu'en est-il vraiment ? « La vie d'un chercheur ne suit pas souvent les normes sociales des autres personnes », précise Eddy Dib. Et de poursuivre : « Nos priorités ne sont plus les mêmes. On pense toujours à des problématiques qui nous dépassent et on se sent déconnecté de tout le reste. » Amine Kassouf ajoute : « Une vie privée et sociale pour un chercheur à temps plein existe mais très difficilement. » Dalia Salameh explique : « Ne pas pouvoir mener des relations à distance et rater, par exemple, les cérémonies de mariage de proches sont communs pour un doctorant à l'étranger. »
Sandy et Georgette, elles, regardent la moitié pleine du verre. « Je fais mes recherches dans un laboratoire qui réunit de nombreuses nationalités. Cela me permet de découvrir différentes cultures et de tisser des liens amicaux avec des personnes de partout dans le monde », indique Georgette. Sandy renchérit : « Vivre à l'étranger fut pour moi une expérience très enrichissante au niveau professionnel et social. J'organisais souvent des sorties avec l'équipe au sein de laquelle je travaillais. »
Outre les contraintes auxquelles ils font face, certains thésards subissent des critiques et des commentaires négatifs de la part de leur entourage. « Tu ne trouveras pas de boulot au Liban. Pourquoi as-tu pris la peine de poursuivre une thèse de doctorat ? » est l'une des expressions qui tapent sur les nerfs d'Amine particulièrement lorsqu'elles proviennent « de copines qui sont déjà mariées ».
« Mes amis m'ont blâmée à plusieurs reprises. Ils m'ont reproché mes priorités qui prennent le dessus sur le mariage », confie Dalia. Même son de cloche de la part de Georgette. La jeune femme âgée de 29 ans indique : « Vu les exigences de notre société concernant l'âge du mariage, ma famille m'a mise en garde qu'une thèse risque de retarder la perspective de mon mariage. »

Et puis... la recherche d'un emploi
Malgré les obstacles et les critiques qu'ils confrontent, les thésards ont affirmé à l'unanimité n'avoir jamais pensé à baisser leurs bras. Y aurait-il alors une recette secrète pour atteindre la ligne d'arrivée ? « C'est normal de passer par des moments difficiles, vouloir être à côté de sa famille, bien manger et dormir dans son lit. Mais cela doit nous stimuler et nous donner la force d'achever ce qu'on a choisi de commencer », assure Dalia.
Pour Amine, la persévérance est cruciale. « La thèse était mon objectif, le fait de l'abandonner aurait été un échec retentissant », affirme-t-il. Georgette acquiesce. Et d'assurer : « Mon enthousiasme et ma volonté m'aident à surmonter beaucoup de difficultés. Aussi, mes réunions hebdomadaires avec l'encadrant me permettent de définir un plan de travail régulier et de mieux gérer mon temps. »
Quel serait alors le profil d'un bon thésard ? « Patient, diplomate, motivé, autonome, curieux, malléable, disposant d'un esprit d'analyse et de synthèse, et qui aime ce qu'il fait et y met toute son âme », s'accordent à dire les chercheurs interviewés. « En se spécialisant, on élargit nos compétences dans un domaine mais on rétrécit les possibilités de travail », précise Eddy.
Les jeunes thésards, une fois docteurs, commencent un nouveau trajet, mais cette fois-ci encore plus dur : la recherche d'un emploi.

L'ambition, la passion pour le travail de recherche, le désir ardent d'en savoir plus sur un sujet donné, celui de contribuer à l'avancement des sciences, le rêve d'entreprendre une carrière académique et même l'attrait du titre de docteur. Autant de motivations qui poussent les jeunes à entreprendre des études doctorales et à commencer un long et difficile parcours, tantôt accessible...

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